[PHOTOS] J'ai vécu le test de dépistage de la COVID-19

Notre collaboratrice Élise Jetté s’est réveillée le 12 mars dernier en présentant des symptômes de la COVID-19. Fièvre, toux et difficultés respiratoires l’ont poussé à se placer en isolement volontaire dès le début des symptômes. Elle a obtenu un rendez-vous de dépistage le 17 mars. Elle nous raconte le déroulement.
C’est un appel au 811, la ligne Info-Santé, le jour même de mes premiers symptômes qui m’a permis d’obtenir une place sur la liste d’attente afin de passer le test de dépistage de la COVID-19. Hormis les symptômes nommés plus haut, un contact direct ou indirect avec une personne contaminée devait être évident. Puisque j’avais fréquenté le métro de Montréal aux endroits et aux moments à risque le 6 mars (une personne infectée par le coronavirus a pris le métro entre les stations Berri-UQAM et Champ-de-Mars et sur la ligne d’autobus 88 à Longueuil durant mes heures de déplacement du matin), on a effectivement jugé qu’un dépistage était nécessaire.
Je quitte la maison à 15 h 15, le 17 mars, après avoir pris une dernière fois ma température. Je ne fais plus de fièvre depuis 36 heures, mais ma toux et mes problèmes respiratoires se sont accentués durant les 48 heures qui ont précédé mon rendez-vous.
J’arrive à l’urgence de l’Hôtel-Dieu de la rue des Pins, à Montréal. Un gardien de sécurité me demande d’enlever le masque que je porte déjà afin d’en utiliser un neuf. On me demande aussi de laver mes mains avec la solution antibactérienne dans l’entrée. On s’assure également que j’ai bel et bien un rendez-vous.
En route vers l’ascenseur, une petite famille de deux adultes et deux jeunes enfants me précède et peste contre ce retour de vacances abrupt après un voyage en famille. Le plus jeune demande de manger le masque, puis il demande d’enlever le masque, et de jouer avec le masque. La plus vieille a du mal à ajuster la protection sur son visage, car l’élastique est trop grand. «C’est tout ce qu’on a comme masque», répond le gardien à la maman qui fabrique un système de fortune avec un élastique à cheveux.
En montant dans l’ascenseur, on comprend vite que personne ne va appuyer sur le bouton «1» avec autre chose que son coude. Au premier étage, là où on fait le dépistage, le mot-clé, c’est «désinfecter». Personne ne circule sans masque. Il y a autant de lingettes désinfectantes sur l’étage qu’il y a de fans d’Horacio Arruda au Québec.
Je patiente dans une file durant environ 20 minutes pour pouvoir m’enregistrer. Pendant l’attente, j’observe les manœuvres de nettoyage comme on regarde un film de science-fiction.
Toutes les cinq minutes, un gardien de sécurité ordonne à tous ceux qui attendent de laver leurs mains et leur carte d’assurance maladie, à un point tel qu’au bout de la file, je ne suis plus certaine si je suis toujours une donneuse d’organes finalement (ma signature est délavée).
L’abreuvoir est évidemment condamné. Pas question que quelqu’un dépose ses «produits biologiques» – comme dirait le directeur national de la santé publique – sur le goulot de la fontaine.
Une vitre me sépare de celle qui remplira mon dossier. La préposée me pousse une petite boîte en métal avec le bout de son stylo. Elle me demande d’y déposer ma carte pour qu’elle puisse la lire sans y toucher. Une fois les informations colligées, elle repousse la boîte de mon côté, toujours avec le stylo. À ma droite, une citoyenne mal informée essaie d’obtenir un dépistage et un papier du médecin pour son employeur alors qu’elle n’a pas de rendez-vous.
Certains patients sont placés entre deux murs, dans une sous-division de la salle d’attente. On comprend que ce sont probablement des patients un peu plus à risque que les autres. Disons que je ne partagerais pas leur cubicule.
Chaque fois qu’un patient sort de la niche à malades, une escouade-lingettes débarque pour tout désinfecter. Ils sont trois ou quatre à passer les uns derrières les autres pour nettoyer et renettoyer, vêtus comme s’ils allaient devoir serrer un contaminé dans leurs bras.
Mon cas ne nécessite pas ce genre d’isolation, je peux donc déambuler dans l’autre zone où le silence des jours sombres me permet malheureusement d’entendre tous les commentaires racistes que chuchote le couple à mes côtés. «Reste loin du Chinois», dit la femme à son mari en pointant disgracieusement un homme asiatique.
«Pourquoi tout le monde est malade», crie le petit garçon du début, fasciné par tous ces gens aux visages couverts. «C’est donc ben long», soupire sa grande sœur. Je souris d’empathie à la mère qui ne peut pas voir mon sourire. J’espère que mes yeux sont assez expressifs.
Les patients en attente de dépistage ne s’adressent jamais la parole, mais s’échangent de nombreux regards qui veulent dire quelque chose comme «approche-moi pas, sinon je te neutralise.»
Toutes les 10 minutes, un préposé vient nettoyer les moulures, les chaises, les murs, les poignées. Même la face de Claude Meunier sur son affiche plastifiée de porte-parole bénévole de la Fondation du CHUM est bariolée, signe qu’une lingette désinfectante est passée par là.
On appelle finalement mon nom après une quarantaine de minutes d’attente.
Dans la salle d’examen, le moins d’objets possible. Une chaise, une table et une poubelle, puisque le virus peut vivre plusieurs heures sur les surfaces. Ainsi, je décide d’attendre mon infirmier debout à côté de la chaise qui a pourtant l’air fraîchement badigeonnée de Purell.
Le jeune infirmier, vêtu comme un soudeur, valide mes plus récents symptômes et mon contact possible avec le virus. Il détermine que je suis éligible au test. Il frotte vigoureusement un long coton-tige dans le fond de ma gorge, puis un autre, plus fin, dans le fond de ma narine gauche. Pas le meilleur moment de ma journée.
Les cellules emmagasinées sur les deux baguettes sont déposées dans un liquide qui, lui, sera analysé d’ici deux à trois jours. On m’invite à demeurer confinée jusqu’au résultat et on me remet un document qui contient la liste des précautions à prendre en attendant le résultat et les procédures à respecter une fois que le résultat arrivera.
Je me redirige vers la sortie en ne touchant les portes et les boutons qu’avec mes coudes.
J'attendrai patiemment les résultats avant de ressortir de chez moi.
Dans cette crise qui, selon toute vraisemblance, sera marquée par sa durée, ma sortie aussi dure longtemps: je lave mes mains 20 secondes à chaque distributeur de désinfectant.
On n’est jamais trop prudent.