Crise du logement: les régions affichent complet au 1er juillet | 24 heures
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Crise du logement: les régions affichent complet au 1er juillet

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Illustration: Benoit Tardif

La chaotique course au logement en vue du 1er juillet n’est plus un enjeu réservé aux grandes villes comme Montréal. C’est au tour des régions du Québec de goûter à la pénurie de logements et d’en subir les conséquences. Pourtant, la crise se profilait déjà depuis... 20 ans. Comment en sommes-nous arrivés là? 

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Granby, Drummondville, Rimouski, Îles-de-la-Madeleine, Rouyn-Noranda, Saint-Georges... Les appels à l’aide de ménages toujours sans logis pour le 1er juillet se multiplient depuis des semaines sur les réseaux sociaux dans ces régions, alors que les taux d’inoccupation se rapprochent du 0%.  

Les régions oubliées depuis des années  

La crise que l’on connait en région est pourtant annoncée depuis 20 ans, juge Louis Gaudreau, professeur au département de travail social de l’UQAM et spécialiste en matière de logement. 

«On parle d’une crise de l’investissement dans le marché de l'habitation. La masse d’argent qui a circulé via le système bancaire qui a été investi dans le marché de l’habitation a atteint des niveaux qu’on n’aurait jamais soupçonnés il y a 20 ans», croit le spécialiste.  

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Mais ces investissements importants pour stimuler les nouvelles constructions locatives ont été concentrées dans les centres urbains et dans les couronnes, peu en région.

D'où le manque de logements qu'on y observe aujourd'hui. Et en investissant fortement dans certains marchés, on aurait «désinvesti dans d’autres».  

«On a oublié en quelque sorte des régions entières et on se retrouve avec l’absence totale de logements disponibles et tout ça se répercute de différentes manières dans chacune des régions du Québec», indique Louis Gaudreau. 

Louis Gaudreau, professeur au département de travail social de l’UQAM et spécialiste en matière de logement.

Crédit : UQAM

Louis Gaudreau, professeur au département de travail social de l’UQAM et spécialiste en matière de logement.

Une crise d’abordabilité  

De plus,La pénurie de logements s’accompagne d’une crise d’abordabilité. Et contrairement à la croyance populaire, construire plus ne rime pas avec plus de logements abordables. 

Pour Louis Gaudreau, les investissements massifs dans la construction de produits résidentiels et locatifs ont nourri la spéculation, ajouté une très forte pression sur les prix et contribué à la raréfaction des logements abordables. 

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Cela se traduit notamment par le peu de projets de logements abordables développés à Montréal et le peu d’investissements immobiliers réalisés en région, les couronnes et les centres urbains étant plus rentables, poursuit l’expert. 

Les décideurs ont le réflexe de construire davantage quand on fait face à une pénurie, croyant qu’ajouter des logements viendra réduire la pression sur les prix et augmenter l’offre. Or, ces mesures à «court terme» n’auraient pas d’impact réel sur la courbe ascendante des prix du marché immobilier. 

«Les gens qui cherchent aujourd’hui un logement abordable ne sont pas mieux servis qu’il y a 20 ans, même si on a ajouté des logements dans le marché», conclut Louis Gaudreau. 

Julie Verville

Le plus faible taux d’inoccupation est à Granby  

Il n’y a pas que la pandémie et l’exode de populations urbaines vers les régions qui expliquent le manque criant de logements. À Granby, on parle d’une situation «multifacteurs» qui a mené à une crise jamais vue. 

«On fait face à notre première vraie crise du logement à Granby, admet la mairesse de la ville, Julie Bourdon. L’année dernière, le taux d’inoccupation dans la région était aussi très faible, mais cette année, il y a plus de détresse chez les citoyens et ils font plus appel à la ville pour tenter de se loger.» 

Pour expliquer la crise, la mairesse cite d’abord la migration de populations urbaines pendant la pandémie, mais aussi certains aînés qui auraient retardé leur déménagement en maison de retraite en raison de la crise sanitaire, préférant continuer à occuper leur maison. Une augmentation des séparations dans les couples, observée depuis 2020, aurait également poussé certaines personnes à devoir se loger seules.  

Et vient avec la pénurie de logements une hausse considérable des loyers. À Granby, où le taux d’inoccupation est le plus faible dans toute la province à 0,1%, les prix des loyers ont grimpé de 15% entre 2020 et 2021, révélait l’année dernière une étude du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ). 

Pour la mairesse Julie Bourdon, la pénurie est «venue accélérer la crise». Elle mise désormais sur deux projets de construction pour permettre la création de 118 logements abordables dans la prochaine année. 

Julie Bourdon, mairesse de la ville de Granby.

Photo Facebook

Julie Bourdon, mairesse de la ville de Granby.

Une période «pénible» à Rimouski  

La ville de Rimouski jongle avec la même problématique depuis maintenant un an, au moment où le taux d’inoccupation des logements se situe à 0,2%, le plus faible en 16 ans. 

Plusieurs facteurs expliquent en partie l’accélération de ce phénomène, comme l’exode de certains résidents des grands centres urbains vers Rimouski et l’augmentation des locations temporaires de type Airbnb sur le territoire. 

Le maire de la municipalité, qui qualifie la situation d’«assez pénible», a déployé encore cette année un service d’urgence pour venir en aide aux locataires en quête d’un logement au 1er juillet. La nouveauté cette année: les citoyens pris en charge devront débourser entre 50$ et 100$ par semaine pour utiliser le service d’hébergement d’urgence, la ville n’ayant pas les moyens d’en couvrir la totalité, aux dires du maire Guy Caron. 

«On a l’impression qu’on n’a pas nécessairement tout l’appui dont on aurait besoin de la part du gouvernement provincial par rapport au logement social et aux aides de dernier recours», déplore le maire.  

À son avis, une «situation comme une pénurie de logements où des gens ne savent pas trop s’ils vont se trouver quelque chose au moment de déménager» est un enjeu qui ne devrait pas uniquement reposer sur les épaules des municipalités. 

Et tout comme les régions aux prises avec une forte demande dans le marché locatif, les loyers gonflent et précarisent une clientèle déjà très fragile. 

«Le pouvoir est aux propriétaires présentement et comme peu de logements sont disponibles, ça laisse la porte ouverte à la surenchère», ajoute Guy Caron. 

Guy Caron, maire de la ville de Rimouski.

Photo courtoisie

Guy Caron, maire de la ville de Rimouski.

Des jeunes renoncent à la région  

Pour l’organisme Place aux jeunes en région, qui accompagne les jeunes de 18 à 35 dans leur établissement en région, le défi du logement en territoires plus éloignés cache une bonne nouvelle : un attrait marqué pour ces villes et villages.

«L’un des arguments qu’on pouvait utiliser pour attirer les jeunes en région c’était l’accès aux logements en région et c’est moins le cas en ce moment, admet le directeur des opérations de l’organisme, Stéphane Lesourd. Certains territoires ne voient même plus l’intérêt à attirer des jeunes parce qu’ils ont de la misère à les loger.» 

Seulement en 2021, 150 personnes prêtes à déménager en région ont abandonné leur projet parce faute de logements disponibles, avait révélé l’organisme dans une lettre ouverte en février dernier. 

«150, c’est énorme, parce qu’on aide en moyenne 1500 jeunes de 18 à 35 ans par année. On a perdu 10% de notre clientèle cible en raison de la pénurie de logements», renchérit Stéphane Lesourd. 

Pour répondre au défi du logement, Place aux jeunes en région s’est mobilisé en collaboration avec la Fédération québécoise des municipalités pour exiger du gouvernement provincial des «mesures fiscales et des subventions aux propriétaires et aux promoteurs pour diversifier l’offre locative et amenuiser les surcoûts de construction en région». 

Pour Stéphane Lesourd, les mouvances des jeunes en région – qui ont commencé à être observées avant même la pandémie – sont liées aux nouvelles préoccupations des jeunes dont l’accès à la nature et à un meilleur pouvoir d’achat. Plus récemment, le télétravail s’est ajouté au lot d’arguments. 

«La pénurie de places en garderie est aussi très problématique. Une jeune famille qui ne trouve ni logement ni garderie, elle ne fera pas le move en région», ajoute-t-il.  

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