Les victimes de violence conjugale dénoncent plus que jamais | 24 heures
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Les victimes de violence conjugale dénoncent plus que jamais

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Photomontage: Alexandre Pellet

Une série noire de féminicides et une tendance à la hausse de la violence conjugale en pleine pandémie ont marqué les premiers mois de 2021. Les acteurs du milieu voient pourtant en cette hausse de dénonciations une véritable bonne nouvelle : la sensibilisation semble avoir porté ses fruits, alors que les victimes dénoncent en plus grand nombre. Portrait de la situation.

Le nombre d’agressions sexuelles a connu une raide augmentation de 157% entre 2013 et 2019, d’après les dernières statistiques du ministère de la Sécurité publique du Québec (MSPQ) en matière d’infractions commises dans un contexte conjugal. Les voies de fait de tout type sont passées de 12 802 en 2013 à 14 858 en 2019 selon des données préliminaires, une hausse de 16%.    

Des intervenants du milieu croient cependant qu’une bonne nouvelle se cache derrière ces statistiques: si le nombre de cas monte, c’est que les dénonciations augmentent elles aussi. 

«Dans les années 80-90, on parlait à des femmes qui se sortaient de leur union violente après 10, 15 ou même 20 ans de souffrance, explique Louise Riendeau du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Aujourd'hui, plus de 50 % des femmes qui demandent à être hébergées sont en relation depuis moins de 5 ans.» 

Les mouvements de dénonciation ont marché  

Cette hausse des cas pourrait donc être encourageante pour la suite, d'après Louise Riendeau.

«Les mouvements de dénonciation ont marché. Avant, si une femme avait vécu des voies de fait et des agressions sexuelles, elle se faisait dire par la police qu’"avec les autres crimes [en omettant les crimes sexuels] on en avait assez pour pogner le gars". C'est rendu moins tabou qu'avant. Même dans les maisons, les femmes se confient plus sur les agressions sexuelles qu'avant», se réjouit la porte-parole.

L’organisme SOS violence conjugale, qui accompagne et dirige les victimes vers des ressources d’aide, confirme la «bonne nouvelle».

«Les médias en parlent beaucoup, notre nom circule et les victimes savent de plus en plus où demander de l’aide», assure Claudine Thibaudeau, travailleuse sociale et responsable de la formation et du soutien clinique chez SOS violence conjugale.

Au cours des trois dernières années, l’organisation a remarqué une hausse constante des demandes d'aide. Près de 41 000 demandes – via clavardage, appels ou textos – ont été enregistrées entre le 1e avril 2020 et le 31 mars 2021, du jamais-vu. Et au cours des deux derniers mois, c’est encore pire: SOS violence conjugale reçoit en moyenne 153 demandes par jour. Plusieurs éléments peuvent expliquer en partie cette hausse importante, dont la publicité, la médiatisation des services, la récente vague de féminicides et la pandémie.

Même scénario du côté du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, où le téléphone ne dérougit pas.

«Nous avons remarqué une grande hausse des demandes de services par téléphone et par courriel, explique Louise Riendeau. En 2018-2019, on avait aidé [par ces moyens] 77 000 femmes et en 2019-2020, on est passées à 84 500».

La pandémie montrée du doigt  

Même si les deux organisations se réjouissent du nombre croissant de dénonciations, elles laissent présager des données en forte hausse coïncidant avec la période pandémique.

«La pandémie a fait escalader les cas de violence conjugale, estime Claudine Thibaudeau de SOS violence conjugale. Le déconfinement peut aussi entraîner une escalade: après un an de grand contrôle dans la famille et à mesure que la population entrevoit plus de liberté, plusieurs conjoints pourraient vouloir maintenir ce pouvoir entretenu pendant la pandémie».

La travailleuse sociale dit avoir eu beaucoup de raisons de craindre une remontée de la violence conjugale l’an dernier. Un an plus tard, ses craintes sont confirmées.

«Des situations de violence, on en voit tous les jours, mais ça a été exacerbé par la pandémie. Pour certaines personnes, [le confinement] est devenu de la séquestration. Plusieurs personnes ont remis en question leur réflexion de quitter leur relation parce que c’était pas le bon moment pendant la pandémie», déplore Claudine Thibaudeau.

Les jeunes fortement touchés  

Si on dénonce plus rapidement aujourd’hui, on dénonce également de plus en plus jeune. Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale a noté en 2019-2020 que 30 % des femmes hébergées dans les 43 maisons avaient entre 18 et 30 ans et 31,5 % avaient entre 31 et 40 ans. Pour ce qui est des femmes ayant bénéficié de leurs services externes, 26 % avaient entre 18 et 30 ans et 30,5 % avaient entre 31 et 40 ans durant la même période.

«Les jeunes ont toujours été les plus affectés par la violence», croit Claudine Thibaudeau de SOS violence conjugale. «La violence est souvent exacerbée dans les moments de la vie où l’engagement augmente et c’est souvent dans les jeunes âges où ça se produit».

Les grandes étapes de la vie amoureuse comme la création du couple, les déménagements, les fiançailles, les mariages et les enfants peuvent être des moments plus propices à la violence conjugale, d’après l’intervenante.

Personne n’est à l’abri  

La violence conjugale a de multiples facettes, jouant autant sur les sphères physiques, émotionnelles, psychologiques, sexuelles, technologiques et identitaires. Ces situations se développent parfois subtilement avec un caractère de domination.

«Personne n’est à l’abri de la manipulation d’un partenaire, rappelle Claudine Thibaudeau. On a tendance à sous-estimer le pouvoir que ça a sur les victimes. Quand on est ouvert à l’influence de l’autre dans une relation, ça nous rend vulnérable.»

Si vous êtes victime de violence conjugale, contactez SOS Violence conjugale au 1 800 363-9010 et consultez le site de SOS violence conjugale pour trouver des outils et pour remplir un questionnaire sur votre situation.