L'artiste et militante innue Natasha Kanapé Fontaine veut changer le narratif autour des enjeux autochtones

Natasha Kanapé Fontaine dans la nouvelle campagne publicitaire de Reitmans.
Écrire avec son cœur. C’est ce que fait la poétesse-interprète Natasha Kanapé-Fontaine. Que ce soit en dénonçant, en racontant ou en partageant, la militante innue est devenue l’une des voix les plus importantes de sa génération. Dans l’actualité, alors que les sévices et injustices envers les communautés autochtones font couler beaucoup d’encre, elle s’arme de sa plume pour changer le narratif.
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Plus que jamais, ça brasse dans la tête de Natasha.
Alors que l’enquête publique sur la mort évitable de Joyce Echaquan est en cours et que 215 corps d’enfants ont été découverts enterrés près de l'ex-pensionnat autochtone de Kamloops, elle ressent le besoin vital d’exprimer tout haut les enjeux, les inégalités et la culture des peuples autochtones.
«Je suis toujours en train de réfléchir à tout ce qui se passe. C’est fou, parce que j’ai écrit avec Deni Ellie Béchard en 2016 le livre Kuei, je te salue, qui parlait du racisme et de la discrimination entre Autochtones et Allochtones. Déjà là, j’avais besoin de m’exprimer», raconte-t-elle.
Une promesse à Joyce
«Le lendemain de la mort de Joyce, je lui ai promis que j’allais tout faire pour aller chercher la justice. Je suis vraiment dans ce minding-là. Pas seulement dans la politique ou dans le processus judiciaire, mais aussi la justice dans la représentativité», affirme-t-elle.
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Elle croit aussi que pour changer le narratif, les chapitres d’histoire dans les manuels scolaires sont à revoir.
«Il faudrait reconstruire la ligne du temps de l’histoire du Québec et mettre l’esclavage des personnes noires et autochtones au Québec. Il faut raconter ce qui s’est passé aussi dans les pensionnats au Québec. Ce n’est pas seulement arrivé en Colombie-Britannique», fait-elle remarquer.
«Si on veut mieux vivre ensemble, comprendre le trauma de chacun, guérir ensemble et façonner nos relations, il faut revisiter les livres d’histoires», juge-t-elle.
Le Québec en deuil collectif
L’écrivaine est convaincue que la mort de Joyce Echaquan a insufflé un vent de changement et que le deuil que porte sa famille est devenu un deuil collectif pour tous les Québécois.
«Après son décès, j’ai entendu pleins de témoignages de personnes autochtones au Québec où l’on me disait : "Je suis allé à telle place et d’habitude on me regarde tout croche, mais là, on m’a accueilli les bras ouverts." Il y a un changement dans l’attitude», constate-t-elle.
Ça fait plusieurs années que des membres des communautés autochtones canadiennes suspectent que des enfants sont enterrés à proximité des pensionnats et réclament des fouilles, mais la découverte de Kamloops a ouvert les yeux des autres habitants du pays à cette tragédie.
«Avant, on ne portait pas d’attention à des événements comme ce qui s’est passé à Kamloops. [...] Mon observation, c’est que ça progresse», résume Natasha Kanapé Fontaine.
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La représentativité à la télé
D’ailleurs, celle qui a campé le rôle d’Eyota Standing Bear dans la série Unité 9 insiste pour dire que la diversité à l’écran est un facteur important pour défaire les préjugés et favoriser l’ouverture à d’autres cultures.
«Dans les galas télévisés au Québec, il n’y a pas beaucoup de personnes de couleur. J’ai vu beaucoup de nouvelles annonces ou de séries et il n’y a presque pas de personnes de couleur dans les premiers rôles ou dans les deuxièmes rôles», examine-t-elle.
Natasha Kanapé Fontaine fait aussi partie de la campagne publicitaire «La diversité est la fibre du Canada», de la marque de vêtements Reitmans. Elle souhaite ainsi mettre le projecteur sur les femmes de sa communauté.
«Travailler pour précisément représenter toutes les clientes de Reitmans m’a donné le goût de faire partie de cette campagne. Il y a une urgence de permettre aux Autochtones, surtout aux femmes autochtones, d’être représentés autrement», soutient-elle.
«C’est une occasion pour que les femmes autochtones puissent se sentir belles, en portant des pièces qui représentent la culture innue et celle des autres communautés autochtones», résume-t-elle.
*À noter que pour chaque produit vendu, Reitmans s'engage à faire un don de 2$ aux Fonds Waskapitan.