Les millénariaux confrontés à une grande inflation pour la première fois: «C’est difficile de se projeter dans l’avenir»

Les millénariaux rencontrent pour la première fois de leur vie active une inflation abrupte et rapide. Le coût de la vie augmente et les revenus ne suivent pas systématiquement. Nous avons parlé à trois personnes qui ne se le cachent pas: l'avenir les inquiète.
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Les personnes nées entre 1980 et 1995 auraient moins tendance à remarquer les augmentations de prix dus à l’inflation comparativement aux générations plus âgées, révèlent deux études menées au Canada (Université Dalhousie) et aux États-Unis (Bankrate).
Et pour cause: les jeunes adultes n’ont jamais vécu de situation semblable à celle de leurs parents au début des années 1980, quand l’économie mondiale a connu une récession. À ce moment, le Canada connaît une inflation très rapide de l’ordre de 12% alors que le taux cible est situé autour de 2 à 3%. Cette année, en octobre 2021, l’indice du prix à la consommation (IPC) a bondi de 4,4% – la hausse la plus élevée depuis 2003.
«Est-ce que mes enfants auront assez?»
L’inquiétude est aussi palpable chez les jeunes familles. Les réflexions s’accumulent chez Élaine Guilbault qui en est à tout planifier pour l’arrivée prochaine de sa fille. Quelle sera la situation économique dans deux ans? Quand sa fille aura 18 ans, combien devra-t-elle avoir de côté pour vivre convenablement pendant ses études?
«On se dit qu’on doit se priver pour épargner pour le futur notre fille, c’est son avenir qui est en jeu, confie-t-elle au 24 heures. S’il n’y avait pas d’enfant à naître, on serait capables d’hypothéquer nos vies d’une certaine manière, mais vu qu’on doit projeter notre futur, on met toutes les chances de notre côté pour économiser et se prévoir un coussin en cas de problème.»
Une inquiétude partagée par Sandrine Leblanc, 25 ans et maman de deux jeunes enfants.
«Je crains qu’ils n’aient pas autant de moyens que nous. On met de l’argent de côté pour leur régime enregistré d’épargne-études (REEE) mais je me demande si ça va être suffisant quand ils seront plus grands. S’ils veulent changer de programme d’études, est-ce qu’ils auront assez?» se demande la maman.
Et comme plusieurs autres personnes de sa génération, Sandrine Leblanc craint de «ne plus pouvoir y arriver un jour» en raison des salaires qui n’augmentent pas au même rythme que le coût de la vie.
Pour mettre toutes les chances de leur côté, les deux femmes ont un point en commun: elles misent beaucoup sur la deuxième vie des objets.
De son côté, Sandrine Leblanc dit «acheter usagé à 90%» en plus de magasiner les spéciaux tandis qu’Élaine Guilbault trouve «très important de miser sur l’usager et d’assumer que l’objet a une vie antérieure plutôt que d’acheter neuf et d’encaisser l’inflation».
Plus de détresse
Et comme directrice générale de l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de la Péninsule, à Matane, Élaine Guilbault est à même de constater les conséquences de l’inflation sur la clientèle plus défavorisée qui a recours à un service d’aide pour améliorer la gestion des finances personnelles.
«[La clientèle] n’utilise pas le mot inflation, mais les gens se rendent compte qu’ils vont plus souvent à l’épicerie. Comme plusieurs ont un montant fixe à dépenser, ils réalisent qu’ils en ont moins pour leur argent et qu’ils doivent y aller plus souvent», explique-t-elle.
Et même si leurs habitudes de vie n’ont pas changé et qu’ils ne dépensent pas plus qu’avant, tout leur coûte plus cher.
«On reçoit de plus en plus de monde en détresse alimentaire, c’est inquiétant. S’ils n’ont rien pour survivre jusqu’à leur prochaine paye, on les réfère à un panier de dépannage.»
Difficile de prévoir
Si la situation est loin d’être celle vécue en 1980, elle a de quoi inquiéter Benoit Tremblay, un opérateur d’usine d’aluminium au Saguenay âgé de 33 ans.
«Ce qui m’inquiète, c’est que l’écart entre les personnes endettées et les personnes qui ont des investissements se creuse encore plus», explique le père de famille.
Même s’il possède un portefeuille de 1,5 M$ en Bourse qui a considérablement pris de la valeur au cours de la dernière année, Benoit Tremblay a de la difficulté à faire des projections pour s’imaginer ce qu’il pourra se permettre avec ce montant dans quelques années.
«Je continue à ménager mes dépenses comme je l’ai toujours fait, mais même si je fais attention, l’inflation va probablement manger mon pouvoir d’achat quand même. On ne sait pas trop ça va ressembler à quoi dans quelques années et c’est difficile de se projeter dans l’avenir.»