Une école du Plateau se dote d’un skatepark pour débutants

Les élèves commencent à affluer dans le gymnase du pavillon Rachel de l’école primaire Saint-Louis-de-Gonzague, dans le Plateau-Mont-Royal, à Montréal, en ce vendredi de journée pédagogique. Quelques curieux grimpent sur les bancs pour pouvoir jeter un coup d’œil par la fenêtre, dont l’enseignante Marie-Émilie Gagné.
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C’est que dans la cour asphaltée de l’établissement, une grue décharge des structures qui sont attendues depuis longtemps: une rampe, un quart de lune et d’autres modules qui formeront le premier skatepark sur le terrain d’une école primaire à Montréal.
«Si c’est assez sec cet après-midi, c’est sûr que je le skate», s’exclame Marie-Émilie Gagné. Le problème, c’est qu’en ce frisquet vendredi de novembre, il y a au sol un mélange de pluie, de neige et de glace.
L’installation du skatepark était d’abord prévue pour la fin septembre, mais il a fallu refaire une soumission pour confirmer le budget. Les modules sont donc installés à un moment bien inopportun, mais au moins, il sera en place dès que les conditions redeviendront clémentes, au printemps prochain.
Les structures ont été construites par Rick Design, une entreprise de Saint-Germain-de-Grantham, dans le Centre-du-Québec. «C’est aussi eux qui ont fait [le skatepark de] Verdun, un de mes préférés à Montréal», ajoute-t-elle.
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Le projet a coûté 31 000$. L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal a donné une subvention de 6000$ dans le cadre du programme Écoles de quartier. L’école, à travers son organisme de participation des parents, a payé le reste.
Joséphine, 12 ans, fait partie des élèves qui attendaient ce moment avec impatience.
«Je ne vais pas souvent au skatepark, parce qu’il n’y en a pas proche de chez moi. Mais là, il va y en avoir un dans la cour d'école. C'est parfait [...] et je pourrais y aller les soirs, la fin de semaine.»
Persévérance et confiance en soi
À 35 ans, Marie-Émilie Gagné a commencé à faire des figures sur sa planche après avoir été défiée par une amie de réussir un ollie en une semaine. À force d’essayer des nouvelles figures (et de les rater plusieurs fois avant de les réussir), elle a fini par y voir «un lien avec le milieu scolaire».
«Nos valeurs à l'école, c'est surtout basé sur la persévérance et la confiance en soi, explique-t-elle. J'ai remarqué que c'était vraiment les deux valeurs principales aussi du skate: il faut vraiment être persévérant pour réussir les trucs, [et] quand on réussit [...] on est tellement contents, ça fait du bien.»
L’enseignante a donc lancé il y a quatre ans une activité parascolaire les midis pour enseigner le skate aux élèves du pavillon Rachel, qui abrite les classes de la 3e à la 6e année.
«J'en ai qui ont pris goût au sport, qui continuent même, rendus au secondaire. Des jeunes qui ont suivi le cours et qui étaient des élèves très discrets [et à qui] ça a permis de s'épanouir», assure-t-elle.
«En 4e année, quand Marie-Émilie a annoncé qu'on allait pouvoir faire du skate, ça m'a tenté. C’est comme ça que j’ai commencé, et puis j'ai bien aimé, et j'ai eu le goût d'en refaire», raconte Arthur, 11 ans.
Assis dans le gymnase où ils ont appris à faire voler leur planche dans les airs, Joséphine et Arthur, maintenant en 6e année, se réjouissent à l’idée de pouvoir avoir accès à des structures bétonnées et permanentes. Ils devaient jusque-là installer et ranger des modules temporaires chaque mercredi midi.
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«Je trouve ça cool parce que, l'été, tu peux arriver plus tôt [avant le début de l’école] et aller dans le skatepark. Ça donne plein d'opportunités», ajoute Arthur, qui devra toutefois bientôt quitter Saint-Louis-de-Gonzague pour rentrer au secondaire.
«Il va y avoir un skatepark dans notre cour! J’aurais jamais imaginé ça, quand j'étais en troisième année et que je prenais [mes premiers] cours avec Marie-Émilie», renchérit Joséphine.
Une école pionnière
Si la jeune planchiste a de la difficulté à y croire, c’est parce qu’il n’y avait pas, avant aujourd’hui, de skatepark dans une cour d’école primaire à Montréal. Et c’est une des raisons pour lesquelles le projet a mis un certain temps à se réaliser.
«Le skate [pour l’administration de l’école et pour le centre de services scolaire], c’était pas quelque chose qui existait déjà; c’était hors du commun, explique Marie-Émilie Gagné, chez qui l’idée est née il y a maintenant trois ans. Il a fallu qu'ils aillent voir dans les fonctionnements, si c'était faisable, comment faire les soumissions aussi...»
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Elle espère que son initiative inspirera d’autres écoles.
«Il faut redonner ses lettres de noblesse à ce sport qui, dans le fond, est aussi bon que n'importe quel autre sport pour les enfants», insiste-t-elle.
En voyant des skateparks de qualité être construits à travers la ville et la province et en constatant les effets positifs que le skate peut avoir sur les jeunes, plus de parents risquent de s’apercevoir que cette activité physique est bénéfique, croit-elle.
Même les Jeux olympiques ont «accepté» la planche à roulettes, rappelle Arthur.
En attendant les beaux jours
Vers 13h, la pluie a cessé. La mentore et ses deux initiés enfilent manteau et casque et se dirigent vers les modules qui ont été vissés dans le sol à peine une heure plus tôt.
Le béton est encore luisant et les rampes d’accès métalliques semblent encore bien glissantes, mais le trio ne peut s’empêcher d’essayer leur nouveau terrain de jeu.
Le skatepark est de taille modeste (environ 17 pieds par 30 pieds, ou 5 mètres par 9 mètres), et les structures ne sont pas les plus imposantes qui soient, mais ça faisait partie de l’objectif.
«Quand j'ai commencé à faire du skate, je trouvais qu'il n’y avait pas beaucoup de skateparks pour débutants, mentionne Marie-Émilie Gagné. Je me disais, ça serait le fun d'en avoir un vraiment adapté à mes cours où les jeunes pourraient venir pratiquer [sur] des petits modules.»
Après quelques minutes, c’est la fin de l’activité pour aujourd’hui. Ce n’est pas le dénouement idéal pour cette journée tant attendue, mais l’enseignante jubile quand même.
«Je le trouve vraiment beau, il est encore plus beau que ce que j’espérais! J’ai hâte de pouvoir le skater pour vrai.»