« Mettez-vous en valeur » : un message gouvernemental ne passe pas chez des locataires

Dans sa rubrique «Recherche d’un logement : mieux vaut se mettre en marche rapidement!», la Société d'Habitation du Québec (SHQ) conseille aux locataires de faire leur «autopromotion»pour trouver un logement.
Plusieurs locataires n’ont pas apprécié un message gouvernemental leur proposant de se «mettre en valeur» face aux propriétaires en ce début de période de visite de logements . «C’est de mauvais goût», tonne une porte-parole d’un organisme pour la défense des droits des locataires.
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La Société d’habitation du Québec (SHQ), qui a pour mission de répondre aux besoins en matière d’habitation, a publié par le biais de son magazine web une rubrique dédiée à la recherche de logement.
L’organisme gouvernemental y présente quelques trucs et astuces aux locataires pour rester à l’affût des sites d’annonces en ligne, comme Marketplace ou Kijiji, pour trouver son nouveau chez-soi. La rubrique suggère également aux locataires de faire son «autopromotion» pour mettre la main sur un logement.
«Dans un marché effervescent, faire son autopromotion auprès d’un futur locateur ajoute à l’arsenal des outils à utiliser pour se démarquer. C’est un moyen de plus en plus prisé et il peut être très payant, un peu à l’image du marché de l’emploi où l’employeur doit maintenant se mettre en valeur pour recruter des employés. Votre profil pourrait être l’élément qui jouera en votre faveur. », peut-on y lire.
Des locataires irrités
Ce passage, partagé sur les réseaux sociaux, a irrité plusieurs locataires. La rubrique n’a pas laissé indifférent le député de Québec solidaire et responsable en matière de logement pour son parti, Andrés Fontecilla, d’après son statut publié mardi sur Facebook.
«Selon cette rubrique, " votre profil pourrait être l’élément qui jouera en votre faveur ". J’y vois un énorme drapeau rouge, une porte grande ouverte à discriminer contre les " profils " qui ne " sortent pas du lot ". Ça peut être une personne monoparentale, une personne avec un emploi considéré comme précaire, une personne qui porte un nom qui nous est moins familier, un couple avec enfants», écrit M. Fontecilla.
L’obligation de «se démarquer» face aux autres propriétaires a aussi dérangé le député.
«C’est de mauvais goût»
La porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Véronique Laflamme, n’a pas apprécié ce conseil. «C’est de mauvais goût dans le contexte où on sait que de nombreuses personnes subissent de la discrimination dans l’accès au logement. Avec la rareté des logements locatifs, les propriétaires ont le gros bout du bâton.»
Ce conseil d’autopromotion passe mal du côté de la porte-parole, qui est d’avis que le gouvernement peine à fournir des logements sociaux et abordables aux locataires pour combler la forte demande actuelle.
Le contexte actuel pousserait les locataires à se «vendre individuellement» auprès des propriétaires pour se trouver un logement, ajoute Mme Laflamme. Selon les plus récentes données, le taux d’inoccupation à Montréal avoisinait le 2,7% en janvier 2021. Un chiffre qui a augmenté avec la pandémie: il était de 1,9% en octobre 2018, mais demeure toujours en deçà du seuil d’équilibre de 3%.
Environ 24 000 personnes sont inscrites sur la liste d’attente d’une habitation à loyer modique (HLM) à Montréal. Pour combler ce manque, le FRAPRU revendique la construction de 22 500 nouveaux logements sociaux et communautaires en cinq ans.
«Faire de la politique avec ça, je n’en reviens pas»
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Le directeur général de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), Benoît Ste-Marie, ne partage pas l’avis du FRAPRU. «Faire de la politique avec ça, je n’en reviens pas», envoie-t-il.
Selon lui, il est tout à fait «humain» et légitime que le locataire montre le sérieux de sa candidature face au propriétaire.
Cela permet aussi à ce dernier d’avoir une meilleure connaissance du futur locataire.
«Je ne vois pas ça comme un outil de discrimination.[...] Ça permet en amont de voir s’il y a une connexion possible pour le logement [entre le propriétaire et le locataire]», constate-t-il. Il donne en exemple le site Kangalou, où le locataire crée un profil pour trouver l’appartement selon ses besoins.