Les employés fidèles au poste surchargés par la pénurie de collègues

Surcharge de travail énorme, épuisement, stress accru et départs en congé de maladie : les travailleurs qui tiennent le fort en pleine pénurie de main-d’œuvre n’en peuvent tout simplement plus. Et pourtant, des experts ont sonné l’alarme pendant des années pour éviter qu’on en arrive là.
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D’où vient la pénurie?
Le Québec connaissait déjà une pénurie de main-d'œuvre bien avant la pandémie de COVID-19. La principale cause est le vieillissement de la population au Québec, qui entraîne un grand nombre de départs à la retraite.
Ce n’est pas pour rien que comme solution à court terme, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) propose d’encourager les travailleurs de plus de 60 ans à rester à l’emploi. Il suggère aussi d’accueillir davantage d’immigrants chaque année pour répondre aux besoins de main-d’œuvre.
La pénurie de main-d’œuvre serait aussi le résultat de mauvaises stratégies de gestion qui ont été mises en place bien avant la pandémie, selon Angelo Dos Santos Soares, professeur titulaire au Département d'organisation et ressources humaines de l’ESG UQAM.
«Ce n’est pas la pandémie qui a réduit le bassin de travailleurs. Il y a une prise de conscience des gens par rapport aux mauvaises conditions de travail dans lesquelles ils vivent depuis des années et ça s’est renforcé avec la pandémie», a expliqué l’expert au 24 heures.
D’ailleurs, les plus récentes données de Statistique Canada montrent que le secteur dans lequel on trouve le plus de postes vacants au Québec est celui de la restauration et de l’hébergement - bien connu pour ses horaires souvent irréguliers - avec un taux de 11,1 %. C’est donc dire que plus d’un poste sur dix est vacant dans ce secteur.
Les employés ensevelis sous le travail
On le sait, la pénurie de main-d'œuvre est pénible pour les chefs d’entreprise, qui ont de la misère à recruter. Dans un récent sondage du CPQ, près de la moitié (49,7%) des entreprises sondées ont indiqué avoir refusé des contrats, à cause justement de la pénurie de main-d’œuvre.
Ce dont on parle moins, c'est des employés qui sont bien là, mais qui se retrouvent ensevelis sous le travail.
«Tout le monde est perdant, ajoute Angelo Dos Santos Soares. Les gens qui travaillent à l’heure actuelle subissent une surcharge de travail qui est inhumaine. Des gens finissent par se dire "c’est de valeur, mais je ne veux pas continuer à travailler dans ces conditions" et ils quittent, ou ils sont réorientent carrément.»
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Un grand nombre de postes vacants, ça veut dire qu’on doit redistribuer les tâches. Vous l’aurez compris, les gens au boulot doivent s’assurer du maintien des opérations et ça passe par une charge de travail accrue pour chacun et une plus grande pression de performance.
«Plusieurs organisations ont su réorganiser leurs opérations mais d’autres n’ont pas pris l’initiative. Ç’a donc créé une surcharge de travail, du stress et très souvent, plus d’heures de travail par semaine pour rattraper les retards», souligne Manon Poirier, CRHA, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA).
Et pour certains, cette surcharge vient avec la pression d’être efficace sans pour autant avoir toute la formation nécessaire pour accomplir ses tâches. À moyen ou long terme, ce surmenage peut conduire à un état de détresse psychologique et peut se conclure en départ en congé de maladie.
«Le coût humain est très grand pour les individus», déplore Manon Poirier.
Les secteurs avec le plus de postes vacants au Québec
Proportion de postes vacants, données pour le 2e trimestre de 2021
Services d’hébergement et de restauration : 11,1 %
Arts, spectacles et loisirs : 8,6 %
Services administratifs, services de soutien, services de gestion des déchets et services d’assainissement : 6,9 %
Services professionnels, scientifiques et techniques : 6,4 %
Soins de santé et assistance sociale : 5,8 %
Construction : 5,6 %
Fabrication : 5,6 %
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Total pour tous les secteurs économiques : 5,3 %
Source : Statistique Canada