7 semaines, 7 féminicides: c'est de la négligence systémique | 24 heures
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7 semaines, 7 féminicides: c'est de la négligence systémique

Image principale de l'article Les féminicides, de la négligence systémique
Joël Lemay / Agence QMI / Photomontage Marilyne Houde

BILLET - Elle s’appelait Karina Esquivel, 18 ans. Une méchante belle fille. Je me souviens du jour où j’ai appris sa mort, en avril 2007: un gars prénommé James l’avait rouée de coups de poing et de pieds à la tête, lui causant un traumatisme crânien.

On habitait toutes les deux à Lachine, et Lachine, c’est comme un village. Tout le monde se connaît. Ados, on travaillait même ensemble au McDo.

Karina Esquivel

JMTL

Karina Esquivel

Lorsqu’elle est décédée, j’avais 20 ans et c’est à ce moment précis que j’ai pris conscience que les hommes violents peuvent devenir des meurtriers. 

Les médias ont rapporté que Karina avait voulu défendre son amie Imane, qui sortait avec James. 

Selon ce qui est ressorti de l'affaire, celui-ci ne voulait pas qu’Imane sorte en boîte avec ses amies. Une bonne dispute avait alors éclaté. Karina s’était interposée pour protéger Imane, et c’est là que les choses ont tourné au vinaigre: il l’a battue à mort. Il a été condamné à 15 ans de prison.

Presque 14 ans plus tard 

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Aujourd’hui, presque 14 ans plus tard, les féminicides se multiplient. Les femmes ne sont pas protégées par le système contre ces hommes qui usent de la violence pour mieux les contrôler.

Peut-être devrait-on appeler ça de la négligence systémique, puisque: 

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J’écoutais à la radio au micro de Patrick Lagacé au 98,5 FM Louise Riendeau, porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, qui se disait très déçue par le montant alloué. «Ce dont on a besoin, c’est un rehaussement annuel de 38 M$ de plus pour que les maisons puissent remplir leurs missions actuelles et 9 M$ de plus pour développer des places. Là, on est à 4,5 M$ [par année] au lieu de 47 M$», a-t-elle dit.

Si ce n’est pas ça de la négligence systémique, c’est quoi, alors?

Où sont les hommes?  

Cette semaine, la mort de Rebekah Harry, soit le 7e féminicide en 7 semaines au Québec, est vraiment venue allumer un feu de rage en moi. Je me sentais impuissante. Impuissante face aux meurtres de ces femmes qui peuvent être évités.

Rebekah Harry

Photo tirée de Facebook

Rebekah Harry

Je me suis demandé combien de femmes devaient encore mourir avant qu'on change véritablement les choses. 

Je me suis aussi demandé: comment se fait-il que les hommes ne prennent pas plus la parole à ce propos, publiquement? 

J’ai pris mon téléphone et j’ai appelé Ingrid Falaise, comédienne et autrice du livre Le Monstre. Pour avoir vécu elle-même l’enfer de la violence conjugale, Ingrid a partagé mon indignation.

«Avec le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence, j’ai organisé une marche. Il faut mettre de la pression. J’ai décidé de sortir dans la rue. Il y a tout un système qu’on doit changer et tout restructurer en matière de violence conjugale», me raconte-t-elle.

Beau temps, mauvais temps, Ingrid ira marcher pour les femmes, le 2 avril prochain, accompagnée des hommes de sa vie.

«Je ne demande pas aux hommes de venir marcher. Pourquoi? Parce que ça va de soi... Mon chum, mon fils et mes beaux-fils seront là avec moi, sans que j’aie besoin de leur demander, et ça devrait être comme ça. On devrait tous se sentir concernés», poursuit-elle. 

Elle a raison. Ça va de soi. Être un homme, j’aurais moi-même organisé cette marche et défendu nos mères, nos filles, nos sœurs, nos amies, nos voisines...

Lueur d’espoir 

Je suis quand même heureuse de constater qu’il existe des hommes qui s’indignent et qui ont le souhait de se mobiliser. Ils sont peu nombreux, mais il y en a. 

Samedi, la marche #HommeAssez #Parleàtesboys, initiée par quatre hommes, soit Toto Joseph, Rica Lem, Wiel Prosper et Thierry Lindor, se tiendra au parc Angrignon. 

J’applaudis cette initiative. 

Aussi, comme l’a dit l’animateur Etienne Boulay sur les ondes de WKND 99,5 FM, il faut que les hommes se parlent entre eux. 

«Pour tous les bons gars qui écoutent, on a besoin de toi. Si tu soupçonnes un de tes chums d’agir d’une certaine façon, faut que tu lui parles. Le message et le changement pour vrai vont arriver quand on n’acceptera pas qu’un autre gars agisse comme ça... S’il vous plaît, les gars, parlez à vos chums, parlez à vos garçons», a-t-il demandé.

On a besoin des hommes... Pas pour la force de leurs poings, mais pour la force de leur alliance.