BILLET: J’avais honte (mais ça finit bien, promis!)

BILLET - C’était le 1er février. Depuis trois jours, je tentais d’écrire un texte qui aurait dû me prendre 30 minutes à expédier. En relisant les quelques phrases que j’avais réussi à vomir, je me suis rendu compte qu’elles étaient bourrées de fautes.
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J’ai éclaté en sanglots. Des sanglots sans larmes, dénués de tristesse, transpirant la panique. Sans réfléchir, j’ai pris le téléphone et j’ai appelé à ma clinique. Diagnostic: trouble d’adaptation avec humeur mixte.
Arrêt de travail. Antidépresseurs. Appel au programme d’aide aux employés. Puis, de longues journées à dormir, incapable de faire quoi que ce soit d’autre. Prise entre le rêve et la réalité, je me réveillais criblée de honte et de culpabilité. Je me voyais tout foutre en l’air, à 33 ans, au sommet de ma carrière, incapable de saisir les opportunités qui s’offraient à moi... sans raison.
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J'ai un toit sur la tête, un emploi de rêve avec des avantages sociaux, un chum qui m’aime, un p’tit garçon en santé. J’ai tout.
Pourtant, je n’arrive plus à écrire. Je me lève avec le cœur au bord des lèvres et l’anxiété dans la gorge. Ou n’ai-je simplement plus envie de travailler? Serais-je prise de paresse?
Alors j’ai honte parce que j’ai tout, mais que je n’ai plus envie de rien.
J’ai dit à mon chum de ne pas en parler à nos amis. J’ai disparu des réseaux sociaux. Je me suis effacée.
Je ne suis pas en dépression. Je ne suis pas en burn-out. Je ne suis rien.
Puis, un matin, un message d’une amie:
- Comment ça va?
- Je suis en arrêt de travail (longue justification que je ne retranscrirai pas ici!)
- T’as pas à ta justifier. Ça m’est déjà arrivé. Ils le disent partout à quel point les maladies mentales et les arrêts de travail sont en hausse.
Petit soleil dans cette journée sombre : je ne suis donc pas seule.
J'erre sur le compte Instagram de Juliette Bélanger.
«J’ai observé une baisse de motivation générale et c’est normal. J’ai observé une baisse dans mon énergie quotidienne et c’est normal [...] Tout ceci est en réponse à une adaptation rapide et forcée à une pandémie mondiale. Nous avons tous et toutes des réactions diverses qui diffèrent en intensité et en durée, mais normales dans ce contexte anormal.»
Ah! C’est normal? Je ne suis donc pas seule.
Il y a deux semaines, le psychologue américain Adam Grant a publié un article devenu viral sur le site du New York Times intitulé Il y a un nom pour le blah que vous ressentez: ça s’appelle la langueur.
Sentiment de stagnation et de vide, la langueur pourrait être l’émotion dominante de 2021, disait-il.
Donc, vraiment, je ne suis pas seule.
Alors j’ai commencé à en parler autour de moi et à qui veut l’entendre. Et vous savez quoi? Neuf fois sur dix, on me répond: je te comprends. C’est pareil pour moi.
La honte et la culpabilité ont tranquillement fait place à l’indulgence.
Depuis le début du mois d’avril, après deux mois d’arrêt, je reviens doucement au travail.
Je ne sais pas si je vais mieux. Je fais encore des fautes et ma motivation fluctue. Mais j’ai accepté que je travaille plus lentement, que je ne suis pas au top... et que j’ai l’doua! Que c’est normal.
Même si je déteste la situation dans laquelle nous sommes, même si je suis parfois paralysée à l’idée que cette pandémie ne finira jamais, même si je me demande trop souvent si je retrouverai un jour le bonheur de vivre, j’ai au moins arrêté d’avoir honte. J’ai arrêté de me sentir coupable. J’ai arrêté de me sentir responsable.
Mon anxiété de performance s’est enfin apaisée quand j’ai arrêté d’être en colère contre moi-même.
Je nous souhaite donc à tous plus d’indulgence, envers nous-mêmes et envers les autres. Parce que quand on arrête d’avoir honte, on peut consacrer toute notre énergie à trouver ce qui nous fait du bien. C’est incroyablement moins lourd à porter ainsi.
Lâchez pas. Vous n’êtes pas seuls.
*Ce texte a été écrit en un peu plus de trois heures et a nécessité plusieurs relectures pour corriger mes fautes!