Étagères vides aux États-Unis et dans le monde: doit-on craindre les pénuries ici? On vous explique | 24 heures
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Étagères vides aux États-Unis et dans le monde: doit-on craindre les pénuries ici? On vous explique

Des étagères vides dans un magasin Ikea, à New York.
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Des étagères vides dans un magasin Ikea, à New York.

Des étagères vides, des ports où s’entassent les conteneurs de livraison et les prix qui ne cessent de grimper: la crise dans les chaînes d’approvisionnement frappe l’économie mondiale de plein fouet. Est-ce qu’on est sur le point de revivre une pénurie de papier de toilette? Doit-on s’inquiéter de nos cadeaux des Fêtes? On vous explique la situation en cinq points.

Qu'est-ce qui se passe?

Les pénuries aux États-Unis, qui affectent divers secteurs et des produits comme les médicaments, les pièces de voitures ou encore le papier de toilette sont à leur plus haut en 20 ans, rapporte le média américain Bloomberg. La situation est semblable dans la zone euro et au Royaume-Uni. 

Le propriétaire de la marque Ikea nous a même prévenus récemment que les prix de ses produits allaient augmenter en raison de la hausse du prix des matières premières, mais aussi parce que, dit-il, les coûts liés au transport ont fait chuter de manière importante ses bénéfices annuels. 

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Des étagères vides dans un magasin Ikea, à New York.

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Des étagères vides dans un magasin Ikea, à New York.

Au Québec, même si on ne voit pas de tablettes vides, la hausse des prix, notamment dans le secteur de l’alimentation, se fait ressentir depuis un bon bout de temps déjà. Même si les causes sont multiples, la pression qui est exercée depuis quelques mois sur les chaînes d’approvisionnement mondiales y est pour beaucoup. 

Mais avant d’aller plus loin, c’est quoi, au juste, une chaîne d’approvisionnement?   

Une chaîne d’approvisionnement, c’est l’ensemble des étapes par lesquelles un produit doit passer pour se rendre jusqu’à nous. 

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C’est, en quelque sorte, la route qu’emprunte le produit, qu’il s'agisse d’un bien ou d’un aliment, de l’endroit où il a été fabriqué ou cultivé jusqu’à sa destination finale. Ça comprend sa transformation et son transport. 

Selon le produit, sa destination finale varie: ça peut être une entreprise, un magasin, ou encore votre maison.

1 - L’impact de la pandémie  

Ces chaînes d’approvisionnement ont été fortement ébranlées par la pandémie, explique André Tchokogue, professeur agrégé et directeur au département de gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal. 

Puis, quand l’économie mondiale a repris du poil de la bête, après avoir été mise sur pause en 2020, on s’est retrouvés face à un embouteillage monstre. 

«Pendant la pandémie, des grands producteurs, comme la Chine, ont été fortement sollicités pour envoyer des biens de première nécessité, comme de l’équipement de protection, par exemple, partout dans le monde. Cependant, la gestion des conteneurs vides a été très mauvaise, ce qui fait qu’il manque maintenant de conteneurs pour répondre à la demande» explique-t-il. 

2 - Pénurie de conteneurs   

Ce qu’il faut savoir, c’est que beaucoup de produits que l’on consomme arrivent par conteneurs, via le Port de Montréal, notamment. Annuellement, les chargements dans les ports du Québec représentent environ 110 millions de tonnes de marchandises et 75% de ce trafic provient de l’international. 

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En temps normal, il y a des routes définies et une logistique bien huilée en ce qui concerne le transport maritime mondial. Les ports n’ont habituellement aucun problème à remettre les conteneurs vides sur des bateaux pour les renvoyer ailleurs, où ils seront remplis de nouveau, puis réacheminés aux quatre coins du globe. 

Cependant, dans l’urgence de la pandémie, la Chine a envoyé ses conteneurs dans des régions qui n’étaient pas équipées pour en accueillir autant, comme en Afrique de l’Ouest et en Asie du Sud. Résultats: un grand nombre de conteneurs vides sont toujours coincés dans des ports un peu partout dans le monde. Ces délais font augmenter le prix des transports, affirme M. Tchokogue. 

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«Dès l’instant où les besoins ne peuvent pas être comblés, on observe un phénomène de rareté qui donne lieu à des enchères, ce qui fait augmenter les prix. Si vous êtes un producteur et que vous voulez absolument que votre produit arrive rapidement à Montréal, alors vous devez payer le gros prix. Et le prix payé par les producteurs se répercute sur le portefeuille des consommateurs», précise-t-il. 

3 - Problèmes de main d’œuvre   

La difficulté à faire circuler les marchandises ne peut toutefois expliquer à elle seule les problèmes de pénuries que l’on observe partout dans le monde. 

«À tout cela s’ajoute également un problème de main d’œuvre, puisque plusieurs personnes ont quitté leur poste pendant la pandémie et tous n’ont pas repris le boulot. Même au Port de Montréal, ils ont eu des problèmes de main d’œuvre pour décharger des bateaux dernièrement», dit-il.

Le Port de Montréal

Photo Joël Lemay

Le Port de Montréal

Ce même problème s’observe ailleurs dans le monde. 

Au Vietnam, par exemple, les usines qui fabriquent les chaussures Nike ont dû réduire leur production parce que les travailleurs sont retournés dans leur patelin. La Chine, quant à elle, a récemment été frappée par une recrudescence des cas de COVID-19 dans certaines régions. De grosses usines ont ainsi dû être mises à l’arrêt pour éviter que le virus ne se propage. 

4 - Embouteillage   

En parallèle, en Amérique du Nord et en Europe, le commerce en ligne a continué la progression amorcée avec la pandémie. Pour répondre à la demande et éviter des pénuries à l’approche des Fêtes, des entreprises se sont fait livrer davantage de produits. 

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Les rythmes de production se sont ainsi accélérés pour répondre à la demande, ce qui a engorgé le système de transports et les ports où arrivent des conteneurs. Aux États-Unis et en Chine, des milliers de conteneurs remplis de marchandises sont en attente d’être déchargés. 

5 - Quels risques pour le Québec?   

André Tchokogue doute fortement qu’on soit touché par les pénuries qui frappent présentement les États-Unis. «Au Québec, il y a des gros joueurs solides dans le milieu de la grande distribution et je doute qu’ils soient impactés de la même façon qu’aux États-Unis.» 

Le Québec a une capacité de production locale qui devrait permettre d’éviter de se retrouver dans la même situation que certains pays où la capacité est moindre, poursuit-il. 

«Le Québec a une excellente capacité de production locale pour une panoplie de biens. Si la conjoncture économique mondiale constitue une barrière à l’approvisionnement, le marché local peut soutenir la demande temporairement», conclut-il.