Plus contagieux? Résistant aux vaccins? Voici ce qu’il faut savoir sur l'inquiétant variant Delta

Déconfinement repoussé au Royaume-Uni, immunité collective menacée en Ontario: le variant Delta, d’abord identifié en Inde, joue au trouble-fête là où il frappe. Ce variant sera-t-il responsable d’une quatrième vague au Québec?
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Le docteur en santé publique Carl-Étienne Juneau et le docteur Alain Lamarre, professeur et chercheur en immunologie et en virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), répondent aux questions qu’on se pose sur l'inquiétant variant.
Est-il vraiment plus contagieux?
Le variant Delta pourrait être le plus contagieux de tous les variants ayant été identifiés jusqu’à maintenant dans le monde.
«C’est peut-être le plus contagieux de ceux qu’on a eus jusqu’à présent. On est vraiment dans des résultats préliminaires, mais il serait beaucoup plus contagieux que le variant Alpha [anglais], qui était déjà 70% plus contagieux que le virus original», explique le Dr Carl-Étienne Juneau.
Est-il plus dangereux?
Il est encore trop tôt pour savoir si ce variant est plus virulent que les autres souches et si ses symptômes sont plus intenses ou plus dangereux. Le variant Delta représente néanmoins une plus grande menace, insiste le Dr Alain Lamarre.
«Comme il se transmet plus, il est par définition plus dangereux et plus de gens sont susceptibles de se rendre à l’hôpital parce qu’il va y avoir plus d’infections. C’est mathématique», détaille-t-il.
Les résultats préliminaires d’une étude écossaise publiée cette semaine dans la revue scientifique The Lancet suggère aussi que le virant pourrait faire doubler le risque d’hospitalisation, dépendamment de l’âge et de facteurs de comorbidité.
Les vaccins sont-ils efficaces pour le combattre?
Les vaccins demeurent efficaces contre les formes sévères de la maladie, soutient le Dr Lamarre. Après une seule dose, ils sont toutefois nettement moins efficaces qu'ils le sont face aux autres souches du virus.
«La vaccination à une dose est moins efficace contre ce variant. On parle d’environ 33%, que ce soit pour le vaccin de Pfizer ou d’AstraZeneca. Nous n’avons pas encore les données pour Moderna», explique le docteur.
Après deux doses, les vaccins retrouvent toutefois leur efficacité. «Une fois que nous avons nos deux doses, on parle de 90% et plus pour le Pfizer», dit-il.
Selon une étude de l’Agence nationale de santé britannique, celui d’AstraZeneca est efficace à 92% après deux doses.
Les mêmes symptômes que pour les autres souches?
Pour l’essentiel, les symptômes sont les mêmes que pour les autres souches du virus, même si de légères variations pourraient exister.
«Je n’ai pas vu de symptômes uniques à ce variant-là. On entend qu’il peut y avoir moins de toux et un peu plus de syndromes grippaux, mais ça reste quand même la COVID», affirme le Dr Alain Lamarre.
Une menace à l'immunité collective?
Puisque les premières doses sont moins efficaces contre ce variant, le virus risque de circuler davantage. Le seuil fixé pour atteindre l’immunité collective, c’est-à-dire 75% des Québécois de 12 ans et plus entièrement vaccinés, pourrait donc être augmenté, selon le professeur Lamarre.
«Quand on parle d’immunité collective, un des facteurs principaux à considérer est la transmission. Donc, plus le virus se transmet facilement, plus notre seuil d’immunité collective doit-être élevé. C’est possible que le seuil passe de 75% à 85%», précise-t-il.
Face au variant Delta, le Québec se déconfine-t-il trop rapidement?
Plus de spectateurs au Centre Bell, réouverture des bars et des restaurants, bals des finissants permis en juillet: depuis la levée du couvre-feu le 28 mai dernier, le Québec se déconfine un peu plus chaque semaine. Mais face à la menace que représente le variant Delta, devrions-nous lever le pied de l’accélérateur?
Si les experts ne s’entendent pas sur le calendrier et les allégements que le gouvernement devrait adopter, pour le Dr Carl-Étienne Juneau, l’été est le meilleur pour assouplir les règles.
«Je pense qu’on peut continuer de déconfiner graduellement, puisque la courbe épidémique ne fait que descendre depuis des semaines. Je serais surpris que ça remonte. L’année passée, alors qu’il n’y avait pas de vaccin, la situation s’était améliorée jusqu’à l’automne, donc je ne vois pas une grande menace. Mais mes collègues ne sont pas tous d’accord avec moi», dit-il.
Selon le chercheur, il est primordial de reprendre des forces pour être capables de fournir un nouvel effort à l’automne, si une quatrième vague venait à frapper la province. «On veut être prudents, mais c’est impossible de l’être 365 jours par année. Donc, s’il y a une saison pendant laquelle on peut se permettre de recommencer à vivre, c’est l’été.»
Où le variant est-il présent dans le monde?
Identifié pour la première fois en Inde, le variant a maintenant été détecté dans 74 pays, selon le Guardian. Celui-ci pourrait être sur le point de devenir la souche dominante dans le monde.
Il gagne notamment du terrain en Grande-Bretagne, où il représente maintenant 90% des nouveaux cas rapportés, et ce, même si 45% de la population a reçu deux doses de vaccin. Le premier ministre britannique, Boris Johnson, a même dû repousser lundi la levée des dernières restrictions contre la COVID-19 dans l’espoir de contenir la poussée du variant dans le pays.
En Ontario, les dernières modélisations provinciales indiquent que le variant devrait devenir la souche dominante de COVID-19 pendant l’été. Des cliniques éphémères ont été mises en place dans des régions à risque, comme celle de Scarborough, pour accélérer l’administration des deuxièmes doses et ainsi freiner la propagation du variant.
Aux États-Unis, l’ancien commissaire de la Food and Drug Administration (FDA) a indiqué que les cas du variant doublent environ toutes les deux semaines.
Le virus est également très présent dans plusieurs pays d’Amérique latine, dont le Brésil, l’Argentine, la Colombie, le Chili et la Bolivie.
Comment résister au variant Delta et éviter une 4e vague?
Pour éviter une recrudescence des cas liée au variant Delta, il faudrait s’inspirer des pays où la pandémie a été le mieux contrôlée et où le moins de décès ont été enregistrés, explique le Dr Carl-Étienne Juneau. Par exemple, la Nouvelle-Zélande (26 décès), Singapour (34 décès) ou encore l’Australie (910 décès), explique-t-il.
«L’Australie a enregistré seulement 910 décès depuis le début de la pandémie, contre 11 164 au Québec, alors qu’elle compte près du triple de la population [25,4 contre 8,5 millions d’habitants]», mentionne-t-il.
Sans délaisser les tests PCR, le Québec aurait, selon lui, tout avantage à considérer les tests rapides comme une mesure complémentaire. Les résultats de ces tests, surtout réservés au personnel de soins de santé, sont obtenus en 15 minutes. «Les gens pourraient se tester eux-mêmes, quand ils veulent, par exemple avant de participer à un événement», illustre l’expert.
Voici quelques-unes des mesures adoptées par ces pays que nous pourrions appliquer ici selon le Dr Carl-Étienne Juneau.
- Mieux contrôler les entrées aux frontières.
- Dépister les cas et isoler leurs contacts plus rapidement.
- Faciliter l’accès aux tests de dépistage rapide antigénique.
- Appuyer les quartiers défavorisés les plus touchés
- Mieux ventiler nos écoles et nos lieux de travail.
– Avec les informations du Guardian