«Du jamais-vu» : Un propriétaire sur quatre aurait affaire à une cession de bail, une situation «très grave» selon la CORPIQ | 24 heures
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«Du jamais-vu» : Un propriétaire sur quatre aurait affaire à une cession de bail, une situation «très grave» selon la CORPIQ

Image principale de l'article Un proprio sur 4 devant une cession de bail
Photomontage: Karine Leblanc

Le phénomène des cessions de bail serait devenu extrêmement populaire dans la dernière année, selon un sondage interne réalisé par la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ). Un propriétaire sur quatre serait maintenant aux prises avec une cession de bail : une catastrophe annoncée pour les proprios... et une bonne nouvelle pour les associations de locataires. 

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Le plus récent sondage de la CORPIQ – qui est rendu public aujourd’hui - révèle qu’un propriétaire sur 4 (25%) aurait eu affaire à une cession de bail cette année au Québec, un chiffre nettement supérieur à ce qui avait été observé au printemps 2021, où on notait une proportion de 10%. 

«Cette année, par des publicités répétées sur les médias sociaux par des groupes d’activistes, il s’est créé un marché parallèle florissant de cessions de bail, déplore le directeur général de la CORPIQ, Benoit Ste-Marie, dans un communiqué qui sera envoyé aux médias jeudi. Ces mêmes activistes envahissent les sites de location, remplissent de commentaires désobligeants des annonces de logements qui pourtant représentent d’excellents rapports qualités/prix.» 

Benoit Ste-Marie, Directeur général de la CORPIQ (Corporation des propriétaires immobiliers du Québec) PHOTO : COURTOISIE

Le Journal de Québec

Benoit Ste-Marie, Directeur général de la CORPIQ (Corporation des propriétaires immobiliers du Québec) PHOTO : COURTOISIE

 

Qu’est-ce qu’une cession de bail?  

Au Québec, lorsqu’un locataire désire quitter son logement et se libérer de ses obligations en plein cours de bail, il a l’option de sous-louer son logement ou de céder son bail. Dans le cas de la seconde option, il doit aviser par écrit le locateur de son intention de quitter en incluant les coordonnées du nouveau locataire et le propriétaire ne peut refuser la cession à moins d’un motif «sérieux», comme de mauvais antécédents à titre de locataire ou une cote de crédit insuffisante. 

Selon le coup de sonde réalisé à la mi-avril auprès de 1400 propriétaires, 10% des transferts de baux se sont faits sans l’accord préalable du propriétaire, un geste illégal aux yeux du Tribunal administratif du logement (TAL).  

Dans une grande majorité des cas, le propriétaire aurait offert au locataire de le libérer de ses obligations pour qu’il puisse remettre le logement en location, une proposition refusée dans près de 20% des cas.  

«Si le bail est cédé, le propriétaire n’a ni le temps et ni la possibilité financière de rénover, car toutes les conditions du bail sont bloquées», dénonce Benoit Ste-Marie, qui assure que l’impossibilité de rénover en fin de bail «pave la voie à des rénovictions». 

La cession de bail entraînerait, à terme, des conséquences importantes sur le marché locatif comme des problèmes de salubrité, la dévaluation de la valeur réelle des logements et la «destruction» de l’offre locative, estime-t-il. 

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«Ça donne froid dans le dos»  

«C’est des résultats qui surprennent parce qu’ils montrent l’ampleur du phénomène et ça fait froid dans le dos, lance d’emblée Benoit Ste-Marie en entrevue avec le 24 heures. Plutôt que d’apprécier le fait que des propriétaires ont maintenu des bas loyers, des groupes d’activistes encouragent les gens à céder leur bail dans le but d’empêcher les propriétaires de remettre le logement au prix du marché.» 

Pour le directeur de la CORPIQ, l’intention première du législateur lorsqu’il a rédigé l’article 1871 du code civil sur la cession de bail était de «responsabiliser le locataire face à ses obligations du bail, afin de protéger le propriétaire en cas de départ en cours de bail.» Ce principe serait aujourd’hui bafoué au moment où des locataires «prennent le contrôle de la location du logement», une «activité propre au locateur.» 

La solution, pour l’association de propriétaires, passe inévitablement par la modification de l’article 1871 en ajoutant la possibilité qu’un locateur puisse libérer le locataire de ses obligations en résiliant son bail si celui-ci quitte son logement en cours de bail. 

«C’est tout à fait essentiel que le propriétaire soit en mesure de remettre ses logements au prix du marché pour leur permettre de garder une rentabilité. Sans quoi, ils seront contraints de vendre, plaide Benoit Ste-Marie. La qualité des logements et l’offre dans le marché locatif sont fondamentaux et la cession de bail, comme elle s’applique actuellement, va à l’encontre de ça.» 

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Une bonne nouvelle pour les associations de locataires  

Si la popularité grandissante des cessions de bail est problématique aux yeux des propriétaires, elle constitue une bonne nouvelle pour les groupes de défense des droits des locataires. 

«Dans le contexte actuel, on encourage les locataires à faire une cession de bail parce que c’est lors du passage d’un locataire à un autre que les hausses de loyer sont les plus importantes. C’est l’un des derniers mécanismes auxquels ils ont droit pour avoir un certain contrôle sur le coût des loyers», indique le porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), Cédric Dussault.  

Au Québec, plusieurs groupes Facebook comme «J’te cède mon bail» (21 000 membres) ou bien «Cession de bail et sous-location Montréal» (37 000 membres) ont été créés pour faciliter les échanges entre locataires désireux de trouver une personne pour reprendre leur bail. 

En 2021, le RCLALQ y était allé d’une campagne faisant la promotion de la cession de bail pour éviter que des locataires subissent des «hausses abusives» au moment de signer un bail.  

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Les travaux majeurs, un «faux prétexte»  

Le principe selon lequel une cession de bail empêche un locateur d’effectuer des travaux nécessaires au maintien du logement est un «faux prétexte» pour Cédric Dussault. 

Selon le porte-parole du RCLALQ, rien n’empêche le locateur d’effectuer des travaux de maintenance en présence du locataire. Dans le cas de rénovations dites majeures, le locataire peut être dédommagé et relocalisé en attendant. Si ces travaux apportent des améliorations locatives notables, le propriétaire sera alors en mesure d’augmenter le loyer en s’appuyant sur la grille de calcul du TAL. 

«Si les propriétaires ne sont pas en mesure d’assumer les coûts d’entretien normaux de leur bâtiment, j’ai envie de dire que ce n’est peut-être pas un bon investissement pour eux», affirme Cédric Dussault. 

Depuis le 21 juillet 2021, le locateur est désormais tenu, lors de la signature du bail, d'informer le locataire du dernier loyer payé en remplissant la section «G» du bail. Si le loyer demandé est supérieur au montant indiqué, le locataire peut demander une fixation de loyer au TAL. 

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