Vers un retour de l’État islamique en Afghanistan? On vous explique

L’attentat meurtrier qui a fait plusieurs dizaines de morts près de l’aéroport de Kaboul hier a été revendiqué par le groupe djihadiste État islamique (ÉI) du Khorasan. Mais qui est ce groupe et quelle menace représente-t-il? On vous l'explique.
Pourquoi des attentats en Afghanistan?
Après plusieurs mois loin des projecteurs, l’ÉI fait de nouveau parler de lui depuis le double attentat-suicide qui a tué 85 personnes, dont 13 soldats américains, jeudi, près de l’aéroport de Kaboul.
Ce bain de sang est survenu à quelques jours seulement de la date butoir du 31 août pour le retrait d'Afghanistan de l’armée américaine.
En plus de viser les soldats américains et les Afghans tentant de fuir le pays, l’attaque était dirigée contre le nouveau régime des talibans, explique Sami Aoun, professeur à l’Université de Sherbrooke et directeur du comité scientifique de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent.
«Les talibans se sont engagés à ne pas héberger de groupes terroristes sur leur territoire auprès des Américains. Daech [une autre désignation pour l’État islamique] n’a pas du tout apprécié qu’ils négocient avec les Occidentaux. Ils considèrent les talibans comme de faux musulmans, des apostats», détaille-t-il.
Voici deux textes pour vous aider à mieux comprendre ce qui se passe en Afghanistan:
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Qui est le groupe État islamique au Khorasan?
L’attentat a été revendiqué par l’État islamique au Khorasan. Il s’agit ni plus ni moins de la filiale régionale du groupe djihadiste.
Peu de temps après la création, par l’ÉI, d’un «califat» en Irak et en Syrie, d'anciens membres des talibans au Pakistan ont proclamé leur allégeance au chef du groupe, Abou Bakr al-Baghdadi, qui est mort depuis.
En 2015, au moment où l’État islamique était à l’apogée de sa puissance, des talibans afghans qui considéraient que leur organisation n’était pas assez stricte ont eux aussi rejoint le groupe.
L’ÉI a alors décidé de créer officiellement le Khorasan, qui est l’ancien nom d'une région comprenant des parties de l’Afghanistan, du Pakistan, de l’Iran et de l’Asie centrale, puis d’y établir cette filiale.
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Pourquoi sont-ils opposés aux talibans?
Dès ses débuts, l'ÉI s’est frotté aux talibans, puisque les deux groupes ont des visions bien différentes, explique Sami Aoun.
«Les talibans sont vraiment dans une approche nationaliste et n’ont pas l’ambition d’attaquer hors de leur territoire, mais ils veulent le contrôler. Daech, eux, n’ont pas tellement de territoire et cherchent à mettre en place un empire islamique qui ne reconnaît pas les frontières actuelles. Ils empiètent donc en quelque sorte sur le territoire des talibans», mentionne-t-il.
«De plus, pour Daech, la violence est nécessaire pour atteindre leur objectif. Ce qui n’est pas nécessairement le cas des talibans.»
Malgré les heurts avec les talibans, le groupe aurait réussi à former des cellules à divers endroit en Afghanistan, entre autres à Kaboul, et au Pakistan, selon les Nations unies. Selon un rapport du Conseil de sécurité de l’ONU paru en juillet, ses effectifs varient entre 500 et quelques milliers de combattants.
À quoi peut-on s’attendre?
Malgré les événements récents, Sami Aoun ne croit pas que l’État islamique soit vraiment en mesure de déstabiliser les talibans, ou du moins, pas à lui seul.
«Il risque d’y avoir des combats à certains endroits, mais ce sera limité, parce que les combattants de l’ÉI sont peu nombreux et qu’ils n’ont pas vraiment d’affiliation ethnique dans le pays qui pourrait faire en sorte que la population les aide», explique-t-il.
Il évoque également la possibilité que les talibans «bénéficient de l’appui des Américains, des Pakistanais et même des Iraniens» pour combattre l’organisation terroriste.
La possibilité d’une guerre civile dans le pays n’est pas écartée pour autant, prévient néanmoins le professeur.
«Le problème, c’est qu’en parallèle, il y a plusieurs groupes ethniques, comme les Ouzbeks ou les Tadjiks, qui pourraient se rebeller si les talibans décident d’établir leur pouvoir sans le partager», prévient-il, ajoutant que cela profiterait à l'ÉI.
– Avec les informations de l’AFP