Les fraises du Québec sont déjà arrivées, mais est-ce que c'est une bonne nouvelle?

Le printemps chaud que connaît le Québec et la canicule des derniers jours ont grandement accéléré le mûrissement des fraises. Or, ces vagues de chaleur ne sont pas nécessairement une bonne nouvelle pour les producteurs de fraises du Québec. On fait le point.
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«Il y a un gros boom, actuellement, dans les champs de fraises, ça a mûri exceptionnellement vite», indique d’emblée Jennifer Crawford, directrice générale de l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec.
«Normalement, les premières fraises arrivent à la mi-juin, et on ouvre l’autocueillette vers la Saint-Jean-Baptiste, poursuit-elle. Mais là, c’est parti. Les fraises sont prêtes, elles sont dans les champs, et il y a des producteurs, en Montérégie par exemple, autour de Montréal, dans Lanaudière, qui ouvrent déjà pour l’autocueillette.»
C’est le cas de Josiane Cormier, de la Ferme Cormier, à L’Assomption, qui a ouvert l’autocueillette au public mercredi. Pour la productrice agricole, c’est tout un chamboulement dans la saison. Elle doit trouver rapidement de la main-d’œuvre et espère que les cueilleurs seront au rendez-vous, alors qu’en général, la saison ne débute que vers la fin des classes.
«En avril, on a eu des températures assez chaudes, alors les plants se sont réveillés de bonne heure, explique-t-elle. La saison était déjà d’avance et, avec le temps chaud des derniers jours, ça a fait en sorte que le mûrissement allait vite aussi. Des sécheresses et des canicules, on commence presque à être habitué. Mais que ce soit très hâtif comme ça, d’après moi, c’est du jamais-vu.»
Cette saison hâtive a également bousculé les prévisions de David Côté, producteur agricole aux Jardins Abbotsford, en Montérégie.
«Ce sont vraiment des conditions qu’on ne souhaite pas, dans la production de fraises, soutient-il. Ça précipite le mûrissement, on perd du volume et la fraise n’a pas le temps de grossir à son plein potentiel. Et au lieu d’étaler la production sur deux semaines, eh bien, c’est précipité en une seule semaine.»
Canicules et fraises
Les deux producteurs demeurent malgré tout confiants concernant leur récolte et souhaitent que les passionnés de fraises viennent rapidement dégarnir leurs champs. Par contre, ces épisodes de chaleur sont très dommageables pour la culture de fraises au Québec lorsqu’ils se répètent à travers un été, comme c’est de plus en plus le cas.
«On voit clairement une tendance vers des extrêmes, indique Josiane Cormier. Donc des canicules plus fréquentes, plus chaudes, qui durent plus longtemps. Des périodes de sécheresse plus longues et, lorsqu’il y a de la pluie, elle est plus intense. Je ne pense pas qu’on exagère en disant qu’on commence à le sentir sur le terrain.»
Ces canicules ont des conséquences importantes sur la production de fraises et pour les cueilleurs eux-mêmes. Les fraises se conservent moins longtemps dans les champs, elles nécessitent beaucoup plus d’eau, les rendements sont moins bons et la cueillette est beaucoup plus difficile pour les travailleurs.
À la ferme Cormier, en 2018, un épisode de chaleur avait d’ailleurs causé d’énormes pertes. «La canicule avait duré pas loin d’une semaine et elle avait eu un impact majeur, parce qu’il faisait trop chaud pour l’autocueillette, et pour nos cueilleurs aussi, c’était difficile d’aller chercher les fraises, raconte-t-elle. Cette année-là, ça avait été vraiment mauvais, c’était assez catastrophique.»
«C’est très difficile aussi pour les plantes, parce que ça crée des stress physiologiques, poursuit David Côté. Ce que ça fait, c’est que ça précipite le mûrissement, la plante tombe en mode reproduction et rend ses fruits pratiquement tout d’un coup. Donc, ça raccourcit nos saisons et ça peut baisser les rendements.»
Un été chaud en vue
Les canicules sont difficiles à prévoir à long terme, mais, selon Environnement Canada, l’été qui s’annonce devrait être plus chaud qu’à l’habitude.
«On devrait demeurer avec du temps relativement chaud pour le mois de juin, la température moyenne pour l’ensemble du mois est prévue de 1 à 2 degrés au-dessus de la normale, explique André Cantin, météorologue d‘Environnement Canada. Et les prévisions à long terme pour juillet et août indiquent une tendance similaire. Donc, c’est signe d’un été en moyenne chaud.»