Le monde du travail vu par une Y de 33 ans et un Z de 23 ans

BILLET - Les Millénariaux et les Zoomers partagent plusieurs traits de personnalité à en croire les nombreux sondages qui se sont intéressés à la question. Et pourtant. Une discussion entre nos deux créateurs de contenu, Anne-Lovely Étienne et Julien Bouthillier, montre que les mentalités et la culture du travail ont été appelées à changer en à peine dix ans.
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JULIEN - Ça fait 10 ans que tu es entrée sur le marché du travail comme journaliste. Qu’est-ce qui a changé dans ta perception du travail depuis ?
ANNE-LOVELY - Avec les réseaux sociaux, on ne peut jamais complètement se déconnecter ! D’autant plus qu’avec la pandémie, les webinaires et les vidéo-conférences, j’ai l’impression d’être toujours rejoignable et il y a une culpabilité qui flotte quand je décide de ne pas toucher à mon téléphone. Avec la maturité, je me rends compte qu’il faut définir ses limites, sinon, je pourrais travailler 7 jours sur 7! Je trouve que la génération Z a une relation plus équilibrée face au travail.
Toi qui viens de commencer ta carrière, est-ce que c’est ton cas?
JULIEN - J’adore mon travail et ça occupe une place assez centrale dans ma vie, mais j’essaie vraiment de trouver un équilibre. Il faut que j’aie le temps de voir mes amis le soir et de chiller la fin de semaine pour me ressourcer. C’est essentiel pour trouver l’inspiration qui permet d’être plus créatif au boulot. Je pense que c’est ça que ma génération recherche : de l’équilibre travail-vie personnelle et un employeur flexible et conciliant.
ANNE-LOVELY - On entend parfois dans le discours populaire que les Z ne veulent pas travailler, qu’ils ont tout tout cuit dans le bec... qu’est-ce que tu penses de ça?
JULIEN - Au contraire, je pense qu’on est très travaillants ! La pandémie et la pénurie de main d’œuvre font qu’on est entrés sur le marché du travail plus rapidement que les générations précédentes. On a eu à faire preuve de beaucoup d’autonomie comme on nous confiait rapidement des responsabilités qui prenaient plus de temps à obtenir autrefois. Par contre, je pense qu’on sait où mettre nos limites : on demande juste à être traités avec respect et de pouvoir occuper un emploi où on peut s’épanouir.
Est-ce qu’il y a des choses que tu as acceptées par le passé qu’aujourd’hui tu refuserais complètement ? Des comportements déplacés, par exemple ?
ANNE-LOVELY - Absolument. Je me suis déjà fait crier dessus. Une directrice de stage m'a déjà traitée de «bonne à rien» lors de ma première expérience comme recherchiste en télé. Je n’avais rien répliqué et je m’étais cachée dans les toilettes pour pleurer. Aujourd’hui, je n’accepterais jamais que l’on s’adresse à moi de la sorte dans un contexte professionnel. J’ai aussi eu plusieurs commentaires déplacés. Un homologue masculin m’a déjà dit: «Je suis surpris, t’es actually intelligente Anne-Lovely». C’est un exemple parmi tant d’autres.
Mais revenons à toi. Tu viens juste de commencer ta carrière, mais est-ce que tu te vois au même endroit dans 10 ans ?
JULIEN - Ouf, grosse question. Je pense que ma génération est beaucoup plus prompte à essayer plein d’affaires différentes au cours d’une carrière. Le marché du travail est de plus en plus éclaté et on trouve des gens avec des parcours différents au sein d’une même équipe, une diversité qui permet à chaque professionnel d’avoir sa propre saveur. Une étude publiée par Dell et l'Institut pour le futur l’an dernier révélait que pas moins de 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. Difficile donc de répondre à ta question! Et toi ?
ANNE-LOVELY - Ce que je sais, c’est que je veux continuer à être polyvalente: la télé pour rejoindre et sensibiliser la masse, l’écriture journalistique et la chronique pour ouvrir les perspectives de l’opinion publique et l’écriture de fiction pour raconter et refléter une réalité peu dépeinte dans les médias québécois. Je dirais que ma génération et celles du futur dans le domaine des médias (et dans plusieurs autres) seront appelées à devenir des touche-à-tout. L’avenir du travail change de visage et plus tu manies d’expertises, mieux c’est!