Restos : l'incertitude pèse lourd sur la santé mentale des proprios et des employés
Ça fait presque un mois que les salles à manger des restaurants sont fermées, et les restaurateurs n'ont aucune idée de quand ils pourront rouvrir. L'imprévisibilité des décisions gouvernementales est difficile sur la santé mentale des propriétaires et employés, avertissent plusieurs personnes de l'industrie.
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Pablo Rojas, chef cuisinier et copropriétaire des restaurants Provisions et Le Petit Italien, a fermé deux de ses quatre restaurants depuis le début de la pandémie. Bien sûr, sa business l’inquiète. Mais il est davantage préoccupé par la santé mentale et physique de ses employés et des collègues du milieu, qui sont affectées lourdement par les réouvertures et fermetures à la dernière seconde.
«C’est surtout le côté humain qu’il ne faut pas oublier. [...] Ma business, je peux la perdre, mais des employés qui pensent de se suicider, je pense que ça va trop loin», s’insurge-t-il, alors que plusieurs collègues lui parlent aussi de dépression et d'alcoolisme.
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Dans une publication devenue virale sur les réseaux sociaux, aimée près de 4000 fois sur Instagram depuis samedi, le père de famille de deux enfants a surtout voulu sonner l’alarme face aux problèmes de santé mentale qui se multiplient chez les employés d’un milieu qui vit «des montagnes russes» depuis presque deux ans. «Est-ce qu’ils vont offrir des psychologues à tout le monde?» soulève-t-il aussi, faisant référence au manque de ressources en santé mentale.
M. Rojas ne mâche pas ses mots face au manque de cohérence du gouvernement et de vision claire quant à un plan de réouverture, même s’il dit très bien comprendre la situation dans les hôpitaux. Il a aussi peur de perdre cette main-d’œuvre qualifiée qui changera de domaine.
Stress incroyable
Il est loin d'être le seul à penser ainsi. «Faut être fait fort mentalement», lance Hakim Chajar, chef du restaurant Miel, situé dans Pointe-Saint-Charles, qui remarque que les membres de l'industrie vivent actuellement un «stress incroyable».
Celui qui a gagné l’émission Les chefs! en 2014 pense que le gouvernement du Québec voit la restauration comme un «sot métier». «On nous regarde [comme étant] très très bas», dit-il.
«Je trouve ça épouvantable tout ce qu’on nous fait vivre», déplore aussi Nathalie Côté, copropriétaire des pizzerias Stella, à Montréal. «Le système de santé ne peut pas le prendre, mais nous non plus», dit-elle.
La restauratrice souhaite que le gouvernement offre le plus tôt possible une date de réouverture des salles à manger. Elle souligne qu’avoir un calendrier fixe aiderait à soulager son stress ainsi que celui de ses employés.
Car il n'y a pas que les propriétaires qui sont inquiets. «Des milliers d’employés ont hâte de retrouver leur emploi», souligne Francis Rodrigue, qui détient six restaurants dans le Grand Montréal, dont le Jellyfish dans le Vieux-Montréal ainsi que les restaurants Giulietta. Il rappelle qu’ils doivent payer leur loyer, et pour plusieurs d’entre eux, soutenir leur famille.
Le restaurateur s’inquiète que les fermetures à répétition poussent de nombreux employés de la restauration à quitter le milieu en raison de la trop grande incertitude. «On risque de perdre des gens passionnés par ce qu’ils faisaient», craint-il.
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Hakim Chajar est d’avis que «tous les employés [de la restauration] ont perdu confiance en notre domaine».
«C’est dur sur le moral des employés», remarque aussi Nathalie Côté. Plusieurs d’entre eux ont préféré aller sur le chômage parce qu’ils n’aimaient pas faire uniquement des livraisons. D’autres ont tout simplement mis une croix sur leur carrière pour se réorienter ailleurs.
Les employés qui auront quitté durant cette troisième fermeture en moins de deux ans devront être remplacés. La formation pour ces nouveaux employés est coûteuse, rappelle Francis Rodrigue.
À quand un calendrier de réouverture?
L'Ontario a déjà annoncé un calendrier de déconfinement, dans lequel on apprend notamment que les restaurants rouvriront le 31 janvier.
À quand un calendrier similaire au Québec?
Vendredi, le directeur national de la santé publique par intérim Luc Boileau a affirmé qu’un échéancier de déconfinement pourrait être remis bientôt au gouvernement.
«Si actuellement la tendance qu’on voit depuis quelques jours se maintient encore, mettons un 3-4 jours, on va être capable à ce moment-là de proposer au premier ministre un calendrier de réouverture», a-t-il prédit vendredi au micro de Philippe-Vincent Foisy sur QUB radio.
Pour y arriver, une diminution du nombre d’hospitalisations est l’un des facteurs clés, a expliqué le Dr Boileau.
Le gouvernement hésiterait actuellement entre une réouverture des salles à manger le 31 janvier ou le 8 février, a appris notre Bureau parlementaire.
En choisissant le 8 février, les restaurateurs auraient droit à leur aide financière, fait remarquer le vice-président aux Affaires publiques de l’Association Restauration Québec, Martin Vézina. Pour y avoir accès, ils doivent être fermés pour sept jours consécutifs dans un même mois.
Ce qui est clair, c'est qu'il serait mieux d'avoir une idée précise plus tôt que tard pour les restaurateurs.
«C’est difficile de savoir où on s’en va quand on ne sait pas quand on va pouvoir rouvrir», croit Francis Rodrigue.
«On gère des entreprises», tient-il à rappeler. «Si tu sais qu’il y a une possibilité de réouverture, ça te permet de planifier.»
Nathalie Côté espère aussi que le gouvernement annoncera la réouverture des salles à manger dans un délai raisonnable afin de permettre aux restaurateurs de se préparer. Selon les trois restaurateurs, un délai de 24 à 72 heures n’est pas suffisant pour être disposé à ouvrir.
Ils ont besoin de plusieurs jours pour entrer en contact avec les employés actuels pour déterminer ceux qui souhaitent rester, planifier les horaires et faire des embauches au besoin. Ils doivent aussi faire des commandes de nourriture et réorganiser la salle à manger en fonction des mesures sanitaires qui seront en vigueur.
- Avec des informations de l'Agence QMI
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