Comment je suis devenue lutteuse en 1 an et demi

Tout le monde sait que les combats de lutte sont scénarisés. Mais on est peu conscient de l’immense travail qui se cache derrière chaque prise spectaculaire, jusqu’à ce qu’on les tente. En 19 mois, je suis devenue une lutteuse et ça m’a tout pris pour ne pas lâcher.
Mais pourquoi je me suis embarquée là-dedans?
Jamais je n’aurais cru devenir lutteuse un jour. Ce n’était pas prévu. Certes, j’ai la réputation d’avoir des projets disons... originaux. Mais c’est que quand j’aime quelque chose, je m’y investis corps et âme.
En décembre 2016, un collègue m’a suggéré, le plus sérieusement du monde, de devenir lutteuse. Je l’ai pris comme un défi. Et quand je parle de «défi», mon côté compétitif veut tout péter. Par exemple, on m’a déjà défiée de faire une compétition d’air guitar; eh bien, je l’ai gagnée, et deux fois de suite à part de ça!
Je regardais déjà de la lutte à la télé depuis quelques temps et, ben... je trouve ça beau. La lutte, c’est une poésie en mouvement, c’est un ballet brutal, c’est un coucher de soleil avec des muscles. Je ne sais pas comment l’expliquer. Il faut en regarder pour comprendre comment c’est beau. Donc... j’ai accepté!
Au début de 2017, lorsque j’ai commencé à fréquenter la Torture Chamber Pro-Wrestling Dojo (l’école de lutte), mon niveau de connaissance de la lutte était aussi creux que la fosse des Mariannes.
C’était d’ailleurs peut-être pas une si bonne idée, devenir lutteuse...
Est-ce que ça a été difficile?
Eh bien, je confirme, apprendre la lutte, c’est encore plus difficile que je ne le pensais! L’entraînement a été très exigeant; c’était deux soirées complètes de semaine, en plus du dimanche après-midi entier. Je sais qu’il aurait fallu que je fréquente le gym en plus, mais je n’avais pas du tout le temps d’y aller.
Aller au gym m’aurait probablement aidée à me mettre en forme plus rapidement. En effet, j’ai appris à la dure qu’il faut être physiquement très en forme pour lutter dans un ring. Les premiers mois ont été extrêmement brutaux. J’avais toujours mal à quelque part. Pour donner une idée, je me suis blessée dès le deuxième entraînement. En faisant une simple roulade, ma tête fémorale droite est allée cognée contre le fond de la glène (soit le «socket» du fémur dans le bassin). J’avais de la misère à marcher! Ça m’a pris quelques semaines et plusieurs rendez-vous de physiothérapie pour m’en remettre. En fait, je n’ai jamais cessé de consulter ma physiothérapeute tout au long de l’entraînement.
Et lorsque finalement, j’ai été suffisamment en forme et que j’étais guérie, c’est le manque de connaissances dont je parlais plus tôt qui m’a carrément nui. Il faut dire que j’ai évolué dans une gang, à la Torture Chamber, qui mange de la lutte depuis toujours. Moi, j’en regardais (pas souvent) depuis 2015. Malgré un grand enthousiasme, j’ai bien vu qu’il me manquait le vocabulaire.
Ceci n’a certainement pas aidé à la pression que je sentais de la part du coach. Je ne comprenais pas tout le temps ce à quoi il s’attendait de moi. Je faisais de mon mieux, je me suis donnée à 100% à chaque cours, mais j’avais toujours l’impression d’être un peu off, de ne jamais être capable d’être là où il aurait fallu que je sois. Ça n’a pas été génial sur la confiance en moi, ça.
Il y a eu plusieurs occasions où j’ai pensé prendre mes affaires et partir. Au moins une fois par semaine, je trouvais que ça n’allait pas du tout, et les sacrifices m’apparaissaient trop grands.
Mais pourquoi suis-je restée?
Je suis allée au bout de cette aventure pour plein de raisons.
Car je m’y suis engagée et je suis une femme de parole. Quand je dis que je fais quelque chose, je ne lâche pas.
Parce que, à partir d’un certain point, l’habitude s’est prise et il est devenu difficile d’imaginer ma routine sans mes entraînements de lutte.
Mais surtout, parce que j’ai tiré une grande fierté d’apprendre quelque chose d’aussi tough, autant mentalement que physiquement. Me voir m’améliorer, prendre du muscle, reprendre mon souffle plus rapidement, mieux comprendre les rouages d’un combat de lutte, ça a été un processus absolument grisant.
Et que dire du combat lui-même! Bon, j’ai merdé un peu en criant que je me soumettais (oupsi!), mais à part de ça, wow, quel match! La foule a embarqué, la suite de mouvements a été fluide et bien maîtrisée par moi-même et Flo Riley (mon adversaire), et surtout on a eu du fun!
Est-ce que ce 10 minutes de plaisir sur le ring ont valu les 19 difficiles mois précédents? Oh que oui. C’est la récompense à ma persévérance.
Est-ce que je continue à m’entraîner? Absolument.
En fait, je considère m’être donné le plus beau des cadeaux en suivant cet entraînement: me mettre en forme. C’est comme si me sentir devenir forte me donnait également de la force mentale. Je me sens capable de mieux m’affirmer, d’assumer mes choix et d’entreprendre tous mes projets fous.
C’est inestimable, cette sensation.