Évictions à la hausse, crise du logement: du jamais-vu en 30 ans à Montréal
Difficile de garder le moral, ces temps-ci, dans les comités d’aide au logement de la région de Montréal. Des locataires se succèdent dans leurs locaux, un avis d’éviction ou de hausse de loyer à la main.
«C’est de l’inédit pour moi en 30 ans», déclare Guillaume Dostaler, coordonnateur d’Entraide Logement Hochelaga-Maisonneuve. Il n’est pas rare qu’il reçoive un nouveau cas par jour, en cette période de l’année où de nombreux baux de location sont renouvelés.
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Guillaume Dostaler constate un peu partout à Montréal une «offensive» des propriétaires à l'endroit de locataires qu'ils souhaitent évincer de leur logement. «Après, ça leur permet d’augmenter les loyers de plusieurs centaines de dollars. On entend des histoires sur des hausses de loyer de 700 à 800 dollars», déplore-t-il.
«Je crois que l’ampleur de la crise n’est pas comprise. Les propriétaires ne la vivent pas», affirme Rizwan Khan, agent d’intervention au Comité d’action Parc-Extension.
Le quartier Parc-Extension, connu pour ses loyers abordables, vit une surchauffe immobilière, notamment depuis l'arrivée du Campus MIL de l'Université de Montréal. Au total, depuis août 2020, 46 évictions ont été recensées dans Parc-Extension par le Comité d’action, et il ne s'agit que des gens qui ont fait appel au comité d’aide au logement, la pointe de l’iceberg.
À la défense des locataires
Tous deux s’accordent pour dire que la détresse des locataires est croissante. «On voit des locataires qui fondent en larmes au bureau. Ça nous affecte émotionnellement aussi», raconte Rizwan Khan.
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«Les locataires nous expriment beaucoup de reconnaissance, et ce n’est pas parce qu’on a changé notre façon de travailler, raconte Guillaume Dostaler. Ça démontre à quel point il y a de l’anxiété chez les locataires.»
La crise loin d’être terminée
Les hausses de loyer, les évictions pour des rénovations ou les reprises de logement sont en augmentation croissante depuis les trois dernières années, et la courbe n’est pas près de s’infléchir, croit Guillaume Dostaler. «Il faudrait instaurer, au moins, un registre des loyers, mais les causes de la crise sont plus nombreuses.»
À considérer: la valeur de l’immobilier, qui ne suit pas l’augmentation du salaire moyen, mais aussi des facteurs plus difficiles à mesurer, comme l’investissement étranger ou même le blanchiment d’argent dans la construction, pourraient justifier la surchauffe immobilière actuelle, estime Guillaume Dostaler.
Ce dernier regrette que l’emballement immobilier qui sévit au Québec à l’heure actuelle soit «ignoré par la classe politique». Selon lui, «qui ne dit mot consent», et les politiciens devront tôt ou tard rendre des comptes.