Grand malaise au Gala Dynastie: la gaffe «caucasienne» du ministre responsable de la Lutte contre le racisme
BILLET - Samedi soir au Gala Dynastie, j’ai vécu le plus grand malaise ever lors du discours du ministre responsable de la Lutte contre le racisme, Benoit Charette. Il a rendu un hommage posthume à un homme... qui était pourtant bien vivant et qui se trouvait même dans la foule devant lui!
Pour vous mettre en contexte, le Gala Dynastie est l’événement qui clôture le Mois de l’histoire des Noirs. C’est une soirée chic et protocolaire pour célébrer les personnalités issues de la communauté noire du Québec qui se distinguent dans divers domaines.
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Des représentants politiques y assistent, et ça tombait sous le sens que M. Charette y soit, comme ministre responsable de la Lutte contre le racisme.
Quand il est monté sur scène devant une centaine de personnes principalement noires, j’espérais vraiment qu’il livre un discours qui montre sa volonté d’être un véritable allié.
Il a plutôt livré un discours «de la mort».
«On a perdu un digne représentant du milieu culturel, au cours des derniers mois. On peut penser à Lamine Touré. Je me souviens de nombreuses soirées notamment au [Club] Balattou», a-t-il dit.
Le hic... c’est que M. Touré est bien vivant! Il recevait d’ailleurs le soir même le Grand Prix Dynastie, pour sa contribution comme instigateur du Festival international Nuits d’Afrique.
Des gens du public se sont levé et ont crié pour signaler au ministre qu’il était bien présent, assis dans la salle.
Le ministre Charette n’a pas compris sur le coup et a hoché la tête avec la main droite sur le cœur, avant de lâcher : «Ah oui, mes sympathies.» On peut voir le tout dans la vidéo ci-dessous...
Ce n’était pas le seul faux pas de la soirée. Un froid s’est installé dans l’audience quand le ministre Charette a souligné la présence de la candidate de la CAQ dans Marie-Victorin, Shirley Dorismond. C’est vrai que ça fait du bien de voir des femmes noires en politique, mais elle a récemment nié le concept de racisme systémique, ce qui déplaît à une bonne partie de la communauté.
Et que dire du lapsus de Christopher Skeete, l’adjoint du ministre, qui a repris le micro en remerciant la présence du ministre «responsable du racisme». Ouch!
J’étais horrifiée par ce spectacle de malaises. J’aurais voulu me fondre dans mon siège. Les spectateurs riaient jaune ou étaient indignés. Ils agitaient les mains et la tête. J’ai même entendu des gens qui ont commencé à huer.
Le ministre s’est confondu en excuses et en blagues maladroites, mais le mal était fait.
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Une gaffe «caucasienne»
C’est ce que j’appelle une gaffe «caucasienne». Pourquoi? Parce que j’ose croire qu’un ministre issu de la communauté noire n’aurait jamais commis ce genre de faute impardonnable, dans un gala au décorum aussi important.
Oui, l’erreur est humaine. Mais ça souligne que le ministre n’a pas jugé bon de réviser son discours, ou de connaître les finalistes du gala et récipiendaires des hommages.
Il n’a pas fait ses devoirs et ça illustre à mon avis que ce gouvernement se fout de la gueule de la communauté noire en nommant un homme blanc comme ministre responsable de la Lutte contre le racisme.
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Le Gala Dynastie mérite mieux
Le comité du Gala Dynastie avait fait preuve d’ouverture et de partage en prenant le soin d’inviter à cette soirée des représentants du gouvernement de la CAQ, même si bon nombre d’individus de la communauté noire sont sceptiques face aux moyens qu’utilise M. Charette pour lutter contre le racisme.
L’animateur Preach a même lancé quelques blagues pour détendre l’atmosphère après la faute.
Le Gala Dynastie mérite mieux, car il a été bon joueur.
On ne peut pas en dire autant de la CAQ: M. Charette et le gouvernement auquel il appartient n’en sont pas à leur première bourde.
Première prise: nier toute forme de racisme systémique.
Deuxième prise: créer une campagne publicitaire controversée (vous vous rappelez, les «amis québécois»?), en faisant appel au réalisateur d’origine vietnamienne Khoa Lê, qui a mentionné par la suite que le concept initial des publicités a été modifié au montage, sans son consentement.
Troisième prise: le ministre qui affirme à Tout le monde en parle que sa maîtrise de la langue créole est un outil pour mieux comprendre les enjeux liés au racisme. Il y a une différence entre l’appréciation et le partage d’une culture et vivre de la discrimination à cause de tes origines.
Dommage que les règles du retrait à la troisième prise ne s’appliquent pas comme au baseball : ça aurait empêché sa bourde de samedi.
Maintenant, le post-mortem du gala est concentré sur la maladresse du ministre Charette et non sur l’excellence black. Dommage.