Budget: voici ce que Québec pourrait faire pour atténuer les impacts de l’inflation

Eric Girard, ministre des Finances du Québec
C’est aujourd’hui que le ministre des Finances Eric Girard dépose son budget 2022-2023. Et comme l’inflation est sur toutes les lèvres, on a demandé à un expert quelles mesures Québec pourrait inclure dans le prochain exercice financier pour en atténuer les impacts sur le portefeuille des Québécois. Voici ses propositions.
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D’abord, un peu de mise en contexte. Habituellement, lorsque l’inflation augmente, c’est parce que les gens consomment trop; la demande est si grande que l’offre ne fournit pas. La solution: que la Banque du Canada augmente les taux d’intérêt pour freiner le rythme de consommation. La mission de l’organisme, faut-il le rappeler, est de maintenir le taux d’inflation aux alentours de 2%.
Or, maintenant, c’est tout le contraire qui se passe. Les circonstances ayant mené aux taux d’inflation records ces derniers mois ne sont pas les mêmes qu’à l’habitude. Elles sont plutôt menées par la hausse du prix du pétrole, les changements climatiques, la rareté des matières premières et l’industrie du transport qui a de la difficulté à répondre à la demande, augmentant ainsi ses tarifs et ses délais.
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«Les stratégies dont on disposait historiquement ne fonctionnent plus. Si la Banque du Canada augmente ses taux d’intérêt, ça ne fera pas en sorte que le prix du pétrole va changer sur la planète. Ça ne va pas soudainement faire en sorte que le transport de conteneurs de l’Asie vers le Canada va coûter moins cher», explique Bertrand Schepper, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).
Dans ce contexte particulier, voici quelques propositions que pourrait inclure le budget.
Garnir le portefeuille des Québécois
Il s’agit, essentiellement, de mettre un peu plus d’argent dans les poches des Québécois en envoyant un chèque pour limiter les effets de l’inflation. Le gouvernement l’a d’ailleurs fait en novembre dernier lors du dépôt du mini-budget, en prévoyant que les Québécois admissibles recevraient un chèque entre 275$ et 400$.
«L’idée d’aider les gens est la meilleure possible dans la mesure où, comme on ne contrôle à peu près rien, il serait illogique d’essayer d’augmenter les taux d’intérêt [au fédéral] ou les tarifs. Mais l’enjeu n’est pas que les gens consomment trop, c’est qu’ils ne sont pas capables de consommer suffisamment», souligne-t-il.
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La mesure, particulièrement efficace pour les familles moins nanties, n’a cependant d’avantage qu’à court terme.
En plus d’envoyer ponctuellement un chèque, Bertrand Schepper suggère, notamment, que le gouvernement augmente le crédit d’impôt pour la solidarité de même que les rentes pour qu’elles reflètent davantage le taux d’inflation.
Moduler les tarifs d’Hydro-Québec autrement
En plus de ses impacts immédiats, la forte hausse de l’inflation fait craindre une augmentation des tarifs d’Hydro-Québec de plus de 5% en 2023. Et tout ça à cause d’une loi que la Coalition Avenir Québec (CAQ) a adopté en 2019 prévoyant l’ajustement des tarifs d’électricité en fonction de l’inflation.
«C’était une idée qui était dénoncée par 98% des intervenants dans le secteur, notamment parce que l’inflation et les coûts d’électricité n’ont à peu près aucun lien les uns avec les autres», relate le chercheur.
Face à cela, François Legault a annoncé la semaine dernière qu’il compte limiter la hausse des tarifs, sans préciser à quel taux, et qu’il enverrait un chèque pour contrebalancer la possible hausse.
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Mais sachant qu’Hydro-Québec verse 75% de ses profits à l’État, le gouvernement a vraisemblablement un intérêt à garder les tarifs élevés dans une perspective de revenus à long terme, assure Bertrand Schepper.
Or, une hausse des tarifs d’électricité fait augmenter les coûts de ce que l’on produit ou que l’on achète ici, accélérant ainsi le rythme de l’inflation dans la province. «Ça participe à une spirale d’augmentation des tarifs», note M. Schepper.
«Si on veut vraiment aider les gens, la première chose qu'il faut faire c'est d'éviter de faire hausser plus vite l'inflation, et les tarifs d'Hydro-Québec demeurent la mesure la plus intéressante pour le gouvernement», dit-il.
Investir dans l’économie locale
Les mesures précédentes sont intéressantes à court terme, mais des solutions à plus long terme sont nécessaires puisque «ces crises d’inflation vont être de plus en plus fréquentes, surtout si la guerre en Ukraine se poursuit longtemps et qu’on voit des catastrophes climatiques de plus en plus importantes», estime Bertrand Schepper.
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Pour atténuer les effets de l’inflation, il faudrait miser sur une économie locale plus forte, moins dépendante de l’importation et du transport de biens.
«Ça pourrait être en finançant des serres locales pour l’alimentation. Prendre acte du fait qu’il y a des produits qui seront plus difficiles à avoir. On a la chance d’avoir une variété de produits et ce ne sera peut-être pas toujours le cas», propose le chercheur. Aussi bien commencer à miser sur les produits que l’on peut produire nous-mêmes pour les rendre moins chers.
L’investissement dans les transports en commun – surtout le transport en commun électrique – pour les centres urbains permet aussi aux citoyens de se défaire peu à peu de leur dépendance aux carburants, à la merci du prix du baril de pétrole, tout en favorisant l’économie locale en confiant la construction de ces véhicules à des entreprises d’ici.