L'exemple Maurice Richard : il faudrait mieux mettre en valeur nos statues de personnages inspirants

On a beaucoup parlé au cours de la dernière année des raisons que nous avons de détester certaines statues publiques, mais qu'en est-il de celles qu'on aime? Des monuments voués à de personnages aimés de tous les Québécois, tel Maurice Richard, ne méritent-ils pas des emplacements plus valorisants?
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Quand je croise la statue de Maurice Richard devant l’aréna éponyme à l’angle de Viau et Pierre-De Coubertin à Montréal, j’arrête un peu mon jogging pour piquer un brin de jasette.
Si je suis accompagné de mon fils que je traîne dans la cardiopoussette, Maurice devient alors une «structure de jeu».
L’été, je donne à mon rejeton une branche et je lui demande d’enlever les toiles d’araignées entre les jambes et sous les bras de la statue, dont pas grand-monde ne semble s’occuper.
Dimanche, je courais par là, en revenant du Jardin botanique. Maurice était seul, je suis allé le voir :
– «Bonjour, Maurice Richard ! Vous allez bien?»
Eh oui, je parle aux statues. Pas vous ? Vous devriez essayer. Ça fonctionne : elles répondent. Moi, je suis sain d’esprit. Si les œuvres d’art auxquelles vous adressez la parole ne vous la rendent pas, consultez un psychiatre.
«Oui, content qu’il neige!» m’a répondu le Rocket qui avait par ailleurs de la neige sur la tête et le dos. «On l’aura assez attendue, cette année.»
J’entends ses mots, mais je sens bien que le cœur n’y est pas. Ce demi-dieu du hockey a beau s’incarner dans cette statue de métal réalisée en 1997 par les sculpteurs Annick Bourgeau et Jules Lasalle, son moral n’est pas toujours d’acier.
– «Puis-je faire quelque chose pour vous, monsieur Richard?»
Évidemment, je le vouvoie; lui me tutoie.
– «J’aurais un autre service à te demander, mon petit gars...»
– «Ce que vous voulez, M. Richard!»
Maurice Richard a une bonne mémoire. Il se souvient qu’il y a un an, je l’ai aidé à faire effacer un stupide graffiti sur son front. J’avais pris une photo pour le 24 heures. Le lendemain matin, une collègue-journaliste de TVA était sur place le micro à la main pour interroger les passants (mais elle n’a pas interviewé la statue). Même le réseau CTV, en anglais, s’était mis de la partie. Une fois médiatisé, le problème avait été rapidement réglé : le front nettoyé, la dignité restaurée.
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Voilà le premier service dont parle le Rocket... qui m’en demande maintenant un autre.
– «Je veux qu’on me change de place, je meurs d’ennui ici ! Est-ce que ça a du sens, que je sois placé face à la rue Viau? Il n’y a que des voitures. Les gens filent devant moi sans me voir. Je n’ai rien contre l’usine de Cascades devant moi, mais son stationnement ne déborde pas d’activité. Déjà, sûr De Coubertin, je verrais plus de monde! J’ai toujours été un peu sauvage, mais pas comme un ermite ; j’ai besoin d’action.»
– «Où voudriez-vous qu’on vous déménage, M. Richard?»
– «Dans les parages de la station Viau, vraiment pas loin d’ici, de manière à ce que je sois visible. On pourrait mettre près de moi une flèche ou un panneau pour indiquer mon aréna.»
Cette statue a raison de se plaindre. À quoi bon honorer l’éternel numéro 9 du Canadien de Montréal avec une si belle œuvre si c’est pour la placer là où si peu de gens la voient? Même si la statue est techniquement devant l’entrée de l’aréna Maurice-Richard, ce n’est pas par cette porte que l’on y accède généralement.
Si un insipide barbeau a pu barrer le front du Rocket pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, sans qu’on y remédie, et si je suis obligé de demander à mon fils d’ôter les toiles d’araignée de ce héros sportif bien-aimé, c’est un peu la preuve que cette œuvre croupit au mauvais endroit.
Ce serait bien de la placer de telle sorte que les milliers de gens qui tôt ou tard sortiront de nouveau de la station Viau pour aller au cinéma, au Planétarium ou au stade olympique, au stade Saputo ou au Biodôme puissent croiser Maurice, le saluer et, peut-être aussi, bavarder avec lui.
Enfin, si l'idée de donner enfin à cette statue la place qu'elle mérite, n'hésitez pas à partager cette chronique.