Intoxiqués à la drogue du viol dans des partys organisés par des étudiants de l’UQAM

Plusieurs étudiants auraient récemment été intoxiqués sans le savoir à la drogue du viol dans des fêtes organisées par des associations étudiantes de l’UQAM.
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Félix* n’a plus aucun de souvenir de sa soirée du 31 mars dernier.
Avec cinq amis, il s’est rendu à un party organisé par l’Association des étudiants des modules d'administration (AEMA) de l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’UQAM. Félix affirme qu’il avait pris deux consommations alcoolisées avant d’arriver sur place, entre 20h et 21h, tout comme ses amis.
Le lendemain, constatant qu’aucun de ses amis n’a de souvenirs de la fête, Félix décide d’aller passer à l’hôpital un test sanguin, qui lui confirme qu’il a bel et bien été drogué. Même si ce test ne peut confirmer qu’il s’agissait de GHB, l’étudiant pourrait bel et bien avoir été intoxiqué à la drogue du viol, selon la coordinatrice du service d’analyse de substances (SAS) du GRIP, Roxanne Hallal. Le GRIP est un organisme pour la réduction des méfaits en milieu festif.
«Consommer du GHB, c’est similaire à prendre beaucoup d’alcool», indique-t-elle. Tout dépendant de la quantité ingérée, une personne qui a consommé du GHB peut demeurer consciente et ressentir du plaisir et de l’euphorie, ou encore perdre la carte et oublier toute une soirée.
Thomas*, un autre étudiant de l’UQAM, affirme lui aussi avoir été intoxiqué lors du même party organisé par l'association étudiante. L’événement, baptisé Les invasions barbares, s’est tenu au Livart, rue Saint-Denis. Les participants devaient se procurer un billet, au prix maximum de 20$, et avaient accès à de l’alcool à volonté pendant toute la soirée.
«J’ai pris deux verres, mais c’est comme si j’avais pris huit shots d’affilée», raconte le jeune homme qui soutient n'avoir aucun souvenir de ce qui s'est passé après 22h30.
L’étudiant a repris conscience vers 4h, le lendemain, devant les gyrophares de la police, alors qu’il tentait d’entrer par effraction dans une maison qu’il croyait être la sienne.
Après avoir parlé à plusieurs personnes présentes, Félix estime que 15 à 20 d'entre elles auraient pu avoir été droguées lors de la soirée.
- Écoutez l'entrevue de Charlotte (nom fictif) au micro de Geneviève Pettersen sur QUB Radio:
Que s’est-il passé?
Un mois plus tard, les deux étudiants ne comprennent toujours pas comment ils ont pu être intoxiqués à leur insu. «Je me réjouis que ça soit arrivé à un groupe de gars, plutôt qu’un groupe de filles», mentionne néanmoins Félix.
Pour rendre la soirée plus écoresponsable, l’AEMA avait décidé de fournir un verre réutilisable à chaque participant. Ce verre devait être conservé pendant toute la soirée et il ne pouvait être apporté dans les toilettes.
Dans un échange de courriels avec le 24 heures, l’AEMA affirme que de la drogue pourrait avoir été ajoutée lorsque des participants étaient aux toilettes, sans leur verre. Félix dit pourtant se souvenir d'avoir gardé le sien dans ses mains en tout temps, sauf pour aller à la salle de bain.
«Les gens au bar qui remettaient l’alcool étaient des gens de notre exécutif, ainsi que des membres de notre association en qui nous avons une grande confiance», assure l’AEMA. Trois agents de sécurité étaient aussi sur les lieux, ajoute l’association étudiante.
Félix est lui aussi d'avis qu'il serait «difficile de croire» qu’un membre de l’association étudiante ait pu intoxiquer des participants, même si ce sont eux qui avaient accès aux verres. Le lendemain de l’événement, d’ailleurs, il a contacté l’AEMA pour lui faire part de la situation.
L’AEMA nous a dit que des «mesures plus strictes» seraient prises lors des prochains partys, pour éviter les cas d’intoxication non voulus.
Un autre party de l’UQAM
Des cas d'intoxication involontaire au GHB seraient également survenus dans un party organisé par l’Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation (ADEESE) de l’UQAM, le 21 avril dernier.
Sur la page Facebook de l’événement, le comité organisateur explique que plusieurs personnes auraient été intoxiquées au GHB lors d’une fête intitulée Party à 1$ - Le retour.
Par écrit, l’ADEESE nous a assuré qu'elle prenait la situation «au sérieux».
L’UQAM déplore pour sa part ces événements survenus «à l’extérieur de son campus». La responsable des communications de l'université, Jenny Desrochers, soutient que l’UQAM en a pris connaissance sur les réseaux sociaux et qu'elle n'avait pas été directement mise au courant de cette situation.
Mme Desrochers «invite les personnes touchées à informer dans les meilleurs délais le Service de prévention et de la sécurité, et, si elles en ressentent le besoin, à consulter les services de soutien psychologique offerts par l’UQAM».
«Lorsque les activités ont lieu sur le campus, la consommation d’alcool est encadrée par l’université», ajoute-t-elle.
Que faire si ça vous arrive?
Si vous êtes dans un party et que vous pensez que quelqu’un a pu mettre de la drogue dans votre verre, il faut en parler à une personne de confiance, insiste Roxanne Hallal, du GRIP. Ensuite, il vaut mieux vous réfugier dans un endroit sécuritaire où vous pourrez dormir et rester jusqu’à ce que vous vous sentiez mieux.
Si votre état se détériore, il faut vous rendre à l’hôpital avec une personne de confiance. Vous pourrez y faire une prise de sang pour confirmer la présence de drogue dans votre sang.
Si vous le souhaitez (et si c’est possible), vous pouvez apporter un échantillon du contenu de votre verre à un organisme comme le GRIP, pour vérifier si de la drogue s'y trouve.
Si vous soupçonnez avoir été victime ou témoin d'une intoxication au GHB, contactez immédiatement le 911, recommande le Service de police de la Ville de Montréal, et ce, «que vous connaissiez ou non la personne qui en serait responsable». Si l'intoxication n'est pas récente, vous pouvez déposer une plainte en vous rendant à votre poste de quartier.
Comment éviter d'être intoxiqué à son insu?
«Le problème, ce sont les personnes qui vont intoxiquer les gens à leur insu», insiste Roxanne Hallal. Le meilleur moyen de prévenir ces situations serait donc que les gens cessent d’intoxiquer d’autres individus contre leur gré, dit-elle.
Voici quand même quelques trucs qui peuvent minimiser les risques:
- Ne pas laisser sa consommation sur une table ou sans surveillance;
- Ne pas accepter de consommation d’un étranger ou d’une personne qui n’est pas de confiance;
- Ne pas accepter une consommation – comme une bouteille de bière – qui a déjà été ouverte ou décapsulée.
* Les deux étudiants ont préféré garder l'anonymat