Le projet de loi 96 ne passe pas dans les cégeps anglophones | 24 heures
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Le projet de loi 96 ne passe pas dans les cégeps anglophones

Des étudiants du Collège Dawson veulent que le gouvernement de François Legault recule

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24 heures/Élise Lacombe

Plus d’une centaine d’étudiants et de professeurs ont uni leur voix contre le projet de loi 96 sur la langue française, jeudi midi, au Collège Dawson, à Montréal. Ils en ont contre des changements qui affecteraient les étudiants des établissements anglophones de la province: l’obligation pour les anglophones de compléter trois cours de français et pour les allophones de réussir l’épreuve uniforme dans cette langue.

Car si le gouvernement de François Legault a reculé sur l’obligation pour tous les étudiants des cégeps anglophones à suivre trois cours en français (plutôt que trois cours de français) pour obtenir leur diplôme, le projet de loi 96 suscite encore de la grogne. 

24 heures/Élise Lacombe 

Un vote à l’Assemblée nationale sur ce projet de loi pourrait arriver aussi tôt que la semaine prochaine. Des rassemblements étaient donc organisés simultanément au Collège Dawson et dans les quatre autres cégeps publics de langue anglaise de la province. 

24 heures/Élise Lacombe 

À Dawson, le 24 heures s’est entretenu avec trois personnes pour mieux comprendre d’où vient leur grogne.

Yves-Jusslin Maniratanga, étudiant en commerce

Yves-Jusslin Maniratanga, étudiant en commerce

24 heures/Élise Lacombe 

Yves-Jusslin Maniratanga, étudiant en commerce

«Cette mobilisation, c’est vraiment pour essayer de faire comprendre aux députés le sentiment des élèves [des cégeps anglophones]», indique Yves-Jusslin Maniratanga, vice-président aux finances du Dawson Student Union, qui organisait le rassemblement de jeudi.

«On veut mettre de la pression [parce qu’]on pense vraiment que ce projet de loi va décider du futur de beaucoup de gens, ici», ajoute-t-il. 

Il craint en effet que les cours de français et l’épreuve uniforme vont décourager certains élèves allophones qui, comme lui, croient que l’anglais sera un atout essentiel une fois sur le marché du travail. 

24 heures/Élise Lacombe 

Yves-Jusslin s’estime chanceux de parler le français, qu’il a appris assez jeune lorsqu’il habitait encore au Burundi. Sa langue maternelle est le kirundi, l’anglais est donc sa troisième langue. «Si je veux aller dans le domaine des affaires plus tard, c’est toujours mieux de maîtriser l’anglais aussi», indique celui qui compte sur ses études dans un établissement anglophone pour parfaire sa troisième langue. 

Le projet de loi 96, si adopté, n’aura pas vraiment d’impact sur son propre cheminement, mais il dit s’impliquer dans la contestation pour celles et ceux qui sont présentement à l’école secondaire et qui ont un profil similaire au sien.

Dónal Gill, professeur de science politique

Dónal Gill, professeur de science politique

24 heures/Élise Lacombe 

Dónal Gill, professeur de science politique

Pour ce professeur, le rassemblement de jeudi était une occasion de montrer sa solidarité envers les étudiants qui perdraient leur liberté de choix pédagogique si le projet de loi 96 est adopté.

Pour les allophones et les francophones étudiant à Dawson, «ça va devenir vraiment mélangeant et difficile de compléter leur programme en anglais, tout en devant suivre des cours de littérature française et en étudiant en vue d’une épreuve uniforme en français», soutient celui qui est aussi représentant des sciences sociales au sein du Dawson Teachers’ Union.

24 heures/Élise Lacombe 

«Pédagogiquement parlant, ce n’est pas cohérent, laisse-t-il tomber. C’est une manière bâclée de procéder [...] qui ne servira pas l’objectif de promouvoir le français au Québec, et qui est plutôt une attaque symbolique [dirigée vers l’éducation supérieure en anglais]», affirme Dónal Gill.

Le professeur admet qu’il est important de protéger le français, et il ajoute du même souffle que des inégalités existent entre les cégeps. Les cégeps anglais ont «des ressources additionnelles que les établissements francophones n’ont pas», ce qui attire des étudiants non anglophones vers leurs programmes. Le gouvernement caquiste devrait donc se concentrer sur ces inégalités et mieux financer les écoles francophones, croit-il.

Melika Sharifi, étudiante en sciences sociales (profil études de l’enfance)

Melika Sharifi, étudiante en sciences sociales (études de l’enfance)

24 heures/Élise Lacombe 

Melika Sharifi, étudiante en sciences sociales (études de l’enfance)

Arrivée au pays à 10 ans, cette étudiante irano-japonaise a appris le français et l’anglais au primaire et au secondaire. Maintenant rendue au cégep, elle souhaite pouvoir choisir de prioriser l’anglais, ce qui deviendra difficile si le projet 96 devient loi.

Comme Yves-Jusslin Maniratanga, elle mentionne que sa bonne maîtrise de l’anglais pourrait l’aider à travailler ailleurs dans le monde.

C’est aussi la charge de travail associée à l’ajout de cours de français et d’une épreuve uniforme qui l’inquiète. «En plus de mes études, je dois travailler et donner un coup de main à ma mère. Je manque déjà de temps. [Alors] si je dois ajouter des cours de français, je vais devoir annuler d’autres cours pour compenser.»

24 heures/Élise Lacombe 

«Oui, l’apprentissage du français, c’est important. Mais il ne faut pas forcer les gens, croit Melika. Quand tu forces quelqu’un, peu importe que ce soit à apprendre le français ou à n’importe quoi d’autre, ça ne lui tentera pas.»

Elle a aussi une pensée pour les élèves autochtones qui fréquentent le cégep. «On a déjà volé leur territoire et on les a forcés à parler une autre langue que la leur. [Leur imposer le français], c’est comme une nouvelle colonisation.»

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