Le moyen de transport du futur, c’est votre téléphone

Dans 10 ans au Québec, le moyen de transport de prédilection sera-t-il encore la voiture? Prendra-t-on le métro ou le tramway? Est-ce que les vélos électriques vont écraser les trottinettes? On peut difficilement trancher puisque la réponse varie selon la situation: c’est justement là que la mobilité intégrée entre en jeu. On vous explique le concept.
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Le «Mobility as a Service», c’est quoi?
Imaginez qu’au moment où vous voulez vous déplacer, vous ouvrez une application mobile et celle-ci ne se contente pas de vous donner un trajet ou de vous permettre de commander un mode de transport; elle vous propose toutes les options possibles. Vous pouvez connaître les différents modes de transport à votre disposition (autobus, métro, vélo en libre-service, autopartage, alouette), payer votre trajet sur votre téléphone et accéder au véhicule avec celui-ci.
C’est ce que propose le «Mobility as a Service» (MaaS), qui invite à concevoir les déplacements comme un service pour lequel on paie plutôt qu’à acheter pour soi des véhicules pour se déplacer.
Et une app permet de mettre de l’ordre dans tout ça. «La multiplication des offres peut créer de la confusion chez les usagers, soutient Antoine Sambin, conseiller en mobilité durable pour l’organisme Jalon, dont la mission est de favoriser l’innovation pour rendre la mobilité plus durable. Juste à Montréal, on a la STM, exo, Communauto, BIXI, Uber et les taxis. Le MaaS permet donc d’aider les utilisateurs à comprendre l’offre et à savoir quelle est la meilleure solution en fonction de leurs besoins.»
Idéalement, une offre MaaS fonctionnelle et efficace intègre tous ces éléments sont en parfaite harmonie. Dans les faits, c’est un peu plus compliqué et, surtout, ça ne se fait pas du jour au lendemain, explique Antoine Sambin.
«Tout l’enjeu du MaaS est d’arriver à fédérer ces fournisseurs de mobilité. Il doit y avoir un effort de concertation entre les acteurs et qu’ils s’engagent à travailler ensemble, par exemple en partageant leurs données.»
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L’objectif ultime du MaaS est, évidemment, de lutter contre les changements climatiques, dit Antoine Sambin. Le transport routier est la plus importante source d’émissions de gaz à effet de serre (GES) à Montréal, comptant pour 30% des émissions totales de la ville. Une étude de la STM révèle d’ailleurs que chaque tonne de CO2 qu’elle émet permet d’en éviter 20 à Montréal.
Mais c’est aussi de rendre la ville plus agréable pour ses résidents et ses visiteurs. «Une meilleure mobilité permet également de lutter contre les nuisances qui sont liées à la voiture, comme la congestion et le bruit», ajoute-t-il.
Se défaire du modèle «autosolo»
Le modèle «autosolo», selon lequel une personne ou une famille possède un véhicule privé, est l’un des problèmes auquel s’attaque le MaaS. Il y a cependant un défi: il faut convaincre les automobilistes.
«L’offre doit être si alléchante que l’utilisateur choisisse de ne pas utiliser sa voiture au profit des transports collectifs ou actifs. On ne doit pas les faire sortir de leur voiture tout de suite, mais on peut leur rappeler que les autres solutions de transport peuvent leur donner un gain de temps ou une économie d’argent», note Antoine Sambin.
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Une application MaaS doit donc aussi avoir des composantes liées à l’automobile, comme des informations sur le stationnement et son coût ou alors intégrer des stratégies liées aux infrastructures, par exemple des voies réservées pour le covoiturage pour mettre fin à l’autosolo.
Les véhicules autonomes comme solution
Les experts croient que les véhicules autonomes (sans conducteur) joueront un rôle central dans les services de MaaS En effet, plusieurs pensent qu’ils présentent l’occasion idéale d’établir un service de navette ou de covoiturage autonome.
Même si leur arrivée sur les routes du Québec est encore lointaine, les autorités devraient penser en amont au rôle que joueront les véhicules autonomes dans les transports pour éviter que l’histoire se répète, prévient Antoine Sambin.
«C’est vraiment un choix de société. Il faut éviter de tendre vers un modèle qui permettrait de remplacer les voitures normales par des véhicules autonomes. Sinon on se retrouverait dans un scénario complètement démentiel où la voiture autonome est en train de créer deux fois plus de congestion que la situation actuelle», illustre-t-il.
Montréal sur la voie du MaaS
Une offre de MaaS existe déjà à Montréal et s’ancre de manière graduelle dans la ville par le biais d’applications comme Chrono et Transit. Cette dernière, fondée ici même en 2012, permet notamment de connaître les horaires des transports en commun en temps réel, de visualiser l’achalandage d’un autobus – une nouveauté ajoutée depuis le début de la pandémie –, de planifier un itinéraire en fonction de différents modes de transports, ou d’acheter une passe BIXI. Un usager de la STM sur cinq utilise l’appli.
«On a tous les ingrédients – un bon système de transport en commun, un réseau d’autopartage qui se veut un leader nord-américain, une offre de vélo libre-service – pour que la mobilité intégrée devienne réalité», confirme Sam Vermette, chef de la direction de Transit.
Mais pour y arriver, il y a encore du travail à faire en ce qui a trait à la tarification et au paiement dans le marché montréalais, souligne-t-il. «Il faut quelqu’un pour chapeauter l’intégration des différents services et pour unifier la tarification afin que le tout soit transparent pour l’utilisateur. Pour ça, il faut que tous les systèmes qui sont actuellement indépendants les uns des autres communiquent entre eux et que les acteurs de la mobilité travaillent en ce sens. »
L’entreprise est d’ailleurs à pied d’œuvre pour intégrer ces éléments grâce à un projet pilote qu’elle mène actuellement avec l’Agence régionale de transport métropolitain (ARTM). Celui-ci permet aux usagers d’acheter et de valider des titres de transport directement à partir de l’application. Depuis septembre 2020, 175 000 billets ont été achetés directement dans Transit.
Et c’est comme ça, «projet pilote par projet pilote», que Montréal aura, à terme, une offre réellement complète et efficace de MaaS, croit Sam Vermette.
«On le fait peut-être moins en grande pompe puisque ça se fait graduellement, mais, au final, on va arriver avec une offre de mobilité intégrée qui va vraiment faire sortir les gens de leur voiture», conclut-il.
L’application Whim, un exemple européen
De nombreuses villes ont adopté le Mobility as a Service, à commencer par Helsinki, capitale de Finlande, véritable précurseure du mouvement. Depuis 2016, ses résidents ont à leur disposition une application mobile nommée Whim, qui regroupe tous les services de transports collectifs et actifs.
«L’objectif est de rendre les déplacements si pratiques pour les utilisateurs qu’ils choisissent d’abandonner leur véhicule personnel pour se rendre en ville, non pas parce qu’ils y sont contraints, mais parce que l’alternative est plus attrayante», souligne la firme Deloitte dans un rapport sur le MaaS.
Du bout de leur doigt, les Helsinkiens peuvent ainsi prévoir leur trajet et payer pour chacun des services qu’ils utiliseront directement dans l’appli. Un usager a d’ailleurs l’option de payer pour un passage simple ou de s’abonner à l’un des forfaits mensuels. Par exemple, 62,70 euros (92,03$ CAD) donne un accès illimité pour 30 jours aux transports en commun et à des trajets de taxis de 3 kilomètres ou 10 minutes.
L’application Whim est désormais offerte dans plusieurs villes européennes, dont Turku, en Finlande, Vienne, en Autriche, dans le comté des Midlands de l’Ouest, en Angleterre, de même qu’en Belgique et en Suisse.