De nouvel arrivant de l’Afrique à entrepreneur à Rivière-du-Loup
Mois de l'histoire des Noirs

Papa Noël Sow est propriétaire de la boutique africaine chez Papa Noël, situé à Rivière-du-Loup
Dans le cadre du Mois de l’Histoire des Noirs, Porte-Monnaie a rencontré 5 entrepreneurs québécois afro-descendants qui lèvent le voile sur leur histoire, les enjeux et les défis d’un entrepreneur noir en 2021.
Personne ne reste indifférent à Papa Noël Sow. C'est bel et bien le véritable prénom de ce fier néo-Québecois né le 25 décembre au Mali. À son arrivée au Québec en 2009, il choisit Rivière-du-Loup pour s’y installer. Le choc culturel est grand, mais rien ne l’empêche de concrétiser son rêve d’ouvrir une boutique africaine en région, là où sa clientèle est majoritairement blanche.
- 44 ans, d’origine du Mali, arrivé au Québec en 2009
- Propriétaire Boutique africaine chez Papa Noël, depuis 2017
- Affirme avoir fréquenté « l’Université de la vie »
Quels sont les principaux défis lorsqu’on est un entrepreneur issu de l’immigration qui veut se lancer en affaires?
En venant ici, j’avais déjà l’intention d’ouvrir une boutique africaine. Je me suis vite rendu compte que partir en affaires au Québec n’avait à rien avoir avec la façon de faire en Afrique. J’ai dû tout apprendre en commençant au plus bas de l’échelle.
Je n’avais aucune éducation. J’aime dire que je suis allé à l’université de la vie. J’ai donc travaillé sans relâche. De nettoyer les toilettes à la cuisine comme plongeur : il n’y a rien que je n’ai pas fait.
Tu racontes avoir eu plusieurs refus de subventions avant que ça fonctionne. Comment ça s’est passé?
Mon projet était monté. J’ai fait plusieurs demandes de subventions du gouvernement qui ont toutes été refusées. Ils ont mis mon projet à la poubelle. Je me suis rendu au centre local de développement, qui a enfin vu un certain intérêt.
J’ai donc déposé les documents et j’ai eu un rendez-vous à la banque. Coup de chance, le directeur travaillait avec une autre compagnie pour des projets en Afrique et mon projet tombait pile-poil pour le type d’investissement qu’on recherchait à l’époque.
La banque a donc voulu financer les débuts de la boutique africaine?
Oui, mais à une condition. J’avais besoin d’un montant de 5% de la somme que je voulais emprunter. Honnêtement, je n’avais que 125 dollars dans mon compte. J’ai donc fait appel à mon premier patron, un vendeur immobilier, devenu mon grand ami. Il m’a avancé les 5%!
Est-ce vrai que le racisme est plus présent en région? Est-ce que ça fait partie de ta réalité en tant qu’entrepreneur noir à Rivière-du-Loup?
Il y a du racisme partout. Oui, j’ai vécu du racisme ici, comme j’ai vécu aussi du racisme en Afrique. J’ai eu aussi des incidents de vandalisme devant ma boutique, mais j’ai réglé ça très vite. Ici, je dis aux gens que je suis un être humain comme toi et je demande le respect.
Je dois dire qu’il faut montrer à l’autre que l’on est capable, mais ensemble. Je crois vraiment qu’il faut s’impliquer et aller vers l’autre. Les gens en région ont cette curiosité ou cette ignorance, car ils ne te connaissent pas. J’ai cette mentalité de me dire que je n’ai pas le choix d’aller vers les autres, car seul on n’est rien. Personne n’a pu être quelqu’un sans personne. Il faut les aider et, à son tour, on recevra de l’aide.
Et finalement, je vous dirais que 95% de mes clients sont des blancs. Il n’y a pas 100 000 Noirs à Rivière-du-Loup! Je m’investis auprès de ma communauté en créant des festivals africains et en organisant des soupers culturels à la Ville. Le monde embarque!
Quelles seraient selon toi, les trois plus importantes qualités pour devenir un bon entrepreneur ?
Il faut être patient. La patience est un chemin d’or. Ça m’a pris 10 ans avant de concrétiser mon rêve d’ouvrir une boutique africaine. J’ai commencé ma première boutique en Afrique avec quatre morceaux de bois et de la paille et il n’y avait personne, mais j’avais dans mon cœur mon objectif.
Ayez confiance en vous. J’ai fait le tour des écoles dans le Bas-Saint-Laurent et j’ai donné des conférences.
Je dis aux élèves de ne pas avoir peur et je leur donne l’exemple de mon premier patron qui avait ri de moi lorsque je lui ai confié que je voulais ouvrir une boutique africaine à Rivière-du-Loup! Lorsque tu as un rêve, fonce même si tu n’as pas un sou.
Je vous dirais à tous qu’il est important de se lever le matin et d'aller faire ce qu’on aime. C’est ça être entrepreneur. Il ne faut pas seulement focaliser sur l’argent. Les jeunes veulent devenir rapidement millionnaire, mais ce n’est pas l’essence d’être entrepreneur, ce n’est qu’une partie de cet objectif de vie. Demandez-vous si vous êtes vraiment heureux d' être un entrepreneur.