Les couvreurs de toitures subissent les changements climatiques: «La canicule, ce n’est plus la même game qu’en 86»
Un couvreur de toitures s’inquiète du manque de main-d’œuvre, alors que les canicules, plus intenses et fréquentes à cause des changements climatiques, complexifient son métier.
«Des canicules, j’en ai vu une pis une autre!», lance d’entrée de jeu Raymond Lafrance, chef de chantier pour une compagnie de toitures.
Mais, depuis quelques années, elles sont plus fréquentes et plus intenses, constate le couvreur, qui a fait sa première toiture il y a 35 ans.
«À l’époque, on mangeait une canicule, on se fatiguait, mais on avait le temps de récupérer, dit-il. Aujourd’hui, les canicules sont plus fortes, sont plus longues qu’à mon époque.»
Il ajoute qu’elles surviennent maintenant de mai à septembre, alors qu’à ses débuts, elles étaient plutôt réservées aux mois de juin, de juillet et d’août.
«La canicule, ce n’est plus la même game qu’en 86», souligne-t-il.
Moins tentant
Comme bien d’autres secteurs dans le domaine de la construction, les compagnies de toitures sont en manque de main-d’œuvre.
«Quelqu’un va regarder le métier et voir les grosses chaleurs... C’est sûr que c’est moins tentant d’aller s’engager. La chaleur, c’est un facteur qui joue vraiment», affirme l’homme de 55 ans.
«Vu que c’est de plus en plus chaud, de plus en plus fréquent, c’est sûr qu’il y a de moins en moins de monde qui veut faire ça.»
Un gros manque de main-d’œuvre est à prévoir d’ici cinq à dix ans, prévient-il.
Plus chaud sur un toit
Sur une toiture, il fait en général 20 °C à 30 °C de plus qu’au sol, explique le couvreur. Plusieurs facteurs influencent la température, notamment l’exposition des toitures au soleil et l’utilisation de chalumeaux pour fusionner les membranes.
«Si tu prends la température à épaule d’homme, tu es à 50-60 °C», explique-t-il, précisant que près du toit, la chaleur que dégagent les chalumeaux, qui sont utilisés par les couvreurs, peut atteindre, elle, les 200-300 °C.
L’été, les chantiers avancent d’ailleurs au ralenti.
«Dès que ça passe les 33 °C, surtout quand on arrive au 40 °C, c’est là que les chantiers n’avancent presque plus. On ne peut rien dire, rien faire. Tu ne peux pas te battre contre la canicule. Tu peux pousser une machine, mais pas un corps humain.»
Durant ces moments difficiles, les couvreurs s’assurent de prendre plus de pauses, de boire beaucoup d’eau et de fermer les chantiers plus tôt, au risque de subir un coup de chaleur qui peut parfois entraîner la mort.
Raymond Lafrance souligne que les conditions de travail sont, toutefois, bien meilleures qu’à ses débuts, puisque les employeurs sont plus conscientisés aux dangers de la chaleur.
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