«Voici comment je fais 10 000$ par mois»: méfiez-vous des jeunes qui prétendent s’enrichir avec le dropshipping

«Gagnez 10 000$ par mois en étant votre propre patron.» Si l’on en croit ces slogans accrocheurs qu’on voit passer sur les réseaux sociaux, le dropshipping est le nouveau secret pour faire de l’argent rapidement et facilement. En réalité, le marché du dropshipping est de plus en plus saturé et la pratique, elle, est de plus en plus impopulaire chez les consommateurs. Cela n’empêche pas de nombreux créateurs de contenu de vendre du rêve aux néophytes.
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Si vous avez fait des achats en ligne récemment, vous avez peut-être acheté d’un dropshipper. Il y a de fortes chances que le petit gadget pour nettoyer votre micro-ondes que vous avez vu passer sur Facebook vous a coûté beaucoup plus cher que son prix réel.
Sur papier, le dropshipping permet de jouer l’intermédiaire entre un fournisseur et une clientèle avec un investissement minimal. Le dropshipper identifie un produit au coût très réduit, souvent sur des sites comme Wish ou Aliexpress, afin de le vendre sur sa propre plateforme à un prix plus élevé. Lorsqu’il reçoit, l’intermédiaire n’a qu’à le commander à son fournisseur qui l’envoie directement au client.
Les marges de profits sont hautes, car les produits coûtent peu cher et le dropshipper n’a pas besoin de gérer l’entreposage, l’inventaire ou la livraison de ses produits. Cela représente des affaires en or alors qu’au Québec les achats en ligne ont bondi de 30 % entre 2019 et 2021 selon une enquête de l’Académie de la transformation numérique (ATN)? Encore faut-il être capable de vendre son produit.
De l’argent pas si facile que ça
Lorsqu’on dit que le dropshipping demande un investissement minimal, ce n’est pas tout à fait vrai. L’investissement ne se fait pas au niveau de l’approvisionnement, mais bien dans la promotion. Le dropshipper doit faire connaître son produit à des clients et, surtout, s’assurer que ces clients se le procurent sur sa plateforme. Pour cela, il faut acheter de la publicité ciblée sur les réseaux sociaux. Les sommes demandées pour la promotion constante du produit peuvent alors facilement dépasser les profits engendrés par ses ventes.
Si l’intermédiaire se contente de vendre un produit déjà populaire, il entre en compétition avec de nombreux autres dropshippers qui ont eu la même idée. C’est là que des connaissances en marketing numérique s’avèrent utiles pour pour identifier une clientèle-cible et proposer un produit qui répond aux besoins de cette dite clientèle.
«C’est très compétitif parce qu’il n’y a pas de barrière à l’entrée, il faut donc appliquer le prix le plus bas auquel on peut le trouver sur internet», remarque Sylvain Amoros, professeur associé au département de marketing de HEC Montréal.
Plus le phénomène du dropshipping est connu du public, moins il semble avoir la cote. Devant une publicité ciblée sur son fil Instagram, un consommateur averti aura plutôt le réflexe de chercher le produit à la source plutôt que de passer par le site d’un dropshipper où il le paiera beaucoup plus cher. De plus, les consommateurs peuvent ne pas être à l’aise avec les longs délais de livraison et les conséquences éthiques d’acheter des produits souvent fabriqués très loin en Asie dans des conditions inconnues.
Et devant des déceptions, les dropshippers risquent de faire face à un casse-tête de gestion. «Comme on ne contrôle pas le produit, on perd le contrôle qualité, c’est difficile de gérer les rétroactions négatives des consommateurs», souligne Sylvain Amoros, qui siège également sur la Chaire de commerce électronique RBC.
Ce n’est pas banal quand on sait que 25 à 30 % des ventes en ligne se soldent par un retour, ajoute-t-il.
En plus, l’inventaire n’est jamais garanti : le produit pourrait ne plus être disponible chez le grossiste au moment de passer la commande.
L’illusion du succès
Pourquoi voit-on tant d’histoires de succès grâce au dropshipping ? Dans de nombreux cas, c’est la recette de ce succès qu’on essaie de vendre et non ses produits.
Lorsqu’on se lance dans une recherche sur le sujet, on est aussitôt bombardé d’offres de cours, de conférences et de formations. Ces experts font souvent miroiter que le dropshipping leur a permis d’abandonner le 9 à 5 et de travailler partout dans le monde dans des décors paradisiaques. Tout ce qu’un dropshipper débutant aurait à faire pour atteindre leur mode de vie luxueux, c’est de suivre une de leur formation ou de s’abonner à leur blogue.
Dans les faits, il est difficile d’avoir accès aux réels profits que ces experts en dropshipping disent engranger. Il est aussi difficile de savoir quelle proportion des leurs revenus provient de la vente en ligne et laquelle, de la vente de conseil d’affaires. Il faut donc s’armer d’autant de prudence devant ce genre de témoignages que lorsqu’on fait des achats en ligne.
«Oui c’est un modèle d’affaire qui est d’une simplicité absolue, mais comme il y a énormément de compétition, il y a des gens qui vendent du rêve là-dessus», résume Sylvain Amoros.
− Avec Camille Dauphinais-Pelletier