«À ce rythme, j’aurais mon HLM dans 14 ans»: des locataires n’en peuvent plus d’attendre | 24 heures
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«À ce rythme, j’aurais mon HLM dans 14 ans»: des locataires n’en peuvent plus d’attendre

Image principale de l'article Des locataires n’en peuvent plus d’attendre

À Montréal, il faut patienter en moyenne 5 ans pour pouvoir bénéficier d’une habitation à loyer modique (HLM). Une longue attente qui entraîne bien des souffrances pour les ménages les plus vulnérables. Nous avons décidé de vous présenter trois histoires de ces locataires en attente d’un toit.  

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Dans la métropole, ce sont 23 000 ménages qui sont inscrits en 2021 pour bénéficier d’un logement subventionné par l’État, d’après les données fournies par l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM). Pour y avoir droit, il faut s’inscrire sur le site de l’OMHM et répondre aux 7 critères d’admissibilité, choisissant un quartier préférentiel. Les locataires admissibles peuvent ensuite occuper un logement en ne déboursant que 25 % du revenu du ménage. 

En raison de la forte demande, il faut patienter en moyenne 5 ans pour pouvoir bénéficier d’une habitation à loyer modique (HLM). 

Cependant, pour Mathieu Vachon, chargé des communications pour l’OMHM, le délai d’attente «ne veut pas dire grand-chose», sachant que chaque cas est particulier et qu'il y a de grands écarts face à cette moyenne. Il ajoute qu’il n’est pas possible de voir le délai moyen par quartier. Sur le site de l’OMHM, on explique que le délai se base sur plusieurs critères comme le nombre de ménages en attente et la grandeur du logement requis. 

Alors que la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a réitéré la semaine dernière la nécessité de construire 3 000 logements sociaux par année dans le Grand Montréal pendant 10 ans , le gouvernement du Québec de son côté promet 3 000 nouveaux logements à loyer modéré d’ici 2028... mais à l’échelle de la province. Avec une moyenne de 500 logements construits par année, on est bien loin des exigences de la CMM.  

En attendant, ce manque d’HLM dans la région métropolitaine pénalise des ménages qui vivent déjà dans la précarité. 

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Caroline Doucet : «À ce rythme, j’aurais mon HLM dans 14 ans»  

Avec un revenu composé uniquement de l’aide sociale (9400$ par année), Caroline Doucet, qui habite seule, pensait être la candidate idéale pour l’obtention d’un HLM. Pour donner une idée, une personne seule doit gagner au maximum 32 500$ par an pour y avoir droit.  

Depuis son inscription en janvier 2021, la femme de 48 ans a seulement avancé de 71 rangs sur la liste d’attente. En un an, elle est ainsi passée de la 992e place au 921e rang, pour une demande formulée dans le quartier d’Hochelaga-Maisonneuve. «Ça n’avance pas vite. À ce rythme, j’aurais mon HLM dans 14 ans», s’impatiente Mme Doucet.  

Si le gouvernement n’améliore pas son offre de logements sociaux, elle aura les clés de cet appartement à 62 ans.  

Pour l’instant, Caroline vit donc dans son 4 1⁄2 qu’elle paye 795$ par mois dans le quartier d’Hochelaga-Maisonneuve. Un montant plus bas que les prix du marché, mais difficile à assumer pour Caroline, considérant son revenu annuel. «J’en trouve pas des [logements] moins chers. Les loyers sont toujours de plus en plus élevés. J’en arrache», reconnait-elle.  

Caroline Doucet

Guillaume Cyr/24 heures

Caroline Doucet

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Samuel : «Je suis en dessous du seuil de pauvreté»  

À 79 ans, Samuel est aux prises avec de multiples problèmes de santé : une tumeur au cerveau, du diabète et une mobilité très réduite. Il a souhaité ne pas être identifié complètement par crainte de perdre sa place pour un HLM.   

En raison de sa condition physique et de ses revenus -1100$ par mois, il était convaincu que le processus pour obtenir le logement allait être rapide. Mais non, il attend depuis bientôt 3 ans.  

Classé au 300e rang pour un 3 1⁄2 à Montréal-Nord, Samuel a fait la moitié du chemin et se situe aujourd’hui au 155e rang. Idem pour sa demande dans le quartier dans lequel il réside présentement, Ahuntsic-Cartierville. Il est passé de la 600e à la 360e place.  

Même si le septuagénaire semble payer un loyer somme tout abordable compte tenu du marché locatif actuel (on parle d’un 4 1⁄2 à 675$), le chiffre demeure élevé pour ses maigres revenus basés seulement sur sa pension de vieillesse. Pour se loger, Samuel débourse 61% de son revenu mensuel. 

«Il ne reste plus rien. Je suis en dessous du seuil de pauvreté», souffle l’avocat retraité. Il vit seul et doit ajouter à cela les commodités comme l’électricité, l’internet et le téléphone.  

«La situation de mon grand-père est épouvantable. Il vit dans la pure indigence», ajoute son petit-fils Olivier, qui a suivi les traces de son grand-père en devenant avocat à son tour.  

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L’histoire de Johnny : mourir avant de mettre le pied dans un HLM  

John Fersos, appelé affectueusement «Johnny», a été inscrit par son amie de longue date Rania * sur la liste d’attente d’un HLM à l’âge de 83 ans en juin 2020, quelques années après sa séparation avec sa femme. Celui qu’elle considérait presque comme un «oncle» vivait à ce moment-là dans l’extrême pauvreté, passant même par un épisode d’itinérance. 

Rania évoque qu’il était très difficile de lui trouver un logement abordable, alors que le coût des loyers a bondi depuis plusieurs années. «On avait visité un appart [avec lui] qui nous a clairement fait savoir ne pas vouloir de personnes âgées», se désole-t-elle. 

Lors de l’inscription de Johnny pour un HLM, Rania était certaine que tout avancerait rapidement. Au départ, il était au 143e rang pour un studio dans Outremont et au 373e rang pour le Plateau Mont-Royal.  

Or, l’homme est malheureusement décédé en août 2021 et n’a pu mettre la main sur un logement à bas coût.  

Malgré son décès, Johnny est encore inscrit sur la liste. Rania a vérifié son rang en janvier dernier pour constater qu’il était maintenant au 123e rang dans Outremont et 383e rang sur le Plateau. Même mort, il n’a pas avancé sur la liste... 

* Elle ne veut pas donner son nom de famille complet pour des raisons familiales. 

John Fersos alias «Johnny»

Capture d'écran

John Fersos alias «Johnny»

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