Écriture inclusive: voici ce que contient le nouveau guide du gouvernement canadien | 24 heures
/bref

Écriture inclusive: voici ce que contient le nouveau guide du gouvernement canadien

Image principale de l'article Voici l'écriture inclusive recommandée par Ottawa
Photo Adobe Stock

Pour la première fois, le gouvernement du Canada a publié des lignes directrices concernant l’écriture inclusive en français. On vous résume les grandes lignes de ces directives.  

• À lire aussi: Voici pourquoi c’est important d’utiliser les bons pronoms

• À lire aussi: D’où vient le terme «woke» et que veut-il dire aujourd’hui

Commençons par le préciser: il ne s’agit pas de règles rigides à suivre à tout prix, mais plutôt d’un outil qui offre des pistes de solutions pour écrire de manière plus inclusive, pour que tout le monde se sente représenté. Car il est important de ne pas suivre une recette, mais plutôt de se poser des questions quand on rédige, selon Catherine Foisy, une conceptrice-rédactrice qui donne des formations en rédaction inclusive pour le Club Sexu.

«Selon moi, on ne peut pas recommander quelque chose d’universel. Parce qu’à chaque fois qu’on écrit, il faut se poser des nouvelles questions, c’est-à-dire: sur qui j’écris? Puis, sur quelle plateforme, quel médium j’écris? En fonction des réponses à ces questions-là, la plupart du temps, on peut arriver à la meilleure solution selon le contexte», explique-t-elle.

Le masculin ne l’emporte plus

On est tous et toutes familiarisés avec l’expression «le masculin l’emporte», ou «le masculin est utilisé pour alléger le texte». Pourtant, on peut faire autrement, tout en ayant un texte parfaitement lisible! 

Selon les recommandations du guide, on peut utiliser la double formulation, que tout le monde connaît: c’est quand on écrit par exemple «les agents et agentes» plutôt que simplement «les agents». Si on utilise ce procédé, Ottawa recommande d’y aller en écrivant les deux titres au complet, comme dans l'exemple précédent. Si l’espace manque, il est possible d’utiliser le doublet abrégé «agent·es». Dans ce cas, le point médian (ou point milieu) est favorisé, et on recommande de mettre la marque du pluriel directement après la terminaison féminine. 

On peut aussi utiliser des formulations neutres. Contrairement aux doubles formulations, qui incluent à la fois le féminin et le masculin, la neutralité est plus concise et plus inclusive. En effet, elle ne «renforce pas la binarité femme-homme», selon le document produit par le Bureau de la traduction du Canada. 

Le guide gouvernemental présente trois procédés permettant la neutralité: 

  • Utiliser des noms collectifs qui désignent un ensemble de personnes. Par exemple, «la population» au lieu de «les citoyens et citoyennes». 
  • Utiliser des mots épicènes qui ne changent pas de forme selon leur genre. Par exemple, «linguiste» est un mot épicène, contrairement à «langagier» et «langagière». 
  • Reformuler pour retirer la notion de genre, lorsque le contexte s’y prête. Ainsi, il est possible de remplacer la phrase «les boursiers devront soumettre un texte» par «vous devrez soumettre un texte». 

• À lire aussi: Des personnes trans et non binaires nous racontent comment c’est de se baigner en public

Par ailleurs, Ottawa précise que le pronom-néologisme «iel» devrait être utilisé avec parcimonie. Il devrait être utilisé pour référer à une personne non binaire qui en fait la demande, mais il ne devrait pas être utilisé pour désigner ou s'adresser à un groupe composé de personnes de différents genres ou encore une personne dont on ne connaît pas le genre. 

Un premier pas d’une grande importance

Les deux expertes en rédaction inclusive à qui le 24 heures a parlé se réjouissent que le gouvernement fédéral s’intéresse à cet enjeu. Elles estiment qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction.

«L’impact que ça a quand ça vient d’une instance gouvernementale, c’est qu’après ça on peut écrire ces formes dans des documents officiels et ça a un poids. Ça permet de diffuser ces manières d’écrire. Il y a comme un poids symbolique quand on voit des formes écrites dans un document officiel qui vient du gouvernement», estime Alexandra Dupuy, une doctorante en linguistique qui s’intéresse particulièrement à l’écriture inclusive.

Alexandra Dupuy

Photo Martin Alarie

Alexandra Dupuy

Catherine Foisy se réjouit elle aussi de voir des institutions gouvernementales se pencher sur cet enjeu. Selon elle, cela va permettre de normaliser l’écriture inclusive à un plus grand public plutôt que d’être uniquement confinée au «mouvement communautaire et engagé». 

«Qu’un gouvernement prenne position là-dessus, je pense que c’est une bonne nouvelle et que ça va faire en sorte qu’il y a plus de gens qui vont s’y intéresser», estime-t-elle. 

Avant même la publication des lignes directrices gouvernementales, Mme Foisy observait un intérêt grandissant pour les formations qu’elle offre sur cet enjeu. L’organisme Club Sexu, avec lequel elle travaille, avait lancé dès l’hiver 2021 un guide sur l’écriture inclusive avec l’organisme les 3 sex* afin d’aider les organisations et les individus à mettre en place l’écriture inclusive.

À quoi ça sert, l’écriture inclusive?

La linguiste Alexandra Dupuy nous rappelle que le français étant une langue qui est normalement genrée, l’écriture inclusive permet de rendre la langue française accessible à tout le monde. 

«Dans la société, il n’y a pas que des femmes et que des hommes qui existent. Il y a des personnes qui n’appartiennent à aucune de ces deux catégories, qui sont en dehors d’un des deux pôles de la binarité du genre. Être capable de se nommer dans sa langue, c’est la base», explique-t-elle.

• À lire aussi: Enfin reconnu comme personne non binaire sur ses pièces d’identité

Des propos qui résonnent avec ceux de Catherine Foisy, qui estime que la langue française n’a pas évolué au même rythme que notre société et qu’il est temps que le rattrapage s’opère.

«Je trouve que notre langue n’a pas suivi les avancées sociologiques, c’est-à-dire évidemment les courants féministes, mais aussi tous les courants d’inclusion. Je pense que c’est primordial qu’on parle d’écriture inclusive parce que selon moi, si on a un message à communiquer sur le fait qu’on est une société de plus en plus progressiste et inclusive, si notre langue ne suit pas notre discours, ça crée un certain problème», conclut-elle

À VOIR:

s