Hantés par leur dossier de crédit: des locataires incapables de trouver un logement

Hantés par leur passé financier, des locataires en quête d’un logement déplorent être systématiquement mis de côté lors du processus de sélection à cause de taches à leur dossier de crédit, même s’ils ont aujourd’hui la capacité de payer et veulent seulement recommencer leur vie à zéro. Voici leur témoignage.
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Kathy Constantineau, de Sainte-Agathe-des-Monts, devra quitter son logement à la fin du mois de septembre prochain avec son conjoint et ses deux filles en raison d’une reprise de logement par le propriétaire.
À bout de ressources, la famille envisage de s’acheter une roulotte et d’y passer l’hiver. Pourquoi? Même si Kathy Constantineau est la recherche d’un appartement pour sa famille depuis plusieurs mois, sa «faible» cote de crédit de 490 sur 900 s’avère un véritable obstacle.
«S’ils font une enquête de crédit, c’est clair que [ma candidature sera] refusée», estime-t-elle.
Son mauvais dossier de crédit date d’il y a cinq ans, relate-t-elle, alors qu’elle a fait une chute de six étages dans les escaliers, lui causant une double fracture à la mâchoire. Même si elle a reçu un congé de maladie de 4 mois, elle n’a pu retourner au travail avant 10 mois. En manque d’argent, sa voiture avait été saisie.
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La mère de famille assure pourtant avoir la capacité de payer: le ménage gagne 63 000$ par année – elle travaille depuis 16 ans à la Société des alcools du Québec – et n’a jamais manqué un paiement de loyer en 6 ans, soit depuis la location de leur maison.
Vivre dans une roulotte... en attendant
Frédérick Dubé, de Rouyn-Noranda, est de son côté préoccupé pour son avenir et celui de ses trois filles en garde partagée: il est contraint à vivre dans une roulotte après avoir été évincé de son appartement en mars dernier pour non-paiement de loyer.
Malgré son passé de mauvais payeur, il souligne qu’il doit bien «vivre quelque part» et ne réussit tout simplement pas à trouver un 4 1⁄2 correspondant à son budget (700$) avec sa cote de crédit «dans le rouge».
«C’est ben dur de trouver un loyer quand tu n’as pas un bon crédit... On n’a pas tous un crédit parfait», ajoute le père de famille, qui souhaite repartir à neuf.
Le mécanicien assure que sa cote de crédit était «bonne» avant avoir vécu des pépins dans sa vie. Au début de la pandémie, il a dû s’occuper de sa fille de deux ans à temps plein et l’accompagner à plusieurs rendez-vous, ce qui lui a valu d’être licencié à cause de ses trop nombreuses absences du travail. Sur l’assurance-emploi, il a accumulé les dettes et a dû faire faillite.
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Un motif «discriminatoire»
Avec des taux d’inoccupation sous la barre de 1% dans plusieurs régions de la province, les appartements vacants se font rares et les propriétaires peuvent se permettre de prioriser les locataires possédant un meilleur dossier, déplore le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).
Le porte-parole de l’organisme, Cédric Dussault, explique que le refus pour mauvais dossier de crédit – un motif qu’il qualifie de «discriminatoire» – touche un grand nombre de locataires pour leurs erreurs financières du passé.
Or, selon le Commissariat à la vie privée du Canada, un propriétaire est dans son droit d’évaluer la capacité financière d’un futur locataire, et la cote de crédit est l’un des outils qu’il autorise pour donner une idée de la capacité de payer au propriétaire.
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Or, M. Dussault juge que c’est, ni plus ni moins, «un moyen d’éliminer des candidats facilement» pendant cette crise du logement, alors que «le logement est un droit», et non un «bien de consommation».
M. Dussault rappelle qu’un mauvais dossier de crédit ne rime pas nécessairement avec mauvais payeur. «Un locataire pourrait, par exemple, avoir un très bon crédit et ne pas payer son loyer. Le paiement du loyer ne compte pas dans l’équation de la cote crédit», explique-t-il.
Le RCLALQ rappelle aussi qu’un propriétaire a des recours lorsqu’il fait affaire avec un mauvais payeur. Les dossiers pour non-paiement sont en effet traités en priorité par le Tribunal administratif du logement (TAL). Selon son dernier rapport annuel, la procédure d'expulsion pour ce motif s’étire en moyenne sur trois mois.