Fermeture du pont-tunnel L.-H.-La Fontaine: ces quatre solutions de transport permettraient-elles d’éviter le pire?

À quelques heures de la fermeture du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, et alors que l’inquiétude est à son comble, deux expertes en mobilité se prononcent sur des pistes de solutions proposées dans les derniers jours.
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1. Interdire l’auto solo dans le pont-tunnel aux heures de pointe
«On doit limiter l’accès durant les heures de pointe: seulement le covoiturage, le transport collectif et les camions – pas de voiture solo pendant ces périodes. Une solution difficile pour limiter les dégâts», écrivait sur Twitter mercredi dernier le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc.
Pour Catherine Morency, professeure titulaire en génie du transport à Polytechnique Montréal, c'est la meilleure manière pour qu’un maximum de personnes puissent emprunter le pont-tunnel pendant les travaux de réfection majeurs.
«D'un point de vue mathématique, cette solution permettrait de transporter plus de personnes» et «d’utiliser plus efficacement l’espace», estime-t-elle. Cette solution ne serait toutefois pas facile à accepter pour la population, admet-elle.
«C’est de la musique à mes oreilles quand on parle de réserver [le pont-tunnel] au transport en commun et au covoiturage», affirme pour sa part Aline Berthe, directrice générale de Voyagez futé, qui fait la promotion de solutions de rechange à la voiture solo auprès des employeurs du centre-ville de Montréal, et directrice du Centre de gestion des déplacements de l’Est de Montréal et Lanaudière (CGDEML).
Cette solution n’est toutefois pas parfaite: elle serait un dur coup à encaisser pour des automobilistes qui habitent à proximité de l’axe routier et qui sont habitués à se déplacer seuls dans leur voiture. Comme le soulignait Michel Leblanc cette semaine, les camionneurs, qui voyagent seuls, devraient également être exclus de la mesure, ajoute-t-elle.
2. Rendre le transport en commun gratuit aux heures de pointe
À compter de lundi, certains services de transport en commun devraient-ils être gratuits pour inciter un maximum de personnes à les utiliser?
«Je ne comprends pas c’est quoi l’idée de mettre du transport en commun gratuit quand on n’offre même pas du transport efficace. L’urgence est de développer le réseau pour qu’il soit plus efficace, pas juste dans ce corridor-là [l’île de Montréal et la Rive-Sud], mais partout», insiste Catherine Morency, qui est titulaire de la Chaire Mobilité et de la Chaire de recherche du Canada sur la mobilité des personnes à Polytechnique Montréal.
Aline Berthe abonde dans le même sens. Selon elle, la gratuité menacerait la survie des sociétés de transport, qui en arrachent depuis le début de la pandémie et dont la majorité des revenus provient de la poche de leurs usagers.
«Si on le fait gratuit, il va falloir que l’argent vienne d’ailleurs, et je pense que les gouvernements ont vraiment donné beaucoup d’argent pour compenser les pertes des deux dernières années», dit-elle.
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3. Mettre en place des incitatifs financiers pour utiliser le transport en commun ou faire du covoiturage
«J'ai toujours énoncé mon insatisfaction quant au fait qu’on va donner de l’argent aux gens qui vont s’acheter des voitures, mais pas donner de l’argent à ceux qui décident de ne pas en posséder, de se déplacer à pied, en vélo ou en transport en commun», lance Catherine Morency, qui dénonce une «incohérence dans le message envoyé».
«Si le gouvernement mettait aussi la main à la pâte pour ça, ça serait utile et moins coûteux que d’offrir le transport en commun gratuit», insiste pour sa part Aline Berthe.
Le CGDEML propose d’ailleurs souvent aux entreprises qui le contactent de donner des incitatifs financiers à leurs employés qui décident d’opter pour un mode alternatif de transport.
Elle rappelle que les travailleurs qui se déplacent en voiture ont parfois des avantages, comme une place de stationnement gratuite – selon l’endroit où se situe leur bureau. «Ceux qui viennent en transport en commun ou en covoiturage la plupart du temps ne reçoivent rien comme compensation», soutient-elle. Or, un tel dédommagement pourrait changer les choses, puisque le transport en commun «prend souvent plus de temps ou exige plus de logistique».
Des programmes destinés aux employeurs existent d’ailleurs déjà pour rembourser à leurs employés une partie ou l’entièreté des frais de certains incitatifs à utiliser le transport en commun, comme les programmes OPUS et Cie de la Socété de transport de Montréal (STM) et OPUS+ d'EXO, mentionne Aline Berthe.
Jusqu’en 2017, le gouvernement fédéral offrait aux personnes qui utilisaient le transport collectif pour leurs déplacements un crédit d’impôt non remboursable de 15% des frais associés au transport en commun. Mettre en place une mesure de ce genre pourrait être envisageable pour le gouvernement du Québec, croit Aline Berthe.
4. Bonifier les services en dehors des heures de pointe
Devrait-on bonifier les services offerts en dehors des heures de pointe du matin et de l'après-midi pour convaincre des travailleurs qui ont des horaires atypiques de se déplacer facilement en transport collectif?
Catherine Morency voit cette proposition d’un bon œil.
«La clé du transport en commun, c’est la grande fréquence et la grande amplitude», affirme la professeure. Selon elle, pour être attractif, la fréquence du passage du moyen de transport en commun, qu’il s’agisse du métro, de l'autobus ou du train, devrait être toutes les 10 ou 12 minutes, au maximum.
«On veut [que] les gens puissent dépendre de ces services-là en sachant que, même s’ils finissent plus tard ou qu’ils ont une sortie après [leur quart de travail], ils vont avoir encore une option pour se déplacer», mentionne-t-elle.
Même si l’idée est bonne sur papier, Aline Berthe croit, quant à elle, qu’il vaut mieux se concentrer sur l'amélioration du service aux heures de pointe. Selon elle, augmenter l’offre au-delà des heures de pointe coûterait trop cher aux sociétés de transport et ne répondrait pas nécessairement aux besoins de la population.