Que reproche-t-on (encore) à Uber? Ce qu'il faut savoir sur le scandale des «Uber Files» | 24 heures
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Que reproche-t-on (encore) à Uber? Ce qu'il faut savoir sur le scandale des «Uber Files»

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Depuis dimanche, Uber est plongé dans un nouveau scandale: les «Uber Files». Des informations tirées de documents internes de l'entreprise ont été publiées par des médias de partout dans le monde, levant le voile sur certaines de ses politiques et de ses pratiques parfois illégales et agressives. Mais de quoi est-il question? Qu’ont révélé les «Uber Files»? On vous explique.  

Le quotidien britannique The Guardian a obtenu puis partagé avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) plus de 124 000 documents datés de 2013 à 2017, comprenant près de 83 000 courriels et messages, ainsi que des présentations, des notes et des factures d’anciens dirigeants d’Uber. 

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Plusieurs médias membres de l'ICIJ, incluant le Washington Post aux États-Unis, Le Monde en France et Radio-Canada au Québec et au Canada, ont épluché ces documents.  

«L’entreprise a enfreint la loi, trompé la police et les régulateurs, exploité la violence contre les chauffeurs et fait pression en secret sur les gouvernements», soutient The Guardian pour expliquer l’expansion fulgurante d’Uber dans le monde.  

L’un des cofondateurs d’Uber, Travis Kalanick, a une fois de plus été éclaboussé par les «Uber Files». Celui qui a dirigé l’entreprise jusqu’en 2017 est accusé d'avoir encouragé des pratiques managériales douteuses et brutales, sur fond de sexisme et de harcèlement.  

Travis Kalanick, ancien dirigeant d'Uber

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Travis Kalanick, ancien dirigeant d'Uber

Ce que répond Uber  

À la suite des dernières révélations, Uber ne présentera pas d’excuses pour son «passé», insistant sur le fait que sa culture d’entreprise a, depuis, évolué.  

«Nous n’avons pas fait et ne ferons pas d’excuses pour des comportements du passé qui ne sont pas conformes à nos valeurs actuelles», indique la vice-présidente Jill Hazelbaker dans un communiqué. 

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Dans ce texte, Uber rappelle également que les médias ont déjà abondamment couvert les erreurs de l'entreprise d'avant 2017.  

D’ailleurs, le porte-parole de Travis Kalanick, Devon Spurgeon, a réfuté toutes les accusations, répondant dans un communiqué que l’ancien dirigeant controversé «n’a jamais suggéré qu’Uber exploite la violence aux dépens de la sécurité des conducteurs». 

Des répercussions jusqu’au Québec 

Le Québec n’a pas été imprégné par les méthodes controversées d’Uber. Radio-Canada expose certains stratagèmes ayant permis à l’entreprise de déjouer le système ici.  

Selon Radio-Canada, des employés de Revenu Québec ont enquêté sur l’entreprise pendant plusieurs semaines en 2015. L’agence gouvernementale avait des raisons de croire qu’Uber ne percevait pas la TVQ et que les chauffeurs étaient encouragés à faire de même.

Photo d'Archives AGENCE QMI

 

Lorsque Revenu Québec a mené des perquisitions auprès d’Uber, les ordinateurs portables, les téléphones intelligents et les tablettes ont tous redémarré en même temps. Cette tactique, appelée «coupe-circuit», serait utilisée couramment par Uber pour se protéger contre les enquêtes gouvernementales. 

Après la panne, les enquêteurs de Revenu Québec ont éteint, puis saisi 14 ordinateurs et 74 téléphones appartenant à l’entreprise, selon un rapport de la cour consulté par Radio-Canada.  

Le directeur général d'Uber avait alors admis que les ingénieurs avaient crypté les données à distance, de leur siège social américain. Une pratique courante exposée dans les «Uber Files». 

Des politiciens de partout sollicités

Au fil des ans, Uber a mené de nombreuses activités de lobbying, auprès de politiciens locaux et nationaux, pour parvenir à se faire une place, malgré des obstacles législatifs et l’opposition du milieu du taxi partout dans le monde.  

L’ancien maire de Montréal, Denis Coderre, s’est opposé à l’implantation d’UberX en 2014, rappelle le reportage de Radio-Canada. Selon le responsable des politiques d’Uber au Canada, l’entreprise aurait alors travaillé avec la province et la Ville de Québec pour contourner la métropole. 

L’ancien maire de Montréal Denis Coderre

Photo Agence QMI, Thierry Laforce

L’ancien maire de Montréal Denis Coderre

Entre 2014 et 2016, le président français Emmanuel Macron, qui était alors ministre de l’Économie et de l’Industrie sous François Hollande, aurait secrètement aidé Uber à s’implanter en France, selon le quotidien Le Monde

Le président Macron s’est défendu plus tôt cette semaine, affirmant qu’il «assume à fond» et qu’il est «extrêmement fier» des milliers d’emplois créés au pays. «Il est très difficile de créer des emplois sans entreprises ni entrepreneurs, a déclaré le chef de l'État. Je le referais demain et après-demain», a-t-il insisté. 

Emmanuel Macron

AFP

Emmanuel Macron

Uber a aussi offert des actions à de jeunes entreprises et à des personnalités politiques en Russie et en Allemagne. L’entreprise aurait également payé des chercheurs «des centaines de milliers de dollars pour produire des études sur les mérites de son modèle économique», selon The Guardian

Espérant assurer sa présence en Russie, Uber aurait engagé, en 2015 et 2016, un agent politique lié de très près à plusieurs milliardaires russes. Sa mission principale: acheter, avec des pots-de-vin, leur influence auprès du président Vladimir Poutine.  

Un ex-employé derrière les «Uber Files» 

La divulgation des «Uber Files» survient après l’éclatement de plusieurs scandales, liés notamment à des cas de harcèlement, de piratage de données, d’espionnage industriel et de bras de fer avec la justice.  

Le lobbyiste Mark MacGann, qui a été actif en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient entre 2014 et 2016, a fourni à The Guardian des milliers de documents compromettants. Il s’est autoproclamé «lanceur d’alerte» sur les pratiques d’Uber.

Mark MacGann

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Mark MacGann

Il s’est tourné vers les médias après avoir porté plainte auprès de l’entreprise et avoir reçu en retour une compensation financière importante. Il estimait que la compagnie avait enfreint la loi dans des dizaines de pays. Bien que la facilité avec laquelle Uber a pu pénétrer le pouvoir soit «enivrante», elle est «profondément injuste», a-t-il déploré.  

Son expérience professionnelle chez Uber aurait eu des conséquences sur sa santé mentale et aurait contribué à «déclencher chez lui un syndrome de stress post-traumatique». 

Uber en bref 

  • En 2009, l’entreprise est fondée à San Francisco sous le nom d'UberCab, par deux cofondateurs, Garrett Camp et Travis Kalanick. 
  • En 2010, les premières voitures Uber apparaissent dans la même ville américaine. 
  • En 2011, Uber arrive à New York, puis à Londres et à Amsterdam en 2012. 
  • En automne 2013, la plateforme d’autopartage s’implante à Montréal.  
  • En décembre 2014, la valeur de l’entreprise est évaluée à 40 milliards de dollars. 
  • Travis Kalanick a été président et chef de la direction d’Uber de 2010 à 2017. 
  • Depuis la mi-juin, l’application Uber est disponible partout au Québec. 
  • Pendant la période couverte par les «Uber Files», la compagnie affirmait être présente dans près de 1200 endroits au monde. 

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