Droguée à son insu, Ariane Brunet dénonce l’absence de ressources dans les hôpitaux

Les personnes qui soupçonnent s’être fait droguer à leur insu se trouvent, plus souvent qu’autrement, dans un cul-de-sac lorsqu’elles tentent d’obtenir un peu de réponses sur ce qui leur est arrivé.
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Ariane Brunet s’est réveillée vers 4h30 du matin aux urgences, dans la nuit de vendredi à samedi. Elle n’avait presque aucun souvenir des dernières heures qu’elle avait passées, puisqu’elle croit s’être fait glisser du GHB dans son verre lors d’un spectacle auquel elle assistait avec des amis, révèle l'artiste dans une publication Instagram.
Après avoir insisté pour passer un test afin de savoir si ce qui lui avait fait faire plusieurs black out durant la soirée était bien la drogue du viol, les médecins lui refusent sous prétexte que l’hôpital où elle se trouvait – comme la plupart des centres hospitaliers montréalais, d’ailleurs – ne dispose pas des équipements nécessaires pour procéder à un tel dépistage.
Dans son témoignage, celle que l’on connaît aussi sous le nom de L’Isle déplore que le dépistage du GHB ou d’autres drogues ne soit pas offert de facto lorsqu’une personne se retrouve aux urgences dans le même état qu’elle.
«J’aurais aimé avoir la confirmation [que c’était du GHB]. Ça m’aurait aidé à passer les prochaines heures. On m’a dit qu’on croit fortement que c’était ça. Quelles sont les conséquences d’avoir été intoxiquée à cette drogue-là? On m’a dit qu’il n’y en avait pas, mais quelques jours plus tard, je suis encore engourdie», explique-t-elle en entrevue au 24 heures, soulignant également qu’on ne l’a référé à aucune ressource d’aide.
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Lorsque l’on croit avoir été drogué à son insu, la première étape est d’appeler la police, affirme la Dre Maude St-Onge, directrice du Centre antipoison du Québec. Les policiers pourront ainsi guider la personne vers les bonnes ressources, afin d’assurer que le protocole soit suivi à la lettre pour la production d’une preuve admissible à la cour dans l’éventualité du dépôt d’une plainte.
Faciliter le cheminement
Or, cette procédure, qu’elle sert ou non au dépôt potentiel d’une plainte, aiderait les victimes à traverser plus facilement cette épreuve, croit Marie-Christine Villeneuve, responsable des communications et des relations publiques du Réseau des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC).
«C’est complètement déroutant de ne pas savoir ce qu’on a fait dans les dernières heures, de ne pas savoir à quoi on a été exposé, explique-t-elle. C’est normal que l’on veuille aller chercher certaines réponses parce que quand on ne comprend pas ce qui s’est passé, ça peut exacerber le traumatisme.»
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Elle ajoute que l’idéal serait d’avoir un accès sans restriction aux trousses de détection comme le temps s’avère un enjeu important dans ces situations, puisque le GHB ne reste dans le sang qu’environ 6 heures et dans l’urine, entre 10 et 12.
«S’il faut pousser plus loin et entamer des démarches pour y avoir accès, ça peut compromettre l’accès aux réponses pour la personne victime», affirme Mme Villeneuve.
La responsabilité «sur les épaules des victimes»
Ariane Brunet se dit «vraiment triste» d’avoir à conseiller les personnes qui sortent dans les bars de redoubler de vigilance.
«Je trouve ça fatigant d’avoir à rappeler à des potentielles victimes de faire attention. On avait oublié pendant deux ans qu’il fallait faire attention, de suivre l’alcool de la bouteille à notre verre, de ne pas parler à notre ami durant ce temps-là, de tenir notre verre toute la soirée, de mettre sa main sur son verre. On ne peut pas faire confiance à personne», se désole-t-elle.
Elle affirme d’ailleurs qu’il est grand temps que les tenanciers de bar et les salles de spectacle prennent une plus grande part de responsabilité dans la prévention de ce type de crime, tout en reconnaissant que la pénurie de main-d’œuvre pose une difficulté supplémentaire.
Somme toute, Marie-Christine Villeneuve rappelle que c’est normal de vivre la situation difficilement et de se sentir impuissant face au fait de manquer quelques heures de sa vie.
«Il y a des sentiments qui peuvent en découler, comme la honte, mais il faut se rappeler que ce n’est pas la faute de la victime, c’est un événement traumatique. Il y a des services pour aider les personnes victimes», insiste Marie-Christine Villeneuve.
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Si vous avez été victime d’une infraction criminelle, que vous ayez porté plainte ou non, visitez le site internet du Réseau des CAVAC ou appelez au 1 866 532-2822.