Le potinage serait la «véritable raison du retour au bureau» en présentiel, selon une psychologue

Avez-vous déjà eu hâte de vous rendre au bureau pour être à jour sur les plus récents potins? Vous n’êtes pas seuls! De nombreux experts estiment que les ragots sont une des raisons qui poussent les gens à vouloir revenir travailler en personne.
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Dans un récent article publié dans le Globe and Mail, la psychologue et chroniqueuse Susan Pinker affirme que le potinage n’est ni plus ni moins «la véritable raison du retour au bureau».
Dans cet article, Mme Pinker écrit que d’obtenir «des infos sur vos collègues est l'un des plaisirs intangibles de travailler dans un vrai bureau peuplé de vraies personnes». Selon elle, les informations recueillies dans des séances de potinage impromptues pourraient avoir une importance stratégique pour voir venir une ouverture de poste ou se rendre compte qu’on est moins payés que d’autres collègues, par exemple.
Le professeur Martin Chadoin du département d'organisation et ressources humaines de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM (ESG UQAM) est quant à lui plus nuancé sur le rôle que le potinage vient jouer en milieu de travail.
«Quand on potine, on s’inscrit dans une compréhension commune de la situation, on crée un sens, on affirme des normes, on en challenge d’autres. Donc, potiner c’est un peu aussi créer une représentation collective de l’endroit dans lequel on se retrouve», affirme-t-il.
Pas que du positif
M. Chadoin livre toutefois un avertissement aux potineurs en herbe : dépendamment de la nature des informations partagées, le potinage pourrait avoir un impact positif ou négatif.
Parmi les effets bénéfiques, «ça permet d’avoir un ajustement individuel de carrière, par exemple. Donc, avec le potinage, je sais que tel collègue fonctionne de telle façon ou que tel poste va ouvrir plus tard ou bien je vais pouvoir faire des moves pour essayer d’atteindre l’objectif désiré», explique-t-il.
Toutefois, «c’est sûr que ça peut aussi avoir des effets négatifs quand le potinage est un peu lié à de la fausse rumeur ou à des atteintes négatives contre les personnes.»
Renforcer les liens d’équipe
Si dans un environnement de travail déjà dysfonctionnel, le potinage pourrait envenimer la situation, il pourrait permettre à une équipe bien soudée d’encore mieux collaborer.
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«Pour moi, le potinage dans une équipe qui fonctionne bien, c’est sûr que ça va être quelque chose qui peut créer des liens, qui peut permettre de savoir que [par exemple], Robert a besoin d’aide à tel moment parce que ... et donc on va faire attention si Robert à tel moment a cette tête là parce qu’on en a entendu parler dans les couloirs», illustre M. Chadoin.
Il explique toutefois que le désavantage, c’est que le potinage peut servir à mettre à l’écart quelqu’un quand il n’y a pas cette notion de bienveillance et de confiance entre les personnes. C’est une pratique qu’on retrouve dans certains environnements où il y a une vision très individuelle du travail, estime M. Chadoin, citant en exemple le milieu universitaire ou les milieux créatifs.
M. Chadoin croit que le potinage ne peut être complètement écarté d’un milieu de travail et qu’il fera toujours partie intégrante de tout milieu dans lequel des êtres humains interagissent entre eux. Il croit même que ce comportement doit être perçu comme une «fonction de travail».
«Parce que mon équipe est saine et qu’elle potine, elle est capable de s’organiser et quasiment de ne même plus avoir à se parler pour savoir comment on fait les choses», explique-t-il.
Une information fiable et neutre?
Par définition, un potin ne constitue pas un fait vérifié. Toutefois, selon les études sur le sujet tendent à démontrer que l’expression «il n’y a pas de fumée sans feu» pourrait être très à propos.
Une étude publiée au début des années 2000 par les psychologues Nicholas DiFonzo et Prashant Bordia sur près de 300 entreprises révèle que pas moins de 80% des rumeurs qui circulent en milieu de travail seraient vraies.
Une autre étude publiée en 2019 dans la revue Social Psychological and Personality Science révélait que pas moins de 75% des potins de bureau étaient considérés neutres – et donc ni positifs ni négatifs.