Ils prévoient l’imprévisible en temps de pandémie
Reporter des spectacles à répétition, s'entraîner pour des compétitions sportives dont la tenue est compromise, refaire sans cesse les plans de voyage de sa clientèle: en raison de la pandémie, plusieurs entrepreneurs et athlètes sont incapables de se projeter dans l’avenir.
Malgré le travail qu’ils accomplissent chaque jour, rien ne garantit que leurs efforts porteront fruit, puisqu’ils ne savent à quel moment leur secteur d’activité se remettra en marche.
Une programmation toujours à refaire
Depuis le début de la crise, Karl-Emmanuel Picard, un programmateur de Québec, a dû remettre à plus tard un grand nombre de spectacles et revoir complètement sa programmation, sans même savoir si ces concerts pourraient un jour avoir lieu.
«Il y a des spectacles qui étaient prévus en mars, que j’ai reportés à avril. On nous a dit que ce n’était pas possible de reporter à mai. Alors j’ai reporté au mois de septembre ou octobre et on pense que ce ne sera pas possible encore, souligne-t-il. Avoir su, on aurait tout reporté à 2021. C’est quand même mathématique et c’est dur de contrôler ça», explique le fondateur de l'entreprise District 7 Production.
«Quand ça fait 15 ans que tu organises des spectacles et que, du jour au lendemain, tu ne peux plus organiser de spectacles, tu ne sais pas quand tu vas pouvoir en organiser... Une chance que je suis jeune», soutient celui qui est aussi copropriétaire de L'Anti Bar & Spectacles.
Pour rentabiliser sa salle de spectacle, l’entrepreneur doit mettre en avant de nouveaux concepts, comme l’organisation de concerts présentés sur le web.
«Ça fait quatre spectacles virtuels que je fais. Pour chaque spectacle, j’ai réussi à vendre environ 850 billets», affirme M. Picard.
Quand les manèges ne tournent pas
Cet été, en raison de la pandémie, Véronique Vallée, membre de la famille propriétaire de Beauce Carnaval, ne pourra pas divertir le Québec avec ses manèges, cloués à Saint-Benoît-Labre, près de Saint-Georges.
«On ne peut pas tenir de rassemblement avant le 31 août. Ensuite, on va voir si l’interdiction de se rassembler est levée. Si elle n’est pas levée, on est arrêtés jusqu’à 2021. En 2021, est-ce qu’on va pouvoir se rassembler? On ne le sait pas encore», indique-t-elle.
Pour sauver l’année 2020, Beauce Carnaval doit soumettre un plan à la Direction de la santé publique en juillet. D’ici là, l’entreprise ne peut rien planifier avec ses manèges dans des lieux publics. Les propriétaires souhaitent de tout cœur que les rassemblements soient permis après le 31 août.
«On ne veut pas que personne attrape [la COVID-19]. La sécurité a toujours été la base de notre compagnie. Si ça continue et que ça va bien, d’après moi, avec nos recommandations, on devrait pouvoir faire un petit quelque chose pour les mois de septembre et octobre», dit-elle.
Un tremplin dans son salon
La plongeuse Meaghan Benfeito devait passer le printemps à s’entraîner à la piscine en vue des Jeux de Tokyo. Confinée à la maison, elle a dû être créative pour se préparer à sa dernière aventure olympique.
«J’ai mon matelas de la chambre d’invités. Je le mets dans mon salon. Je fais mes périlleux, j’atterris sur le matelas. [...] Oui, on s’adapte, mais on est quand même capables de faire la base», lance-t-elle.
«On est tellement habitués à avoir des plans écrits, à avoir des gens qui nous disent quoi faire. On sait où on va, qu’est-ce qu’on fait à chaque heure dans la journée, indique-t-elle. Oui, c’est stressant, mais on est capables de voir le côté positif de tout ça. Ça fait 23 ans que je plonge et je ne suis pas stressée. Je sais que, quand je vais retourner à la piscine, je ne vais pas avoir tout perdu», tempère toutefois l’athlète.
«Je sais que je suis vraiment plus forte mentalement que je le pensais. De me pousser chaque jour, de me lever, de rester motivée, de garder mon objectif en tête [...] c’est quelque chose que je n’aurais pas nécessairement compris s’il n’y avait pas le confinement», conclut Meaghan Benfeito.
Une destination inconnue
Pour l’agente de voyages Mélanie Guillemette, chaque jour ressemble à un éternel recommencement, puisqu’elle doit sans cesse réorganiser les vacances de sa clientèle en fonction de l'évolution de la situation mondiale.
«On travaille constamment sur les mêmes dossiers, parce que les compagnies se mettent à jour. Nous, on n’a pas le choix, il faut refaire le travail, il faut informer les clients», fait savoir la propriétaire de Voyages Aqua Terra Lévis.
Par exemple, le transporteur Sunwing, qui avait d’abord offert de rembourser les clients dont le voyage avait été annulé, s’est finalement rétracté la journée suivante, explique Mme Guillemette, qui a dû recontacter plusieurs voyageurs pour leur offrir un «crédit voyage».
«On travaille à l’envers. Au lieu de vendre des voyages, on annule des voyages. [...] Tout est en suspension. On fait du bénévolat, il a fallu licencier des gens», se désole l’agente de voyages.
«On ouvre les musées, on ouvre les salons de coiffure, mais nous, personne ne parle de nous encore. On a des frais fixes. Mon loyer, il faut que je le paie pareil. On a zéro revenus qui rentrent et on n’a pas d’aide proposée pour nous, les agences de voyages», critique-t-elle.