Procès pour viol et attentat à la pudeur: Gilbert Rozon acquitté

Le verdict est tombé : Gilbert Rozon est acquitté de viol sur une femme dans son sommeil, il y a de cela 40 ans, dans une maison des Laurentides.
« Même si le tribunal ne croit pas la version des faits donnée par M. Rozon, celle-ci soulève tout de même un doute raisonnable », a dit la juge Mélanie Hébert tandis que le fondateur de Juste pour rire poussait un énorme soupir de soulagement dans la salle d’audience, au palais de justice de Montréal.
En définitive, la magistrate a eu un « doute raisonnable » concernant ce qu’il s’était passé lors de la fameuse soirée où la plaignante s’était retrouvée seule avec le magnat de l’humour déchu, à l’époque où il était moins connu. Cette femme, Annick Charette, a courageusement demandé et obtenu la levée de l’interdit de publication sur son identité, ce mardi.
« Le mardi 15 décembre restera un jour sombre pour toutes les victimes d’agression sexuelle au Québec », a-t-elle commenté après le verdict.
« Je suis un autre exemple des limites du système de justice en matière de violences sexuelles. Je déplore profondément que les mythes et les stéréotypes d’une autre époque, qui ont largement étayé les arguments de la défense, aient pu trouver écho auprès de la cour. C’est un message bien négatif qu’envoie la justice aux victimes. »
Deux récits
Selon le récit de la femme, qui avait alors 20 ans, Rozon l’avait invitée en discothèque. Par la suite, ce dernier avait trouvé un prétexte pour l’emmener dans une maison, où il lui a fait des avances. La femme a refusé et sous l’insistance de Rozon, elle se serait débattue.
La victime est ensuite allée dormir, et c’est pendant son sommeil que Rozon serait entré dans la chambre pour la violer.
« Je me souviens de l’oppression, du lâcher-prise, de me dire de penser à autre chose et que ça va se finir », avait-elle témoigné à la cour.
Rozon avait témoigné pour sa propre défense, en tentant de se placer en victime. Selon lui, c’est la femme qui était venue profiter de lui pendant qu’il dormait.
« Je me suis réveillé, elle était à califourchon sur moi en train de me faire l’amour, avait -il décrit. Elle regardait au loin, je me demandais si elle se faisait l’amour sur moi. Je me suis laissé faire, j’ai pris mon plaisir. J’ai accepté mon sort parce que ça m’arrangeait. »
Message aux victimes
Face à ces versions contradictoires et après analyse minutieuse de toute la preuve, la juge n’a pas estimé « hors de tout doute raisonnable » que Rozon avait commis un crime, si bien que ce dernier a été acquitté.
Mais malgré ce verdict, Mme Charette insiste : les victimes doivent continuer de dénoncer. Elle a d’ailleurs tenu à rendre hommage aux Courageuses, ce regroupement de femmes qui voulait intenter une action collective contre Rozon, sous prétexte qu’il est un agresseur sexuel, mais qui a été débouté par la Cour suprême.
« À toutes les victimes, j’aimerais vous dire ceci : n’ayez pas honte, a conclu Mme Charette. La culpabilité que vous ressentez ne vous appartient pas. Malgré la déception d’aujourd’hui, je vous invite à dénoncer, peut-être qu’ainsi, les choses commenceront à changer. »
Rozon, de son côté, a quitté le palais de justice sans dire un mot.