Santé mentale: des créateurs de contenu et des influenceurs nous aident à aller mieux, tout en rêvant de changement
Le discours public autour de la santé mentale a changé dernièrement. On ne se contente plus de dire : «Si ça ne va pas bien, demande de l’aide.» On ajoute: «C’est normal.» Des créateurs de contenu et influenceurs ont contribué à ce changement de paradigme. On braque les projecteurs sur quatre d’entre eux qui normalisent le fait de parler de santé mentale, et qui rêvent de changement dans le système de soins de santé.
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Faire tomber les tabous
Chaque fois qu’elle voit son psy, la créatrice de contenu Jessica Prudencio fait partager à ses abonnés une story. « Les gens me disent merci d'en parler. Je sais que ça les aide de savoir que n'importe qui peut aller en thérapie et qu’il n'y a rien de mal à ça», dit-elle.
Surtout connue pour ses prises de positions sur la grossophobie, Jessica Prudencio s’impose de plus en plus comme une des voix positives en matière de santé mentale sur les réseaux sociaux, particulièrement pour les personnes racisées.
«Je pense que dans la communauté noire on est plus mal à l'aise de parler de santé mentale. J'ai l'impression que les gens pensent que c'est juste les personnes blanches qui ont des problèmes de santé mentale ou qui devraient consulter. C'est vu comme si on était faible ou comme si on n’arrivait pas à régler nos problèmes, souligne-t-elle, alors que c'est des choses qui touchent absolument tout le monde.»
Aussi, certaines personnes racisées peuvent être mal à l’aise avec un thérapeute qui n’a pas le même bagage culturel, explique-t-elle. C’est pourquoi elle a récemment fait partager une liste de thérapeutes racisés.
«On a l'impression que l'autre ne comprendra pas vraiment c'est quoi notre vécu, notre façon de penser, et des fois c'est le cas, explique-t-elle. C'est 100% valide.»
Pour notre santé mentale à tous, elle souhaite plus de services accessibles et gratuits.
«Moi je paye mon psy et ça me coûte fucking cher parce que je suis encore sur la liste d'attente au public depuis l'été 2019, confie-t-elle. C'est ridicule.»
Elle pense que de l'argent public investi ailleurs dans la société, notamment dans la répression policière, pourrait être redirigé vers les soins de santé mentale.
Pour suivre Jessica Prudencio
Instagram: @jessicaprdnc, @toutedansmesfesses, @whereweatmtl
Normaliser nos ressentis - même contradictoires
On n’a pas réussi à parler à Juliette Bélanger-Charpentier pour ce dossier, mais on ne pouvait pas passer outre : avec ses publications informatives, cette productrice de contenu, qui compte maintenant plus de 51 000 abonnés sur Instagram, contribue largement à normaliser le fait de parler de santé mentale.
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Étudiante en criminologie et en victimologie, elle utilise sa plate-forme pour expliquer des concepts auxquels notre société ne s’attarde pas assez.
«On peut se réjouir sincèrement de la vaccination et tout de même vivre des états de stress lorsqu’on anticipe un retour à un mode de vie plus normal. Vivre des états contradictoires est normal et ne fait pas de soi une mauvaise personne», écrivait-elle par exemple le 26 avril dernier.
«Et si on valorisait la démarche qu’implique un accomplissement plutôt que son aboutissement?» suggérait-elle la semaine d’avant.
Juliette Bélanger-Charpentier s’est imposée sur les réseaux sociaux lors de la vague de dénonciations l’été dernier en démystifiant certaines idées sur la victimologie, et c’est encore l’un de ses sujets de prédilection.
«Une personne victime/survivant.e n’est jamais obligée d’accepter ou de pardonner les excuses de son agresseur pour trouver réparation», expliquait-elle cette semaine.
Inondée de messages depuis le passage de Maripier Morin à Tout le monde en parle dimanche, elle a fait une publication lundi pour expliquer à ses abonnés qu’elle ne peut pas répondre à tout le monde et qu’elle préfère se concentrer sur la création de contenus et d’outils destinés à sa plateforme.
Pour suivre Juliette Bélanger-Charpentier
Instagram : @juliettebelangerc
Parler aux hommes
L’auteur David Goudreault, dont la Lettre aux p’tit gars est récemment devenue virale, ne manque jamais une occasion de parler de santé mentale. Pour un Québec en meilleure santé mentale, il souhaite, entre autres, des services plus adaptés pour les hommes.
«Quand les hommes demandent de l’aide, c'est quand ils sont en crise, c'est quand il est trop tard. Quand tu demandes de l'aide en crise, que ça fait trop mal, que tu es déjà trop loin, tomber sur un répondeur et se faire dire on va vous rappeler éventuellement, ça ne fonctionne pas. Il faut être conscient de ça et intervenir en conséquence» , dit-il.
En pleine Semaine de la santé mentale, le porte-parole du Mouvement Santé mentale Québec plaide pour que les services se rendent à la rencontre des personnes vulnérables, dans les milieux de travail, notamment.
«On ne peut pas rester assis sur les statistiques en se disant que les services existent. Oui, mais ils ne sont pas adaptés. Tu ne peux pas demander à une personne paraplégique de se rendre au 3e étage pour recevoir ses services. Pour moi, c'est un peu la même chose. Les gars, on n'a pas appris à faire ce genre de démarches-là, c'est difficile, c'est confrontant, ça ne nous ressemble pas, souligne-t-il. Donc il faut installer des ascenseurs.»
Pour suivre David Goudreault
Instagram : @davidgoudro
Facebook : David Goudreault-Auteur, etc.
Valider grâce à l’humour
Tant qu’à être une gang à se sentir mal, on peut au moins en rire ensemble – une foule de pages font partager du contenu humoristique sur la santé mentale.
Sur la page de mèmes Organisation structurelle coconstruite de lo praticienxe reflexixe (OrgStruCo, pour les intimes), on rit beaucoup, mais on rit jaune. Parce que ce qui est mis en lumière, c’est qu’on est nombreux à feeler un très mauvais coton et que les solutions qui nous sont proposées sont souvent inadéquates.
«Je remarque qu'il y a des failles dans les services et dans le discours public. On individualise tous les problèmes. En gros le message insidieux c'est que si tu ne vas pas bien, c'est de ta faute, que tu es mal organisé, c'est parce que tu ne prends pas les moyens. Fais du yoga, du sport! C'est faux», explique OrgStruCo* en entrevue téléphonique.
«Il y a des causes à nos souffrances qui sont structurelles et d'apporter ce message-là qui n'existe nulle part ailleurs, c'était vraiment important pour moi parce qu'on se sent mal d'aller mal et on a l'impression que c'est de notre faute. C'est ça qu'on nous dit à gauche et à droite. Et moi je veux rappeler aux gens que c'est pas parce que tu ne prends pas assez de marches que tu fais de l'anxiété.»
Par le biais de l’humour, la page OrgStruCo, administrée par une personne non-binaire qui préfère garder l’anonymat puisqu’elle œuvre dans le domaine de l’intervention sociale, offre une validation dont on a tous besoin.
S’adressant au départ aux personnes travaillant en intervention sociale, iel s’est vite rendu compte que ses memes ratissaient plus larges.
«J'ai réalisé que c'était pas juste dans ma gang qu'il y avait cette souffrance-là mais à la grandeur du Québec», dit-iel.
Son souhait: «des services en santé mentale accessibles, adaptés, gratuits, flexibles et qui prennent compte de la personne dans son entièreté, dans son univers.»
Pour suivre la page OrgStruCo:
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