Quitter le monde de la restauration à cause des mauvaises conditions de travail
Si plusieurs spécialistes du domaine de la restauration ont imputé aux subventions gouvernementales la pénurie de main-d’oeuvre qui frappe les restaurants, d’anciens employés ont une autre version de l’histoire: ce sont le climat et les conditions de travail en restauration qui ont chassé tout le monde du milieu.
Les subventions comme la PCU ou la PCRE ne sont pas responsables du temps qu’on attend pour être servi au resto ces jours-ci, affirme Francis Mcnicoll, ancien gérant du bar montréalais La Succursale, qui cumule 10 ans d’expérience en restauration.
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«Les serveurs gagnent assez bien leur vie pour ne pas vouloir rester sur la PCRE», assure-t-il.
CONDITIONS DIFFICILES
Si beaucoup de gens ont quitté la restauration, c’est plutôt parce que le confinement leur a ouvert les yeux sur leur quotidien, selon lui. «Les horaires sont difficiles, ce sont des heures où on n’a pas de pause, on est debout tout le temps», énumère-t-il.
Lors du premier confinement, sans emploi, Francis Mcnicoll a réalisé qu’il devrait peut-être se réorienter. «Pendant la pandémie, je me suis rendu compte que j’aimais ça me coucher tôt ! lance-t-il à la blague. C’est plutôt difficile quand tu travailles en restauration.»
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C’est sans compter que les quarts de travail étaient pour lui assez stressants. «Il y a des gens qui aiment la pression, mais ça fait son temps.»
Ancien cuisinier, Jérémy Tremblay a profité du hiatus de la pandémie pour sortir de cuisine. Il aime toujours cuisiner, et il enseigne désormais la matière dans un centre pour les jeunes à Laval.
Parmi les raisons qui l’ont poussé à quitter son emploi, il cite le salaire désavantageux. «C’est arrivé une couple de fois que j’étais pas payé, on a déjà été déclarés travailleurs autonomes sans nous le dire, il fallait payer l’impôt supplémentaire à fin», rapporte-t-il.
Selon Rita-Adèle Beaulieu, cheffecuisinière au restaurant La Traversée, la restauration doit «se regarder dans la glace».
En tant que femme dans un milieu principalement masculin, elle confie avoir connu le pire du climat des cuisines. «C’est un environnement empreint de misogynie, relate-t-elle, c’est très exigeant, on revient tard à la maison, y’a de la consommation [d’alcool et de drogues] comme pas possible.»
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DES SOLUTIONS SUR LE TERRAIN
Au lieu de quitter le milieu, la cheffe-cuistot a choisi de se retrousser les manches et de créer un environnement plus sain et juste en cuisine dans un resto où ses valeurs étaient partagées.
La première étape est d’imposer un climat de respect en cuisine. «Ça va de ne pas jeter d’aliments à ne pas se crier après», explique-t-elle.
Rita-Adèle Beaulieu a aussi révisé les horaires et les salaires de ses employés, deux facteurs de rétention qui, selon elle, lui ont permis de retrouver tout son personnel après la très longue fermeture des restaurants. «Contrairement à la gastronomie où t’es payé à la semaine, même si tu fais des heures pas possibles, ici c’est quatre jours par semaine pour que tu puisses te reposer et tu es payé au taux horaire», résume-t-elle.
Elle s’assure aussi que son personnel ait toujours un soir de week-end libre, un luxe dans le domaine.