À cause de la crise de logement, une femme des Laurentides dort au motel depuis plus d’un an

Incapable de se trouver un logement abordable, une résidente des Laurentides n’a d’autre choix que de payer 880$ par mois pour habiter dans une petite chambre de motel à Mont-Tremblant. Son histoire est loin d’être un cas isolé dans cette région, déplorent des travailleurs de rue.
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La dernière année et demie n’a pas été de tout repos pour Nathalie Pinault. Avant d’atterrir à Mont-Tremblant, où elle se dit bien installée, elle est passée par deux autres motels, un à Sainte-Adèle et l’autre à Sainte-Agathe-des-Monts.
La première chambre qu’elle occupait à Sainte-Adèle, elle l'a quittée en août 2021, parce qu’elle était infestée de punaises de lit, raconte la femme de 57 ans, qui a alors dû laisser toutes ses choses derrière.
Elle s’est ensuite déplacée plus au nord, vers Sainte-Agathe-des-Monts, où elle s’est trouvé une nouvelle chambre.
Au départ, tout allait bien. La chambre, qui lui coûtait 880$ par mois, était dans une meilleure condition que la première. Au fil des mois, elle devait toutefois débourser toujours un peu plus d’argent. Au moment de quitter le motel, en juin dernier, elle payait 1300$ mensuellement pour sa chambre.
1300$, c’est autant que le montant qu’elle reçoit chaque mois de l’aide sociale. C’est donc dire qu’il ne lui restait plus un sou pour se nourrir et subvenir à ses besoins.
«Pourquoi ambitionner de même avec les gens?» se demande celle qui affirme ne plus être apte à travailler en raison de l’arthrose, qui lui ronge les os des épaules.
Le Tribunal administratif du logement (TAL) n’a aucune emprise sur le prix de location des chambres de motel, même si une personne s’y loge à long terme. Les propriétaires peuvent augmenter les prix comme bon leur semble.
Chaque mois, Nathalie doit débourser 880$ pour sa nouvelle chambre de motel, ce qui représente près de 70% de son revenu. La SCHL recommande pourtant de ne pas dépasser 30% du revenu pour le logement.
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Le motel comme dernier refuge
Comme Nathalie Pinault, de nombreux résidents des Laurentides à faible revenu doivent se résigner à habiter au motel. Ils n’ont tout simplement pas le choix, déplore le travailleur de rue basé à Mont-Tremblant Martin Légaré.
Même s’il aimerait trouver un toit à Nathalie Pinault, les logements qui sont disponibles sont soit trop chers soit en location sur des sites comme Airbnb, pour les touristes.
«Y’a des maisons vides sur la montagne [à Mont-Tremblant] qui attendent juste d’être louées pendant l’hiver sur Airbnb. Mais rien pour les gens qui habitent la région», regrette-t-il.
Les logements à louer sont d’ailleurs des perles rares dans les Laurentides. Le taux d’inoccupation est de 0,3% à Mont-Tremblant, de 0,8% à Saint-Adèle et de 0,7% à Sainte-Agathe-des-Monts, selon les données de la Société canadienne d’hypothèques de logement (SCHL).
Le taux d’inoccupation à viser pour une région est de 3%, toujours selon la SCHL.
Face au manque criant de logements, les travailleurs de rue n'ont d’autre choix que de se tourner vers les motels pour loger les plus démunis.
«Dans un monde idéal, elle irait dans un HLM», se désole une autre travailleuse de rue avec qui le 24 heures s’est entretenu dans les Laurentides, Mélanie Bolduc.
La directrice générale par intérim de l’Office municipal d’habitation des Laurentides, Francine Danis, confirme que les 130 habitations à prix modique (HLM) de la région sont occupées. La liste d'attente pour en obtenir un est d'au moins deux ans.
«Tout le monde est conscient qu’il manque de logements sociaux. [...] Cet été, on a appelé dans les campings et dans les motels pour loger les gens [sans logement], mais c’était complet partout», déplore-t-elle.
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Un refuge qui déborde
Après avoir rendu visite à Nathalie Pinault, le 24 heures a continué son chemin jusqu’à La Croisée des Laurentides. Situé à Sainte-Agathe-des-Monts, c’est l’un des seuls refuges pour personnes itinérantes au nord de Saint-Jérôme.
Le refuge, qui compte 11 lits, peine toutefois à répondre à la demande. Il doit souvent refuser des personnes dans le besoin, parfois même des familles avec des enfants, regrette le coordonnateur de la place, Marc Meloche.
«On a des appels de familles avec leurs enfants. Je ne peux pas [les recevoir], on est dans un milieu d’adultes. C’est là qu’on verse des grosses larmes», confie-t-il.
«Les travailleurs de la rue doivent les reloger, lorsque c’est possible, dans les motels.»
Yvan Huleault, 58 ans, séjourne actuellement au refuge La Croisée des Laurentides. Même si l’homme originaire de Sainte-Agathe-des-Monts rêve de se sortir de la rue, il n’a nulle part où aller et n’a pas les moyens de se payer un logement.
«C’était abordable avant la pandémie. Mais y’a tellement eu de transactions financières que les prix ont triplé depuis», dit-il.
«C’était 400$ dans une maison de chambres avant je rentre en dedans [en prison], en 2012. Maintenant, c’est 900$», renchérit un autre bénéficiaire du refuge, résigné.