Hausses des loyers : des propriétaires sidérés par l’outil d’augmentation du TAL | 24 heures
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Hausses des loyers : des propriétaires sidérés par l’outil d’augmentation du TAL

Robert Richard et Apraham Niziblian
Photomontrage: Julie Verville

Robert Richard et Apraham Niziblian

Bien des propriétaires s’indignent des maigres augmentations de loyer que suggèrent le calcul d’augmentation des loyers du Tribunal administratif du logement (TAL). Ces calculs donneraient une fausse image de la réalité du marché, de l’inflation, de l’augmentation possible des taux d’intérêt et des prix croissants des matériaux pour les rénovations.

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La semaine dernière, le TAL a fourni son très attendu calcul de l’augmentation de loyer pour l’année 2022. Les estimations prévoient une augmentation de 1,28% pour un logement non chauffé et 1,38% pour un logement chauffé. L’augmentation peut excéder 2,8% si l’on considère la hausse des taxes municipales et les travaux majeurs.   

Ces chiffres ont sidéré un bon nombre de propriétaires à en croire par les nombreuses publications à ce sujet sur les groupes Facebook d’immobilier et de location. Ceux-ci permettraient aux locataires d’avoir recours plus facilement à une fixation de loyer, selon eux. 

«Ce calcul-là est la raison pour laquelle on a plusieurs taudis mal entretenus à Montréal. Qui va investir 10 000 ou 20 000$ dans son logement pour ne pas être capable de revoir son argent avant au moins 40 ans? Ça encourage les propriétaires à ne pas entretenir leur immeuble», lance sans équivoque Robert Richard, propriétaire d’une vingtaine de portes dans les environs de Laval. Il admet augmenter le prix de ses loyers plus que ce prévoit le TAL, sans préciser combien.   

En pleine crise du logement, des associations de locataires, dont le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), souhaitent la mise en application d’un gel des loyers. Une idée que Robert Richard trouve tout simplement inconcevable. 

«Un gel des loyers alors que moi ça prend un gars [à payer] pour rénover mes immeubles?», se demande-t-il.  

Robert Richard

Photo Martin Alarie

Robert Richard

Un calcul qui varie beaucoup  

Johnny Dion, qui est propriétaire d’environ 75 logements à Québec, donnait généralement des augmentations annuelles de 5 ou 10$ pour ses logements en se basant «grosso modo» sur ses factures. 

C’est suite à des plaintes de locataires et des demandes de révision de loyer qu’il s’est résigné à utiliser la grille de calcul du TAL. 

Le propriétaire donne en exemple l’augmentation de l’un de ses appartements chauffés au gaz en 2021, déterminée par une estimation de 1,6% selon l’outil du TAL. Pour ce 5 1⁄2 à 766$ par mois, Johnny Dion a exigé une augmentation de 14$ (1,87%), soit 780$ par mois. Un prix déjà en deçà du prix moyen à Québec, selon lui. Après une demande de fixation de loyer, le TAL a autorisé une augmentation de 4$ par mois (0,52%).  

«Je ne comprends pas comment le TAL en est arrivé à ça. Pourtant, on avait validé les dépenses [avec la grille]» dit-il, assurant avoir bien fait les calculs avec la grille sans se tromper.   

Cette année, la grille lui suggère 20$ d’augmentation pour certains de ses logements. Il pense déjà que certains locataires iront peut-être contester. Ne pouvant augmenter comme il le souhaite, en fonction de l’augmentation du coût de la vie, Johnny Dion croit que la grille favorise les «rénovictions» de certains propriétaires qui veulent réajuster le loyer selon le prix du marché.   

JuanLurduy - stock.adobe.com

Un manque de «personnalisation» et de vulgarisation  

Apraham Niziblian, un propriétaire de 11 portes dans les quartiers Ahuntsic et Rosemont depuis sept ans, avoue avoir du mal à comprendre d’où viennent les pourcentages de la grille de calcul. M. Niziblian évoque un possible manque de vulgarisation de la part du TAL.   

«Chaque année, j’essaie de la respecter [la grille] plus ou moins, et chaque année, je m’appauvris», admet-il, en citant les dépenses effectuées sur les immeubles depuis ses acquisitions. Il ajoute que les loyers de certains locataires présents depuis des années ne reflètent pas nécessairement la valeur du marché.  

Il donne notamment l’exemple d’un bloc d’appartements acheté récemment qui n’a pas été rénové depuis plus de 20 ans. Puisque des travaux majeurs sont nécessaires, il voit ces rénovations comme un «investissement à long terme» à défaut de pouvoir récupérer ces sommes dans les augmentations de loyer. 

Au début de la pandémie, Apraham Niziblian avait d’ailleurs pris la décision de ne pas augmenter le loyer de ses locataires devant l’incertitude face à l’avenir. Une décision qui lui coute plus cher à présent.   

Apraham Niziblian

Courtoisie

Apraham Niziblian

La CORPIQ propose ses propres augmentations 

Ces quelques propriétaires ne sont pas les seuls à exprimer leur malaise avec la grille du TAL. La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), qui représente 30 000 propriétaires au Québec, a mis en ligne sa propre grille de calcul d’ajustement de loyer qui compare sa propre estimation avec celle de la grille officielle du Tribunal administratif du logement. 

«Les coûts de main-d’œuvre et des matériaux explosent et les propriétaires s’en trouvent les grands perdants puisque la grille de calculs pénalise tous les locateurs qui ont eu à faire des travaux dans leurs immeubles», indique Benoit Ste-Marie, directeur général de la CORPIQ.  

Benoit Ste-Marie, Directeur général de la CORPIQ (Corporation des propriétaires immobiliers du Québec) PHOTO : COURTOISIE

Le Journal de Québec

Benoit Ste-Marie, Directeur général de la CORPIQ (Corporation des propriétaires immobiliers du Québec) PHOTO : COURTOISIE

Pour rectifier le tir, la CORPIQ demande au gouvernement de revoir la grille de fixation des loyers qu’elle qualifie de «désuète» et qui contribuerait à créer des effets négatifs sur l’offre de logement.

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