Crise des loyers à Montréal: c’est quoi, au juste, un «logement abordable»? | 24 heures
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Crise des loyers à Montréal: c’est quoi, au juste, un «logement abordable»?

Image principale de l'article C’est quoi, un «logement abordable»?

Logements abordables par-ci, logements abordables par-là... On n’a jamais autant parlé d’habitation à Montréal. Face à la flambée du prix des loyers, les deux principaux candidats à la mairie, Valérie Plante et Denis Coderre, promettent de construire des dizaines de milliers de logements abordables sur l’île. Mais c'est quoi, au juste, un «logement abordable»? Tour d’horizon.

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Pour Projet Montréal   

Ce que propose Projet Montréal pour combattre la crise du logement et la crise des loyers: construire 60 000 nouveaux logements — sans échéancier précis — et investir jusqu’à 800 millions $ sur 10 ans pour acquérir des terrains.  

Valérie Plante

TOMA ICZKOVITS/AGENCE QMI 

Valérie Plante

Sans vouloir nous donner de chiffres précis pour un loyer «abordable», Projet Montréal indique se servir du calcul de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). Selon l’attachée de presse de l’équipe de la mairesse sortante, Marikym Gaudreault, le loyer ou le prix de vente d'un logement abordable représente ainsi, au maximum, 90% du prix moyen (vente ou location) dans un quartier. Ce prix moyen est calculé par la SCHL.  

La moyenne des loyers diffère évidemment d'un quartier à l'autre. Pour avoir une idée de ce que ça représente, 90% du prix de la moyenne des loyers, prenons l’exemple du Plateau-Mont-Royal. Dans cet arrondissement central de la ville, le prix moyen d’un quatre et demie, selon la SCHL, est de 1093$ par mois. Pour qu’un logement soit considéré comme abordable aux yeux de Projet Montréal, il ne devrait donc pas dépasser 984$.  

Pour Ensemble Montréal   

Pour «régler la crise du logement», le parti de l’ancien maire de Montréal Denis Coderre promet de construire 50 000 logements en quatre ans. En offrant des logements abordables et en augmentant l’offre locative, la formation politique souhaite faire «pression à la baisse sur les prix».   

Denis Coderre

Photo AGENCE QMI, TOMA ICZKOVITS 

Denis Coderre

Questionné sur ce qu’il considère comme du logement abordable, Ensemble Montréal ne nous a fourni aucune définition précise, tout en reprochant à Projet Montréal son manque de clarté. «Il faut un ménage dans les définitions de l'abordable», soutient la formation.   

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Pour le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAHM)   

Même le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAHM) n’a pas une définition claire sur ce qu'est un logement abordable. «Des travaux sont en cours au MAMH pour préciser et adopter une définition commune de logement abordable», nous a indiqué le ministère dans un courriel.   

Selon le MAHM, le concept de logement abordable est à «géométrie variable». Il propose néanmoins deux pistes de réflexion:       

  • Pour certains, l’abordabilité est liée au revenu du ménage et à sa capacité financière à se loger, donc le taux d’effort. Au Canada, un logement est considéré comme abordable s’il coûte moins de 30% du revenu avant impôt du ménage;       
  • Pour d’autres, ce concept s’appuie sur un coût inférieur au coût moyen d’un logement sur le marché locatif ou d’acquisition d’une propriété.          

Pour Jean-Philippe Meloche, expert en économie urbaine et en développement économique local et régional   

Pour déterminer si un logement est abordable ou pas, on se sert généralement de la définition de la SCHL, explique Jean-Philippe Meloche, professeur à la Faculté de l'aménagement de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).   

Et elle dit quoi, la SCHL? «Un logement est considéré comme abordable s’il coûte moins de 30% du revenu avant impôt du ménage.»     

La barre du 30% est toutefois «sujet à débat», selon le professeur. 

La semaine dernière, le quotidien La Presse révélait que, selon l'organisme, un loyer de 2225$ pouvait être considéré comme «abordable» dans le grand Montréal. La SCHL a en effet accordé 350 millions $ en prêts à faible taux d'intérêt à des promoteurs immobiliers, à condition que certains de leurs logements soient «abordables», c’est-à-dire inférieurs à 30% du revenu total médian des familles d'une région donnée (ce qui équivaut à 2225$ par mois dans la région métropolitaine). 

Joël Lemay / Agence QMI 

Jean-Philippe Meloche souligne également qu'il est difficile de comparer les villes canadiennes — à Vancouver, par exemple, les loyers sont bien plus hauts qu’à Montréal. Certains locataires qui en ont les moyens acceptent aussi — par choix — de mettre plus de 30% de leur revenu pour le logement.  

Il préfère donc cette définition: «Un logement abordable, ça serait un logement qui, par rapport au standard du marché, est plus facile à se procurer.»  

Mais au-delà du débat sur l'abordabilité des logements, il mentionne par ailleurs qu’il y a un manque tout court de logements à Montréal, ce qui se reflète dans le prix des loyers.       

Pour Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)   

Véronique Laflamme est claire: le prix du loyer ne doit pas dépasser 30% du revenu d’un ménage. Au-delà de cette marque, les familles les moins fortunées risquent de devoir couper dans des besoins de base pour payer le loyer au début du mois.      

Donnée préoccupante: ce serait 180 000 ménages locataires à Montréal qui accorderaient plus de 30% de leur budget au logement, ce qui correspond à 37% de la population montréalaise, d’après le recensement de 2016.      

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C’est pourquoi la porte-parole du FRAPRU préfère ne pas se baser sur la valeur d’un logement sur le marché pour déterminer son abordabilité. Une telle logique ne prend pas en compte la capacité de payer des locataires, surtout dans un contexte où les prix des logements sur le marché locatif explosent.   

C’est pourquoi le FRAPRU demande aux partis politiques de garantir un nombre de nouveaux logements hors du marché privé (communautaire ou social). De tels logements sont véritablement abordables.  

L’organisme voudrait que l'on construise à Montréal 22 500 nouveaux logements sociaux et communautaires en cinq ans, ce qui permettrait de fournir un logement aux quelque 23 500 Montréalais qui sont actuellement sur une liste d’attente pour une place dans une habitation à loyer modique (HLM).      

Pour Benoit Sainte-Marie, Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ)   

Pour déterminer si un logement est abordable, il faut distinguer les nouvelles constructions des immeubles déjà existants, affirme le directeur général de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, Benoit Sainte-Marie.    

En ce qui concerne un logement neuf, il estime qu’un loyer est abordable lorsque le prix du loyer «n’est pas au prix du marché ou sous le seuil de la rentabilité du propriétaire».    

Photo Adobe Stock 

Il soutient qu'un logement déjà existant est abordable lorsqu’il est occupé depuis plus de trois ans par un même locataire. Selon lui, au-delà de trois ans, en raison des mécanismes de contrôle des hausses des loyers, le logement en arrive à être en bas du prix courant. 

Plutôt que de construire des logements abordables dans les quartiers centraux, Benoit Sainte-Marie propose d’en construire dans des secteurs périphériques de la ville, où les loyers sont moins élevés. Celui qui représente les propriétaires ne comprend pas qu'on veuille «loger convenablement des gens avec des faibles revenus dans les quartiers où les prix sont stratosphériques». 

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