Ce qu’il faut savoir sur les avions F-35 à 19 milliards $ que souhaite acheter Justin Trudeau

Ottawa misera finalement sur les avions F-35 de Lockheed Martin pour remplacer ses vieux avions de chasse, qui sont en état de décrépitude. Mais avons-nous réellement besoin de nouveaux avions de chasse dont la facture devrait s’élever à 19 milliards de dollars?
Rémi Landry, lieutenant-colonel des Forces canadiennes à la retraite et professeur associé à l’Université de Sherbrooke, répond à nos questions.
Avons-nous réellement besoin de nouveaux avions?
Pour Rémi Landry, cela ne fait aucun doute: le Canada a besoin de nouveaux avions de chasse. La flotte actuelle est en fin de vie et ne permet pas au Canada d’assumer pleinement ses responsabilités militaires, soutient-il.
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Alors que le Canada fait de nouveau l’objet de pressions de ses alliés de l’OTAN pour augmenter ses dépenses militaires, ce contrat prévoit l’achat de 88 avions de chasse furtifs F-35. Des négociations s’amorceront dans les prochains jours en vue de boucler ce qui pourrait être le contrat le plus important des 30 dernières années pour l’Aviation royale canadienne.
«Ces avions, on aurait dû les acheter depuis longtemps. On ne peut pas éternellement moderniser les nôtres. Il y a un temps où la carlingue et l’équipement à bord ne le permettent plus. C’est comme essayer de mettre la mise à jour la plus récente sur un cellulaire qui date de plusieurs années. La technologie n’est pas compatible et ça met à mal la capacité opérationnelle des forces armées. Ça peut même être dangereux, parce que la technologie évolue très vite dans le domaine de l’armement», explique M. Landry.
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En plus d’être désuets, les anciens CF-18 coûtent extrêmement cher, insiste l'ancien militaire. «En 2018, en raison des coûts d’entretien et autres, opérer un de ces avions revenait à 60 000$ de l’heure.»
À titre comparatif, utiliser les F-35 qui volent actuellement ailleurs dans le monde coûte 35 000$ l'heure, et l’objectif est de réduire ces frais à 25 000$ l’heure en 2025.
Dénonçant la politisation du dossier, M. Landry rappelle que le renouvellement de la flotte d’avions canadienne fait l’objet de discussions depuis 1997.
Quelles sont ses forces et ses faiblesses?
Les F-35 sont des avions de cinquième génération, les plus modernes. Ils sont «un peu comme un nouveau cellulaire qui vient avec plein de fonctionnalités et qui intègre toute la plus récente technologie», lance M. Landry.
Le principal avantage du F-35: sa capacité à déjouer les systèmes de défense adverses.
«C’est un appareil qui offre des caractéristiques furtives qui sont incomparables. L’armement et les réservoirs d’essence sont inclus dans la carlingue de l’avion. La forme de l’avion permet une disposition stratégique de l’équipement électronique qui le rend difficilement détectable par les radars. Ça lui permet de contourner certains sites protégés et de se rapprocher de sa cible pour mieux l’atteindre», explique Rémi Landry.
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Son plus grand point faible: son rayon d’action, c’est-à-dire le point le plus éloigné que l’avion peut atteindre pour faire un aller-retour sans faire le plein. Il est de 1100 kilomètres, ce qui pourrait constituer un défi dans un pays aussi grand que le Canada.
M. Landry précise toutefois que le F-35 a la capacité de faire le plein en vol, ce qui réglerait le problème.
Pourquoi avoir choisi ces avions précisément?
Dans le processus de renouvellement de sa flotte, le Canada a aussi considéré l’achat d’avions de la compagnie suédoise SAAB, qui auraient coûté moins cher que les F-35 américains. Mais le choix des F-35, construits par un allié proche, était le plus logique, croit M. Landry.
«Le Canada n’est pas capable d’assurer sa défense tout seul. Il fait donc partie d’alliances comme celle de l’OTAN ou encore la NORAD. Ces alliances demandent à leurs membres d’être capables de respecter certaines capacités militaires. Il faut avoir de l’équipement qui peut facilement fonctionner et communiquer avec [celui] des autres membres pour être capable de mener des missions conjointes», explique-t-il.
Autre point positif: ces avions pourraient être mis à jour «pour les 30 à 40 prochaines années», estime M. Landry.
Dans quels contextes seront-ils utilisés?
Le Canada pourrait notamment s’en servir au cours des prochaines années dans le Grand Nord canadien, où, avec les États-Unis, il entend protéger sa souveraineté.
«Quand on parle de la défense du Grand Nord, on fait surtout référence à la capacité de dissuasion du Canada face à des pays qui ont des ambitions dans la même zone, comme la Russie, par exemple. Il ne s’agit pas d’entrer en guerre avec elle, mais de dire: “Nous vous avons à l’œil et nous avons la capacité de réagir. Si vous franchissez certaines limites, il y a des chasseurs prêts à intervenir”», explique-t-il.
Le même principe s’applique aux missions de l’OTAN auxquelles le Canada participe. Dans le cas de l’Ukraine, par exemple, certains pays de l’alliance ont positionné des troupes près des frontières ukrainiennes et russes pour rappeler à la Russie qu’elle ne peut pas tout faire et que l’OTAN est prête à intervenir.
«Comme le dit le vieil adage: on fait la paix en préparant la guerre», conclut M. Landry.
Un avion à la fine pointe
- Vitesse maximale: Mach 1,6 (1930 km/h ou 550 m/s)
- Peut transporter 18 000 livres d’équipement
- Peut transporter des bombes et des missiles dans des soutes internes pour déjouer les radars
- Casque muni de vision artificielle, qui permet au pilote de voir à travers l’avion lorsqu’il regarde à l’extérieur.
- Autres pays qui en possèdent: États-Unis, Royaume-Uni, Norvège, Australie, Pays-Bas, Israël, Japon, Corée du Sud