Indonésie : un tribunal force le président du pays à s’attaquer à la pollution

Victoire pour les défenseurs de l’environnement : un panel de trois juges a reconnu le 16 septembre dernier le président indonésien Joko Widodo coupable de négligence face à la pollution qui étouffe Jakarta, la capitale du pays.
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Les poursuites visaient également le gouverneur de la capitale Anies Baswedan, ainsi que plusieurs ministres. Le tribunal a jugé cinq des accusés sur sept coupables « d’avoir violé la loi » et les a condamnés à améliorer la qualité de l’air en adoptant des normes plus strictes et en contrôlant leur application.
La mégalopole d’Asie du Sud-Est, qui compte une trentaine de millions d’habitants, représente une des villes les plus polluées au monde. Plusieurs experts ont d’ailleurs mis en garde contre les effets dévastateurs sur la santé de cette mauvaise qualité de l’air, notamment pour les enfants.
Pourquoi autant de pollution? Trois éléments de réponse permettent de l’expliquer: les émanations de véhicules dans cette ville aux embouteillages records, une série de centrales à charbon qui encerclent la capitale et l’habitude qu’ont de nombreux habitants de brûler leurs ordures.
Moins grande espérance de vie
Depuis les années 2000 le niveau de pollution en Indonésie est trois à quatre fois plus élevé que les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Et si rien n’évolue, les habitants de Jakarta risquent de perdre en moyenne 5,5 années de vie à cause de la pollution, selon une étude réalisée par Air Quality Life Index de l’université de Chicago.
Le procès avait été intenté par une trentaine d’habitants de Jakarta, dont plusieurs militants écologistes, des employés de bureau et un chauffeur de taxi, qui voulaient obtenir des actes des dirigeants indonésiens, mais surtout alerter les habitants, encore très peu sensibles aux questions environnementales.
Les plaignants ne réclamaient pas de dommages, mais le président indonésien et les responsables ont été condamnés à renforcer les normes de qualité de l’air, à identifier les sources de pollution et généralement à plus de transparence.
Le gouvernement «doit déterminer le statut de la qualité de l’air chaque année et le rendre public», relève le verdict.
L’une des avocates des plaignants, Ayu Eza Tiara, a estimé que les responsables condamnés devaient accepter leur «défaite» et appliquer la décision. La présidence indonésienne n’a pas réagi dans l’immédiat ni les autres responsables mis en cause.
Nouvelles lignes directrices mondiales
En parallèle, l’OMS a fixé mercredi dernier des critères plus contraignants sur la qualité de l’air en établissant de nouvelles limites pour ses principaux polluants, dont les particules en suspension.
C’est la première fois que l’OMS met à jour ses lignes directrices mondiales sur la qualité de l’air depuis 2005.
Depuis, de nouvelles données ont montré «à quel point la pollution atmosphérique affecte toutes les parties du corps - du cerveau au bébé en pleine croissance dans le ventre de sa mère, et ce à des concentrations encore plus faibles que celles observées précédemment», a déclaré le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, en conférence de presse.
«Il n’y a rien de plus essentiel à la vie que l’air. Et pourtant, à cause de la pollution atmosphérique, le simple fait de respirer provoque 7 millions de décès par an», principalement dus à des maladies non transmissibles, a-t-il ajouté.