Accusations de queerbaiting: Harry Styles gagne-t-il à rester ambigu sur sa sexualité?

Vernis à ongles, vêtements à paillettes, sexualité ambiguë: idole des jeunes partout dans le monde, le chanteur Harry Styles, qui a mis la main sur le Grammy de l'album de l'année, se fait souvent reprocher de s’approprier la culture queer pour mousser sa popularité. A-t-on raison d’accuser la pop star de queerbaiting?
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«Pour moi, ce n’est pas nécessairement du queerbaiting, dans le sens où il ne prétend pas être quelque chose qu’il n’est pas complètement», avance l’animateur, chroniqueur et DJ Thomas Leblanc.
Le queerbaiting, c’est le fait de reprendre des éléments de la culture queer et de s’en servir pour attirer un certain auditoire, sans pour autant être membre de la communauté LGBTQ+.
Et la question se pose: Harry Styles s’identifie-t-il à la communauté LGBTQ+? Depuis qu’il fait carrière en solo, le chanteur laisse planer un certain mystère autour de sa sexualité. Même s’il n’a jamais confirmé publiquement être en couple avec quelqu’un, les seules relations qu’on lui connaît sont avec des femmes.
«Parfois, les gens disent “tu as été seulement été publiquement avec des femmes”, mais je ne crois pas que j’ai été publiquement avec qui que ce soit. Si quelqu’un prend une photo de toi avec quelqu’un, ça ne veut pas dire que tu décides d’avoir une relation publique ou quoi que ce soit», a affirmé l’ex-membre de One Direction, dans une entrevue récente avec le magazine Rolling Stone.
L’artiste de 28 ans serait en relation avec l’actrice et réalisatrice Olivia Wilde depuis deux ans.
Avoir l’air queer, c’est payant!
Que Harry Styles soit queer ou pas, Thomas Leblanc se réjouit de voir un artiste de cette envergure – et qui s’adresse à un jeune public – se permettre une si grande liberté.
«Pour moi, le scandale, ça serait bien plus qu’on dise à un homme hétérosexuel qu’un homme, ça fait ce genre de sport, ça s’habille de cette façon, ça ne joue pas aux poupées, ça joue au hockey», affirme-t-il.
«La musique populaire, depuis les années 50, s’inspire des communautés noires et des communautés queer pour attirer [le public]. Ça se fait depuis très longtemps», remarque d’ailleurs Thomas Leblanc.
David Bowie, Boy George, mais aussi Katy Perry, Lady Gaga et Bad Bunny, plus récemment, ont tracé le chemin à Harry Styles.
«Ce qui est fou, ce que ça nous dit avec Harry Styles, c’est qu’on est dans une époque où c’est plus payant d’avoir l’air queer que d’avoir l’air hétéro. Ça c’est le gros renversement, c’est quand même fou», se réjouit Thomas Leblanc, qui organise, le 10 septembre prochain, une soirée thématique Harry Styles au Bar Le Ritz, à Montréal.
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Une volonté de plaire?
Jess Pvm, qui est à la barre du balado Deux fxfs le matin, reproche pour sa part à Harry Styles de garder un flou autour de son orientation sexuelle pour plaire à un plus vaste auditoire.
«On sent qu’il entretient beaucoup le flou autour de [sa sexualité]. Je ne sais pas s’il en profite, mais il ne vit pas pleinement les risques qui viennent avec le fait d’être une personne queer assumée dans l’espace public», regrette Jess Pvm, qui ajoute toutefois que personne ne devrait se sentir obligé de faire un coming out.
«En restant dans le milieu, j’ai l’impression qu’il cherche à plaire à tout le monde et à ne pas offusquer trop, ce qui est quand même surprenant parce que son style est quand même éclaté.»
Jess Pvm souligne par ailleurs que Harry Styles se présente comme un allié de la communauté LGBTQ+. Dans ses spectacles, par exemple, il supporte souvent des fans qui souhaitent faire leur coming out.
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Des hommes libérés?
Mais au-delà du style et de l’image, Harry Styles ne doit pas oublier qu’il occupe une position de privilégié, souligne le directeur général de l’organisme Interligne, Pascal Vaillancourt.
«Dans la communauté LGBTQ+, il y a des gens qui ont adopté ce style et qui ont été violentés, tabassés. Il y en a même qui sont morts parce qu’ils ont vécu des agressions homophobes à cause de leur style», rappelle-t-il.
«Si on adopte un style qui s’apparente aux communautés queer, je pense qu’il faut le dire, qu’il faut le valoriser et utiliser son privilège pour montrer qu’on est conscient d’où ça vient et que la personne l'adopte fièrement», poursuit-il.
«Tout le monde peut porter ce qu’il veut», mais il faut être conscient de ses «privilèges».
Glorification de l'homme hétéro cisgenre
Depuis quelques années, Pascal Vaillancourt remarque d’ailleurs une certaine «glorification» des hommes cisgenres – dont le sexe correspond à celui assigné à la naissance – et hétérosexuels qui adoptent un style vestimentaire hors des normes.
Au Québec, l’humoriste et animateur Jay Du Temple a fait tourner les têtes lorsqu’il a posé, en 2020, pour le magazine Elle Québec avec du vernis sur les ongles.
Sortir des sentiers battus c’est beau, mais il faut aussi aller au-delà des apparences, insiste Jess Pvm.
«Maintenant, je le vois, tout le monde en met du cutex. Est-ce que c’est un impact qui a créé une discussion ou c’est un impact qui a créé une mode? Il y a une différence entre les deux», conclut Jess Pvm.