Surchauffe immobilière : pourriez-vous vous payer la même maison aujourd’hui?

Si l’on vous demandait s’il était possible d’acheter en 2022 la maison que vous avez achetée il y a 10 ans, en seriez-vous capable? On a posé la question à des propriétaires pour qui ce serait tout simplement impossible.
• À lire aussi: Leurs parents les ont aidés à acheter leur première propriété
• À lire aussi: Le prix des propriétés bondit de 20% à Montréal
De 320 000$ à 500 000$... en deux ans
Juste avant la pandémie, en mars 2020, Philippe Babineau et sa conjointe ont acheté leur première propriété, un jumelé de quatre chambres, au coût de 320 000$ dans le quartier de Fabreville, à Laval. À l’époque, c’était «pas mal le seul quartier qui restait encore abordable sur l’île», selon lui.
La cuisine, le toit et les fenêtres, sauf la façade, avaient été refaits. Une aubaine dans un quartier où les maisons datent des années 1960 et nécessitent souvent de multiples rénovations.
S’il devait acheter sa première propriété aujourd’hui, il n’est pas certain qu’il aurait le même parcours, précise-t-il.
«Mon voisin, qui a une maison avec les mêmes dimensions et le même terrain, vend sa maison à... 500 000$!» tonne-t-il. Philippe Babineau n’aurait jamais payé autant pour cette demeure et n’est même pas certain qu’il aurait eu une capacité d’emprunt suffisante. Il aurait préféré partir pour Longueuil, ou même carrément Québec.
«Je pense à l’expérience d’achat de mes parents versus la mienne. Quand t’achetais dans le temps, tu choisissais le quartier, la maison, les caractéristiques... Aujourd’hui, tu fais une liste et tu vas avoir seulement à peu près le tiers de tes critères. C’est fini le magasinage de la maison parfaite», juge qui œuvre en marketing comme conseiller en expérience client.
Impossible de racheter sa maison quelques mois plus tard
Victoria Drolet et son conjoint Philippe Daneau (pas le joueur de hockey), ont acheté leur première propriété à Saint-Philippe, sur la Rive-Sud de Montréal, en novembre 2020 et ont officiellement emménagé en mai 2021.
La jeune femme de 24 ans n’hésite même pas une seconde pour dire, qu’à peine un an plus tard, elle ne serait même pas en mesure d’acheter son jumelé de quatre chambres et trois salles de bain qu’elle a payé 450 000$, construit en 2018.
«Dans mon quartier, je vois des maisons plus petites que la mienne se vendre à 525 000$», constate-t-elle, quelques mois à peine après son déménagement.
La conseillère principale en affaires publiques et gouvernementales pour le Conseil du Patronat du Québec n’envisage pas à court ou moyen terme de quitter sa demeure avant d’avoir fondé une famille avec son copain.
Mais avec cette montée en flèche des prix, son rêve d’avoir possiblement une plus grande demeure, dans le même quartier, n’est pas assuré.
«La maison de rêve, c’est encore une idée bien entretenue, et c’est quelque chose que des jeunes de notre génération veulent, mais je ne suis pas sûr qu’on va être capable de l’avoir», constate-t-elle et ce, malgré la hausse des salaires annoncée.
Même un courtier n’y arriverait pas
En 2009, Rodney Lhermite est motivé à voler de ses propres ailes. À l’époque, le programmeur informatique de 24 ans épargne 1000$ par deux semaines pendant deux ans ce qui lui permet de mettre de côté 48 000$, soit le montant souhaité pour sa mise de fonds.
En 2011, il achète un triplex dans l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve pour la somme de 483 000$. La valeur marchande de son immeuble se chiffre aujourd’hui entre 925 000$ et 950 000$
«Aujourd’hui, je ne crois pas que je pourrais m’acheter un triplex dans mon coin, car c’est rendu vraiment trop cher. Mon ratio d’endettement ne passerait pas à la banque», explique l’homme âgé aujourd’hui de 37 ans qui vit au rez-de-chaussée de la propriété.
Celui qui est à présent courtier immobilier chez RE/MAX note qu’il est plus difficile pour sa jeune clientèle d’accéder à la propriété.
«On voit l’éclatement de la classe moyenne. J’ai de moins en moins de jeunes qui peuvent accéder à la propriété sur l’île de Montréal», dit-il.
Les investisseurs capables de mettre plus de 10% de la mise de fonds requise dans un contexte de surenchère sont avantagés par rapport aux jeunes qui ne bénéficient pas de l’aide de leurs parents, explique-t-il.