Prédictions d'experts: voici de quoi aura l'air la vie au cours des prochaines années

Notre agenda risque de se remplir rapidement une fois que le plus gros de la pandémie sera passé. À l’occasion du premier anniversaire de cette crise, on se demande à quoi ressembleront nos vies au cours des prochaines années. On a demandé à des experts d’en esquisser avec nous un portrait.
Changements fréquents de carrière, voyages planifiés et marathons de mariages sont quelques-unes des tendances qui sont ressorties de nos entrevues. On n’a pas de misère à croire que la vie va effectivement changer: la pandémie nous a rappelé que certaines choses qu’on croyait intouchables ne le sont pas. «[Notre qualité de vie et les mesures sanitaires] restent tellement longtemps à un certain niveau qu’on oublie qu’elles peuvent fluctuer», note le prospectiviste Éric Noël, dont le travail consiste à élaborer divers scénarios pour préparer le futur.
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Alors, quand est-ce que la vie va reprendre? Selon M. Noël, pas mal à partir du moment où une bonne partie de la population sera vaccinée. C’est-à-dire d'ici la fin septembre, selon les estimations du gouvernement canadien, qui demeure prudent sur la question.
Voici ce à quoi on peut s'attendre.
1. Il faudra être ouvert à des changements de carrière
Les travailleurs devront être polyvalents et prêts à changer de carrière, pas nécessairement par choix. La COVID-19 nous a montré ce que ça donne quand le gouvernement ferme un secteur d'activité entier, et d’autres crises, sanitaires ou climatiques, pourraient amener des situations semblables.
«C’est des carrières parallèles maintenant, parce que vous êtes pratiquement forcé à vous dire que dans l’après-COVID, s’il y a une crise économique ou sanitaire, vous allez devoir à nouveau faire un switch et aller travailler dans une autre industrie», explique le prospectiviste Éric Noël.
2. Préparez votre beau linge: les mariages s’en viennent
Les étés à venir seront parsemés d’invitations à des mariages, comme un grand nombre de célébrations prévues pendant la pandémie ont été reportées à plus tard. «Il va y avoir une espèce de folie», prévoit le célébrant Sylvain L’Heureux.
Celui qui célèbre en moyenne une quarantaine de mariages par année n’a scellé les vœux d’aucun couple en 2021. L’an dernier, la moitié des célébrations qu’il avait à son agenda ont été remises, et déjà, certains couples ont repoussé leurs plans à 2022.
3. On pourrait développer plus d’asthme et d’allergies
Des experts du monde entier croient que l’abondance de mesures sanitaires pourrait avoir des conséquences à long terme sur notre microbiome, soit l’ensemble des microbes présents à l’intérieur et à l’extérieur de notre corps.
Lavages de mains (très réguliers), distanciation sociale, port du masque, désinfection des surfaces... ces gestes qui ont aidé à ralentir la propagation de la COVID-19 nous ont aussi privés de microbes nous permettant de développer des mécanismes de défense.
«Si le corps ne parvient pas à recevoir les bonnes données sur son environnement, il peut attaquer des choses qu’il ne devrait pas, conduisant à des conditions comme les allergies, l’asthme et les maladies auto-immunes», soulève l’immunologiste et professeur à l'University College London Graham Rook, dans une entrevue avec le magazine Discover.
4. On va recommencer à faire le party sans masques
Tout le monde a hâte de savoir de quoi aura l’air la vie sociale après la COVID-19. Difficile de prévoir s’il y aura une hausse des grands rassemblements comme les festivals ou les événements sportifs, mais si on se tourne vers des pays où le virus est à peu près absent, on voit que les sorties au restaurant et la vie nocturne ont repris leur cours.
C’est le cas en Australie et en Nouvelle-Zélande, où après des confinements sévères l’été dernier, la vie a repris son cours, sans masque ni distanciation sociale. On ne devrait donc pas faire le party dans des bulles de plastique comme le prédisaient certains, mais de façon plutôt normale.
«Tout le monde va être très heureux que ça finisse parce que la pandémie, avec le confinement, est venue en quelque sorte suspendre notre liberté individuelle», mentionne le sociologue Jacques Hamel.
Est-ce que les Zoom et compagnies vont rester pour les «partys»? M. Hamel y voit peut-être une forme hybride, alors que certains vont vouloir se déplacer, et d’autres, profiter de la technologie.
5. La virologie va être à la mode
Les jeunes scientifiques de demain risquent d’avoir un intérêt plus marqué pour la biologie, et plus précisément la virologie, vu qu’on en en parle beaucoup avec la pandémie et que les gouvernements investissent dans ces secteurs de recherche.
«Des modes comme ça, on en voit depuis 30 ans. Il y a plus de chance [que les étudiants] aillent en virologie, parce que la mode, c’est les virus», précise le directeur de l’Observatoire des sciences et des technologies à l’UQAM, Yves Gingras. Il ajoute qu’on avait observé un engouement semblable avec l’informatique autour du bogue de l’an 2000.
Le professeur serait par contre étonné de voir cette «mode» durer dans le temps. On a observé un même intérêt puis un déclin lorsque le SRAS a frappé en 2003, alors que les investissements ont cessé subitement après quelques années.
Il mentionne qu’il faut poursuivre les investissements et les recherches, puisque des coronavirus, il va y en avoir d’autres. «L’erreur des gouvernements, c’est de cesser l’investissement au lieu de se dire: nous, on vise le long terme», conclut M. Gingras.
6. On va continuer à acheter local
L’année 2020 s’est déroulée sous le signe de la consommation responsable, mais est-ce que cette sensibilité à l’économie d’ici est éphémère? Tout semble indiquer que ces nouvelles habitudes survivront à la pandémie.
«Les habitudes développées depuis le début de la pandémie semblent se réaffirmer dans le temps», selon le Baromètre 2020 de l’Observatoire de la consommation responsable. En fait, 72% des répondants disent avoir l’intention d’acheter davantage de produits québécois lorsque la pandémie sera éradiquée.
Mais seul le temps pourra nous dire si les Québécois seront prêts à casser leur petit cochon pour encourager leur économie... même en ère post-COVID-19.
L’Histoire ne dicte pas le futur
En préparant ce dossier, on a eu l’idée de se tourner vers l’Histoire pour voir si les tendances qui ont suivi d’autres pandémies pourraient nous aider à anticiper l’avenir. Mais c’est difficile de faire des comparaisons: «chaque réponse [face aux épidémies] a été singulière», affirme l’historien et professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières Laurent Turcot.
Par exemple, après la grippe espagnole de 1918, il y a eu une frénésie d’activités sociales et culturelles – les fameuses Années folles –, mais il faut dire qu’on avait doublement besoin de se changer les idées vu qu’on sortait aussi d’une guerre mondiale. Les gouvernements ont pris des mesures pour contrer de futures épidémies, mais entre les partys à la Great Gatsby et le krach boursier de 1929, la modernisation des hôpitaux n’est pas ce qui a le plus marqué l’époque.
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Difficile, donc, de se servir du passé comme d’une boule de cristal pour prédire ce qui nous attend dans les prochaines années. M. Turcot s’attend quand même à ce que la crise marque les esprits pour plusieurs années, surtout que la jeune génération n’a pas connu de crises majeures de son vivant.
«L’épisode de la COVID-19 va rester pendant très longtemps à travers les pertes et les limitations qu’on a eues. Ça va marquer une génération, ça, c’est une évidence», conclut le professeur d’histoire.