Envie de travailler en voyageant? Deux nomades numériques québécoises nous partagent leurs conseils

Travailler de chez soi ou à partir d'un chalet, ça paraît maintenant bien banal pour plusieurs d'entre nous. Les nomades numériques vont encore plus loin : ils sillonnent le globe en profitant vraiment à fond de la liberté que leur offre le travail à distance. Deux Québécoises nous partagent leurs réflexions... et leurs conseils.
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Changer de branche pour travailler à distance
Karine Poirier a quitté son emploi de bibliothécaire et s’est complètement réorientée pour avoir l’opportunité de travailler à distance. En à peine quatre ans, la jeune entrepreneure de 28 ans a parcouru pas moins de 30 pays tout en travaillant. Et c’est loin d’être terminé.
Le déclic est survenu il y a six ans. Depuis, la fondatrice d’une entreprise de traduction financière vit et travaille au gré de ses voyages.
«Ce n’est pas nouveau que des gens cherchent un autre style de vie au travail et dans leur vie personnelle. Y’a des gens qui le font depuis 10 ans!» rappelle Karine, qui a d’abord rejoint une communauté de nomades numériques sur Facebook.
Un peu partout sur la planète, des pays comme le Portugal, la Croatie ou encore la Thaïlande sont connus pour accueillir un grand nombre de nomades numériques. Des pôles réservés aux travailleurs créent en quelque sorte des micro-villes où sont regroupés services et hébergement.
«Ça fait des petites villes avec des Occidentaux et leur laptop!», ironise Karine, qui a elle-même vécu l’expérience à ses tout débuts, en Thaïlande.
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Pas toujours rose pour la population locale
S’ils sont considérés comme des moteurs économiques dans leur pays d’accueil, la cohabitation des nomades numériques avec la population locale n’est pas pour autant un succès assuré.
«C’est très attrayant de se dire : "je vais aller faire mon salaire canadien en Thaïlande et je vais vivre comme un roi", mais tu rends vite compte qu’un tas de gens font ça et ils ne montrent pas forcément de respect à l’endroit où ils sont», fait savoir Karine.
Parmi les effets pervers observés par Karine en Thaïlande : la gentrification des villes accélérée par l’arrivée en masse des nomades numériques, une pénurie de logements locatifs pour la population locale et des règles de bienséance bafouées dans les espaces communs, comme les cafés, fortement prisés par les travailleurs.
«Il faut se renseigner pour être respectueux et voir au-delà de ses propres intérêts quand on adopte ce type de style de vie», conclut-elle.
Quand les trois semaines de vacances par année ne suffisent pas
Dans moins de deux mois, Marie-Hélène Couette s’envolera vers la Croatie avec son conjoint pour la prochaine année. Celle qui a cumulé les séjours professionnels à l’étranger s’exile pour la première fois depuis le début de la pandémie. Son objectif : combler son besoin d’être stable financièrement sans l’être géographiquement.
«Pour moi, voyager c’est important. Je voulais avoir un emploi qui me permettait de voyager sans recommencer à zéro à chaque fois. Quand tu es à ton compte, c’est toujours un peu plus instable», confie l’ex-travailleuse autonome de 28 ans, aujourd’hui stratège numérique pour l'entreprise technologique Didacte, à Québec.
Pour Marie-Hélène, quitter le Québec pendant de longues périodes lui permet d’être plus spontanée et de pleinement se laisser aller dans la culture dans laquelle elle s’immisce. Le contexte professionnel «étire» en quelque sorte le temps passé loin de chez elle.
«Quand tu as l’occasion de déplacer ton travail à un endroit qui facilite ton envie de voyager, tu es déjà en mode découverte sans avoir à faire un gros effort. J’ai pas l’impression qu’avec trois ou quatre semaines de vacances par année je serais capable de satisfaire ce besoin-là», avoue-t-elle.
De par la nature de son travail, Marie-Hélène a une très grande flexibilité dans la réalisation de ses tâches. Et contrairement à son ancienne vie de travailleuse autonome, elle peut maintenant dormir sur ses deux oreilles, sans crainte de manquer de travail à l’autre bout du monde.
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Ce que vous devez savoir avant de partir
Karine et Marie-Hélène s’entendent pour dire que les demandes de visa et la paperasse nécessitent bien des recherches et de la patience. Certaines ententes avec le Canada facilitent les requêtes, mais mieux vaut toujours lire les petits caractères sur le site de votre pays d’accueil pour vous éviter de mauvaises surprises.
Le visa
Plusieurs pays ont instauré des visas spécifiques pour nomades numériques. Ce visa sur mesure permet des séjours plus longs que ceux permis par un visa de touriste sans pour autant devoir remplir une demande de résidence permanente.
Parmi les endroits qui facilitent l’accès à des visas de télétravail : Antigua-et-Barbuda, Bali, les Bermudes, le Costa Rica, la Croatie, la République tchèque, Dubaï, la ville de Mexico et le Portugal, entre autres.
L’assurance-maladie
Ensuite, il y a l’assurance-maladie. Celle du Québec ne vous protège pas à l'étranger, donc c'est important de vous magasiner une assurance privée.
Si vous prévoyez partir plus de 183 jours dans une même année, vous perdrez carrément votre admissibilité à l’assurance-maladie du Québec. À ce moment, vous pouvez bénéficier de l’année septennale. Tous les 7 ans, vous pouvez vous absenter du Québec 183 jours ou plus au cours d’une même année sans perdre votre assurance-maladie.
Les impôts
Finalement, la question des revenus et de l’imposition fiscale. Heureusement, dans la majorité des cas, comme les revenus du travailleur sont déclarés au Canada, une déclaration de revenus est nécessaire dans un seul pays, affirme Nicolas Godbout, fiscaliste chez Effisca, lui-même amateur de nomadisme numérique.
«La plupart des pays ont des traités fiscaux avec le Canada et suivent le modèle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui comporte les mêmes clauses et les mêmes enjeux. On peut présumer qu’il y a une correspondance, mais vaut mieux toujours vérifier», prévient le spécialiste.
«Nos règles d’imposition fiscale fonctionnent avec le lieu de résidence, mais peut-être que le pays d’accueil prend en compte le nombre de jours passés sur le territoire. Il faut vérifier avec les règles locales comme chaque pays a des règles particulières», conseille-t-il.