Des gens s'affichent restaurateurs sur Uber Eats et préparent des repas chez eux

Restaurateur ou imposteur? Des citoyens prétendent avoir des restaurants pour vous vendre des repas sur Uber Eats sans expérience culinaire.... et cuisinés chez eux.
- Des citoyens s’improvisent restaurateurs et préparent des repas chez eux
- Ces «faux restaurateurs» vendent des repas sur DoorDash et UberEats
- Cette pratique est tout à fait légale
Savez-vous vraiment qui prépare le souper que vous commandez sur internet? Une enquête menée par l'émission À vos affaires de LCN montre qu'il est facile, pour de faux restaurateurs, de vendre des repas sur des plateformes populaires comme UberEats.
Le propriétaire de La Cuisine de Williams, Masud Humayun, a expliqué qu'il cuisine ses burgers et ses frites en toute légalité dans la cuisine de son condo du centre-ville de Montréal, qui abrite également sa famille récemment immigrée du Pakistan.
«Aucun inspecteur n'est jamais venu, vous êtes le premier à me poser des questions», a admis le jeune cuisinier en herbe.
Dans quelles conditions sont cuisinés ces repas? Impossible de le savoir, car M. Humayun a refusé l'accès à sa cuisine sous prétexte que ses enfants s'y trouvaient au moment de notre visite.
Par le fait même, il a indiqué que ses opérations respectaient totalement les lois québécoises puisqu’il ne livre qu’une quantité limitée de nourriture chaque mois.
Pas le seul
La Cuisine de Williams est loin d'être un cas isolé. Plusieurs cuisiniers inexpérimentés offrent des repas à livrer sur les plateformes les plus populaires qui se gardent bien d'en informer leurs clients.
UberEats, Doordash et SkipTheDishes ont été appelés à commenter les constats de cette enquête. Seul SkipTheDishes a accepté d'expliquer son processus de vérification.
«Tous les restaurants du réseau Skip signent un contrat lors de leur adhésion au réseau qui stipule qu'ils sont tenus de se conformer à toutes les lois applicables dans leur province. Cela comprend la santé, la sécurité, les normes sanitaires et alimentaires, et le respect de toutes les réglementations, y compris les permis et les licences», a soutenu Alexandra Tripp, une porte-parole du service de livraison
Des lois peu rassurantes
Selon le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ), n'importe qui peut vendre des repas, pourvu que la quantité de produits préparée dans une cuisine domestique ne dépasse pas 100 kg par mois.
Les règlements stipulent que lors de la préparation des aliments destinés à la vente, l’aire utilisée à cet effet doit être exclusive à la préparation des repas.
Ces cuisiniers n’ont donc pas à demander de permis de restauration ni à subir d’inspection liée à la salubrité de leurs installations. Un permis alimentaire du MAPAQ ainsi qu'une formation en hygiène et salubrité alimentaires sont requis.
Néanmoins, il est actuellement impossible pour les clients de distinguer l'offre provenant d'un vrai restaurant détenteur d'un permis de celle d'un cuisinier qui prépare les repas dans la cuisine de son appartement.
Manque de transparence des géants de la livraison
Le professeur Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, dénonce le manque de transparence de ces géants de la livraison.
«Avec la pandémie, le phénomène des cuisines fantômes s’accélère, a-t-il dit. Aucune vérification n’est faite sur les conditions dans lesquelles ces repas sont cuisinés. Imaginez! Le service d’inspection de la Ville de Montréal est déjà débordé en ce moment.»
Il explique également qu’avec le ralentissement de l’économie, plusieurs citoyens cherchent des occasions pour trouver un revenu d’appoint. S’afficher sur des plateformes de livraison en ligne leur permet d’engranger quelques centaines de dollars par semaine.
Selon le professeur, la responsabilité incombe aux services de livraison d’informer leurs clients de la provenance des repas qui sont affichés.
«Il y a des risques. Il ne faudrait pas attendre qu’un incident se produise», a-t-il souligné.