Maurice «Mom» Boucher mort à 69 ans
Maurice «Mom» Boucher est mort. L'ancien chef des Hells Angels a succombé à un cancer de la gorge, dimanche, au pénitencier Archambault à Sainte-Anne-des-Plaines.
• À lire aussi: Citant des menaces, l’humoriste Julien Lacroix annule son retour sur scène
Réputé comme étant l’un des pires criminels de l’histoire du Québec, Boucher avait été transféré le 10 juin dernier dans un lit de soins palliatifs de ce pénitencier, selon des informations obtenues par notre Bureau d'enquête.
C’est dans ce lit qu’il a eu 69 ans, le 21 juin.
Depuis sa condamnation à l'emprisonnement à perpétuité en 2002 pour avoir commandé les meurtres de deux agents correctionnels, le motard déchu avait été incarcéré dans un établissement voisin du Archambault, soit l'Unité spéciale de détention (USD), le seul pénitencier à sécurité «super-maximum» au Canada.
Malgré l'état très avancé de sa maladie qu’il combattait depuis sept ans, Boucher fut été escorté au Archambault par une escouade spéciale d’agents armés et chargés d'intervenir auprès de tout détenu à risque d'évasion, ce qui était la procédure habituelle dans son cas.
Son transfert s'est effectué dans le plus grand secret afin d'éviter tout débordement potentiel dans ce complexe carcéral où il jouissait toujours du respect de plusieurs détenus, d'après nos sources.
C’est aussi pour des raisons de sécurité qu’on l'avait admis au Archambault non pas sous son nom mais plutôt sous un numéro, soit le «détenu no. 11».
Aucune visite n’est permise dans l’aile médicale du pénitencier et la direction n’a pas fait d’exception pour son célèbre prisonnier.
Morphine
Amaigri, affaibli et souffrant, celui qui a déjà été considéré comme le motard criminel le plus puissant au pays s’était nourri uniquement de suppléments alimentaires liquides pendant plusieurs jours, en plus d'avoir constamment besoin de morphine pour calmer la douleur.
Les premières traces de sa maladie remontent à 1997, l’année où il a commandé les meurtres des agents correctionnels Diane Lavigne et Pierre Rondeau.
Le 18 décembre 1997, Boucher arrivait à l’hôpital Notre-Dame, à Montréal, afin d’y subir une intervention chirurgicale pour une tumeur à la gorge quand les policiers de l’escouade Carcajou l’ont mis en état d’arrestation pour ces meurtres prémédités.
Puis, à l'automne 2015, le détenu Boucher avait lui-même appris à sa fille, Alexandra Mongeau, lors d'une visite de celle-ci à l'USD, que son cancer de la gorge était «revenu».
«C'est pas grave», lui avait-il dit à ce moment.
Tous deux ignoraient cependant que la police les enregistrait à leur insu à cette époque, parce que Boucher était alors sous enquête pour un complot de meurtre visant le caïd mafieux Raynald Desjardins.
Notre Bureau d'enquête a eu accès à ces enregistrements policiers incriminants qui font notamment l'objet du livre Le Parloir, paru en octobre 2021.
Nombreuses victimes
En 1997, Boucher avait commandé les meurtres des deux agents correctionnels — choisis au hasard, uniquement parce qu’ils portaient l’uniforme — pour «déstabiliser le système judiciaire» durant la guerre des motards, en plus de vouloir dissuader ses tueurs de collaborer avec la justice advenant leur arrestation.
C’est ce qu’a témoigné celui qui a tiré sur l’agente Lavigne, Stéphane «Godasse» Gagné, au procès de Boucher, en aidant ainsi à faire condamner son ex-patron.
Gagné est quand même devenu délateur et bien qu’il ait écopé d’une peine à perpétuité pour meurtre, il bénéficie maintenant de permissions de sortie encadrées par les services correctionnels.
L'ex-chef des Hells est aussi considéré comme l'instigateur de cette guerre sanglante que le gang de motards a livrée aux Rock Machine et aux trafiquants indépendants pour s'accaparer le contrôle du marché québécois de la drogue.
Le conflit a fait 165 morts entre 1994 et 2002, incluant neuf victimes innocentes, selon une compilation de la Sûreté du Québec, dont Daniel Desrochers, 11 ans, tué par l'explosion de la Jeep d'un trafiquant dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve en août 1995.
De plus, 181 tentatives de meurtre ont été commises pendant cette guerre, faisant 20 autres victimes innocentes dont le journaliste Michel Auger, qui s'est fait tirer six balles dans le dos sur le stationnement du Journal de Montréal, le 13 septembre 2000.
«C'est Mom qui a passé la commande de faire tuer Michel (...) à cause de ce qu'il écrivait sur eux», a relaté au Journal le commandant à la retraite du SPVM André Bouchard, qui dirigeait l'équipe d'enquêteurs chargés d'élucider ce crime, dans un reportage paru en 2021.
Loi antigang et expulsion
C'est d'ailleurs à la suite du décès du jeune Desrochers que le gouvernement fédéral a fait adopter, en 1997, la première loi antigang au Canada. Cette loi en vertu de laquelle des Hells sont inculpés à chaque année a aussi été bonifiée par des dispositions additionnelles en 2002, en réponse à la tentative de meurtre sur Michel Auger.
Toutefois, c'est au printemps 2014 que Boucher a subi ce qu'il considérait comme l'affront ultime.
Le club de motards dont il faisait partie depuis 1987 et qu’il a dirigé pendant une décennie a décidé de l’expulser de ses rangs, à la suite d'un vote unanime pris en assemblée par l'ensemble des Hells Angels du Québec.
Leur ex-leader, dont les méthodes étaient parfois contestées au sein de la bande, faisait alors finalement partie «du passé», selon un membre des Hells cité dans des documents judiciaires obtenus par notre Bureau d’enquête.
Boucher ne l'a jamais digéré, allant même jusqu'à les traiter de «lâches» et de crier vengeance, lors d'une discussion avec sa fille que la police a épiée.